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Une « énigme » intrigante, née avant Internet mais qui y a trouvé un souffle qu’on peut qualifier d’ininterrompu : celle de 13 mystérieux crânes de cristal qui pourraient sauver, paraît-il, notre planète de l’Apocalypse !
Sur de nombreux sites circule, en effet, une étrange rumeur : le jour où 12 crânes de cristal de roche (qu’on nomme parfois quartz) d’origine précolombienne (inca, aztèque et maya), seront regroupés en cercle autour d’un 13ème, notre planète sera sauvée d’une destruction certaine !
Ce buzz, véhiculé quasiment tous les ans et de façon récurrente par les réseaux sociaux, a été lancé par des néo-nouvelâgeux. Il fait allusion à la date du 21 décembre, jour du solstice d’hiver : pour certains, cette date est interprétée comme étant celle de la fin du monde.
Selon cette légende, dont l’origine proviendrait de textes mayas, ces 13 crânes de cristal renfermeraient d’importantes informations sur les origines de l’Humanité, ainsi que les réponses à quelques-uns des grands mystères de la vie et de l’univers. La « folie » médiatique opposant pro et anti-crânes de cristal s’est emparée des passionnés du Web, alimentée par deux journalistes anglo-saxons, Chris Morton et Ceri Louise Thomas, dès la sortie de leur livre, Le mystère des crânes de cristal, publié en 1999 aux Éditions du Rocher.
Personne ne sait, malheureusement, quels sont précisément les 13 crânes de cristal « élus » : en effet, on en dénombre plusieurs centaines de par le monde ! Même Heinrich Himmler, le redouté chef des SS allemands, en possédait un qui mesurait 17 cm de haut et pesait 9,2 kg. Ce crâne serait aujourd’hui la propriété du journaliste suisse Luc Bürgin.
Parmi ces centaines de crânes de cristal existant de par le monde, voici les sept plus célèbres d’entre eux : ils méritent d’être étudiés de plus près, car leur histoire n’est pas banale.
Le « crâne du destin » d’Anna Mitchell-Hedges
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Anna est la fille adoptive de l’explorateur anglais Frederick Mitchell-Hedges (1882-1959).
Elle est décédée en 2007 à l’âge de 100 ans près de Toronto au Canada où il elle vivait. Elle affirme avoir découvert en 1924 un crâne de cristal de 13 cm de haut, pesant 5 kg : cette année-là, elle accompagne son père lors d’une expédition de fouilles dans les ruines d’une ancienne cité maya à Lubaantun au Belize. Elle aurait fait cette trouvaille dans les ruines d’une pyramide, le jour anniversaire de ses 17 ans (étrange coïncidence !) et sans témoins.
Ce crâne est composé de deux pièces distinctes (la mâchoire est amovible), taillées dans le même morceau de quartz.
Mais la vérité a éclaté le jour où a été retrouvée une note, écrite de la main d’un des anciens conservateurs du British Museum, mentionnant qu’un crâne en cristal de roche avait été mis en vente chez Sotheby’s, à Londres, le 15 septembre 1943, sous la référence Lot 54.
On y lit que « le musée avait essayé d’acquérir le crâne, mais en vain car il avait été, à l’époque, acheté par le marchand d’art londonien Sydney Burney, puis vendu à un certain Mitchell-Hedges pour 400 livres » !
Le crâne n’était donc pas chez les Mitchell-Hedges depuis 1924, comme Anna le prétendait, mais seulement depuis 1943.
Le crâne « Sha Na Ra » de Nick Nocerino
Nick Nocerino, décédé en 2004, était un étrange personnage : il se disait maître chaman et guérisseur, intéressé par l’occultisme et la magie blanche (Wicca).
En 1955, il fonde la Society of Crystal Skulls International (Société Internationale des Crânes de Cristal) avec, pour mission, de rechercher et d’étudier tous les crânes de cristal existant sur la planète. Il possédait lui-même un crâne de ces crânes, appelé « Sha Na Ra » du nom d’un de ses amis guérisseurs, crâne qui aurait été découvert vers la fin des années 1990 lors d’une exploration archéologique à Guerrero, au Mexique, par des archéologues qui suivirent ses propres indications de fouilles !
Malheureusement pour lui, aucun archéologue n’a jamais confirmé ce récit.
Le crâne « Max » de Jo-Ann Parks
L’histoire de ce crâne est liée à un personnage peu fiable, nommé Norbu Chen, ex-marine de l’armée américaine né en 1934, de son vrai nom Charles Vernon Alexander, qui se prétend guérisseur. Il affirme avoir suivi l’enseignement de la secte bouddhiste tibétaine des Bonnets Rouges et avoir rencontré, en Amérique centrale, des prêtres mexicains pratiquant d’anciens rites mayas, qui lui auraient offert un crâne de cristal, surnommé « Max », découvert au cours des années 1920 dans une tombe au Guatemala.
Un jour, Norbu Chen rencontre Carl Parks et son épouse Jo-Ann à son cabinet de Houston (Texas) où ils viennent le consulter dans l’espoir de faire soigner leur petite fille de 12 ans, Diana, atteinte d’un cancer des os. Les parents rapportent que, grâce à son aide et à celle de « Max », leur fillette parvint à vivre trois ans de plus.
Norbu Chen offre alors l’objet sacré à Jo-Ann Parks. Cette dernière, ne sachant qu’en faire, dit l’avoir oublié au fond d’un placard pendant sept ans, jusqu’à une étrange nuit où elle affirme recevoir un message de la part du crâne : « Max m’a dit avoir quelque chose d’important à dévoiler au monde et m’a conseillé de rechercher un homme qui m’apportera la réponse ». Rien ne se passe jusqu’au jour où, devant son poste de télévision, elle voit un reportage sur Nick Nocerino que nous venons d’évoquer. Elle prend alors contact avec lui, en se disant qu’il est certainement l’homme qu’elle devait chercher. Étrangement, Nick Nocerino lui confiera par la suite qu’il avait déjà entendu parler de Max et était sur ses traces depuis… 1949 !
Cette information est cependant difficile à vérifier…
Le « crâne à la croix reliquaire » de Norma Redo
Norma Redo est une riche décoratrice d’intérieur vivant à Mexico : elle affirme que le crâne qu’elle possède est dans sa famille depuis les années 1840. On sait avec certitude que l’orifice qu’il présente à son sommet a été créé pour y inclure une croix, d’où son nom. Le crâne est posé sur une base en or, comportant plusieurs personnages gravés ainsi qu’une scène miniature de crucifixion.
L’archéologue Andrew Rankin, de l’Université Kingston de Londres, a déterminé que ce crâne a été sculpté dans le même type de cristal que celui du gobelet, datant d’environ 1 000 ans, trouvé dans la tombe n° 7 du site zapotèque de Monte Alban au Mexique.
La croix, faite d’or et de quartz, porte le millésime de 1571, mais rien ne prouve qu’elle soit contemporaine du crâne. Celui-ci ayant subi des modifications, l’incertitude demeure quant à son authenticité. D’autant plus que des analyses scientifiques ont montré la présence de traces d’usinage industriel, technique inconnue des populations précolombiennes !
Le crâne du Quai Branly
1 – Ce crâne de cristal a été vendu par Eugène Boban à l’explorateur Alphonse Pinart, qui le céda en 1878 au Musée d’Ethnographie du Trocadéro, devenu musée de l’Homme, puis Musée du Quai Branly où il réside toujours. (image Jacques Mandorla)
2 – Eugène Boban, célèbre antiquaire français du XIXème siècle, n’avait pas beaucoup de scrupules : il était spécialisé dans la vente d’objets précolombiens… vrais ou faux !
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Celui-ci ressemble beaucoup à celui d’Anna Mitchell-Hedges. Seule différence : sa mâchoire n’est pas séparée du reste du crâne. Mesurant 11 cm de haut et pesant 2,8 kg, translucide et en un seul bloc, il possède au sommet un orifice destiné probablement à recevoir un crucifix, comme le crâne possédé par Norma Redo.
Après avoir longtemps été considéré comme un chef-d’œuvre aztèque représentant le dieu de la mort Mictecacihuatl, il est aujourd’hui vu comme un modèle fabriqué au XIXème siècle en Allemagne à partir de quartz brésilien et passé entre les mains de l’antiquaire français Eugène Boban, dont le nom véritable était André Eugène Boban-Duvergé (1834-1908).
Beaucoup de pièces précolombiennes (vraies ou fausses !) vendues en France dans la deuxième moitié du XIXème siècle ont transité, en effet, par ce marchand français sans scrupules. Ainsi, en 1875, Boban a vendu près de 2 000 objets (dont ce crâne de cristal) à l’explorateur Alphonse Pinart, qui les céda trois ans plus tard au musée d’Ethnographie du Trocadéro, devenu Musée de l’Homme, puis Musée du Quai Branly, où il réside toujours. A noter que ce crâne de cristal fut le premier à entrer dans un musée.
Le crâne du British Museum
Le British Museum a modifié le texte sur l’étiquette accompagnant son crâne de cristal, précisant : « Fin du XIXème siècle. Il était auparavant considéré comme aztèque, mais de récentes recherches prouvent qu’il est d’origine européenne. (image Jacques Mandorla)»
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Ce crâne sculpté dans du quartz brésilien opaque aurait été vendu, au milieu des années 1890, par l’inévitable Eugène Boban ! Ce dernier a affirmé l’avoir acquis auprès d’un mercenaire mexicain, qui l’aurait lui-même trouvé dans une cité aztèque localisée au Mexique. Ces faits sont, malheureusement, invérifiables !
Boban a d’abord proposé ce crâne, sans succès, à la Smithsonian Institution de Washington. Il parvient finalement à le vendre au célèbre joaillier Tiffany’s, installé à New York depuis 1837, auquel le British Museum le rachètera en 1898 pour l’exposer : il est alors présenté comme un objet précolombien. Jusqu’en 2004 où des experts décèlent des traces d’outil métallique, matériel qui était totalement inconnu des sociétés sud-américaines de l’époque.
Le British Museum a immédiatement rédigé un nouveau texte sur l’étiquette de présentation : « Ce crâne de cristal date de la fin du XIXème siècle. Il était auparavant considéré comme aztèque, mais de récentes recherches prouvent qu’il est d’origine européenne ».
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Le crâne de la Smithsonian Institution
Ce crâne, offert en 1990 à la Smithsonian Institution par un donateur anonyme, aurait appartenu à un ancien Président du Mexique, Porfirio Diaz (1830-1915). (image Jacques Mandorla)
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Ce dernier a une histoire étonnante : un jour de 1990, la Smithsonian Institution, établissement de recherche scientifique situé à Washington et géré par le Gouvernement américain, reçoit un colis contenant un crâne accompagné d’une carte de visite : « Ce crâne aztèque en cristal, qui aurait appartenu au Président mexicain Porfirio Diaz, a été acheté à Mexico en 1960. Je l’offre sans contrepartie à la Smithsonian Institution. Je souhaite, bien entendu, rester anonyme ».
Si ce crâne a réellement appartenu au dirigeant mexicain, qui vécut entre 1830 et 1915, il est donc âgé d’un siècle au minimum.
Sa caractéristique est d’être le plus grand des crânes connus : il mesure, en effet, 25 cm de haut et pèse 14 kg ! Il n’est pas transparent, mais translucide et trouble. Sa mâchoire inférieure n’est pas séparée. Il a été soumis à diverses expertises scientifiques effectuées, d’un côté, par Jane Walsh (voir ci-dessous) et, de l’autre, par Margaret Sax, spécialiste de l’analyse d’usure au British Museum de Londres et Ian Freestone, professeur à l’Université de Cardiff.
Ces derniers ont détecté, au moyen d’un microscope électronique, des traces de disque de cuivre ou d’acier ayant permis de polir ce crâne. L’artisan a dû également utiliser un abrasif afin de faciliter son travail : des particules de carborundum ont, en effet, été trouvées grâce à une analyse aux rayons X. Or, le carborundum est un abrasif de synthèse relativement récent puisqu’il n’a été inventé qu’en 1893 par le chimiste américain Edward Goodrich Acheson. Ce crâne appartenait-il aussi à Eugène Boban ? C’est fort probable car, à cette époque, il était alors en pleine activité, puisqu’il ne mourut qu’en 1908.
Des tests scientifiques pour démasquer les tricheurs
Un fait est certain : à ce jour, aucun archéologue professionnel n’a encore directement découvert de crânes de cristal lors de fouilles officielles.
Pour faire le tri entre vrais et faux crânes de cristal, il est donc préférable de se référer aux travaux entrepris par différents scientifiques. Les plus pertinents sont ceux de Jane Walsh, chercheuse à la Smithsonian Institution de Washington. Voici les principaux résultats de ses analyses, effectuées en 2005.
Pour elle, les crânes les plus anciens, comme ceux de Londres et de Paris, sont des faux, fabriqués en Allemagne entre 1867 et 1886 à partir de quartz venant du Brésil. Ils proviennent tous de la même source : le fameux Eugène Boban qui a longtemps vécu au Mexique du trafic de vrais et de faux objets archéologiques !
La technique employée par Jane Walsh consiste à nettoyer d’abord le crâne au moyen d’une brosse, en insistant principalement sur les endroits ayant demandé le plus de soin lors de leur réalisation, comme les yeux et les dents. Puis à effectuer un moulage, au moyen d’une résine, des parties à étudier. Enfin, à examiner ces moulages au microscope électronique à très fort grossissement.
Ainsi, elle a pu détecter, sur la surface du crâne du British Museum, des marques droites et parfaitement espacées, qui démontrent qu’une meule de polissage moderne a été utilisée. En effet, un polissage manuel aurait conduit à la formation de minuscules traces réparties de façon aléatoire.
Par ailleurs, il faut noter que la technique de datation au Carbone 14 ne permet pas de connaître l’âge d’un cristal. Fort heureusement, il existe une autre technique, fondée sur l’hydratation du quartz et créée par Jonathon Ericson, archéologue de l’université d’Irvine en Californie. Dès qu’un morceau de quartz subit une fêlure, l’eau y pénètre et forme une couche d’hydratation. L’épaisseur de la couche est alors mesurée à l’aide d’un faisceau de particules d’azote, indiquant ainsi quand l’objet a été produit. Cette méthode a permis de déterminer que le crâne du British Museum a été fabriqué dans une période comprise entre 1770 et 1920, dates qui sont cohérentes avec celles données par Jane Walsh – 1867-1886. Ce crâne n’a donc rien de précolombien…
Jacques MANDORLA – © Les Chroniques de Mars, numéro 19 – Décembre 2015.
Jacques Mandorla est une légende
Journaliste d’investigation, mais aussi écrivain, éditeur, et nous en passons, Jacques Mandorla a publié une bonne dizaine de livres dont trois ABC chez Grancher : Le Magnétisme, La Radiesthésie, L’Hypnose. Il a sorti il y a peu chez Trajectoire 60 trésors fabuleux à découvrir – Leur Histoire détaillée – Leur Composition précise – Leur Localisation supposée. Il a aussi fondé avec l’illusionniste Ranky le Comité Illusionniste d’Expertise et d’Expérimentation des Phénomènes Paranormaux dont on retrouve articles et expertises sur le blog qu’ils ont créé à cette occasion. Ce qu’on sait encore moins, c’est qu’il publia une sympathique revue consacrée aux mancies et à l’astrologie qui compta douze numéros entre 2002 et 2003 : Clairvoyance. Et ce que l’on a oublié, c’est qu’il fut le très actif conseiller éditorial du magazine Facteur X publiée par les éditions Marshall Cavendish.
Pour Les Chroniques de Mars, il a déjà écrit « Le trésor du City of Cairo » et « La légende des crânes de cristal ».
Michel MOUTET