Un petit livre de Sagesse de Paul Sédir
On l’appelle la « Légende des chrétiens du Liban » ou encore plus simplement la « Légende libanaise »… Ce texte sublime de Paul Sédir entre ce mois-ci chez Arqa dans la collection les « Petits livres de Sagesse » ; il méritait un coup de projecteur afin d’être relu attentivement pour en retirer une substantifique moelle fort bien occultée par de sibyllines paroles qui parfois semblent échapper lors de la première lecture… Où donc est cette Montagne et à qui donc fait référence Paul Sédir lorsqu’il nous parle à demi-mots du « Seigneur de la Terre »… ? Et où sont, en réalité, ces paysages si bien dépeints par Sédir ? Au Liban même, ou bien de façon allégoriques ou cryptées dans d’autres contrées inexplorées échappant à tout regard humain ?
(…)
Que sont ce lac et ce jardin ? Qui est cet homme dont l’aspect sublime couronne les beautés environnantes ? Ce dais suspendu à quelque étoile, ce feu perpétuel qui brûle sans aliment, ce char de rêve qui semble attendre ses licornes ? Serait-ce pas l’invisible patron des inaccessibles Rose-Croix, le thaumaturge du Carmel, cet Elie revenu sous le nom du Baptiste, le plus grand parmi les fils de la femme ?
C’est lui, en effet. Il demeure là jusqu’aux derniers temps; il recueille tout ce que les hommes élaborent de saint dans les domaines de la pensée, de la science et de l’art; il livre au feu ce qui est impur et accumule ainsi les trésors du Vrai et du Beau dont se nourriront plus tard les élus de la Jérusalem nouvelle.
Par intervalles descend du haut des airs un être à forme humaine qui n’est, comme Elie, ni un corps ni un fantôme. Son visage vermeil brille de jeunesse; mais les longs cheveux qui ondulent sur ses épaules sont tout argentés; il n’a point d’ailes; cependant il plane comme soutenu dans les mille plis d’un nuageux vêtement bleuâtre. Il est imberbe; un sourire de tendresse et de paisible joie éclaire ses traits; ses mains divines retiennent son manteau qui flotte au vol rapide des courses éthérées et nul mortel pécheur ne supporterait l’insondable innocence de ses limpides regards.
C’est le Voyant, Jean le Vierge, le Bien-Aimé, le fils adoptif de Marie. En attendant le retour de son Jésus, il parcourt l’univers, recherche les bénédictions que le Sauveur sème, les apporte à la terre aride, et remporte du livre d’Elie ce que les autres mondes peuvent en recevoir.
Un troisième visiteur paraît encore sur ce mont singulier : c’est Moïse. Le théocrate porte sur son visage les flammes de l’Horeb et les majestés du Sinaï. Les cornes de la puissance thaumaturgique grandissent son front sourcilleux ; sa main d’athlète tient le bâton du pontife; sur sa poitrine brillent les Urim et Thummim authentiques qu’il ravit autrefois au Soleil-des-Nombres. Il marche à pas longs dans le tintement des sonnettes sacerdotales, et les oiseaux étonnés se taisent sur son passage. Sa stature est courte; ses épaules de Titan remplissent l’ampleur d’un manteau pourpre. Un nimbe d’immutabilité l’auréole; l’énergie éclate dans ses gestes et semble animer jusqu’aux plis de son vêtement. C’est la vivante figure de l’Acte et du Vouloir.
Mais le Scribe, le Sacerdote et le Voyant n’agissent pas seuls ; ils sont pour ainsi dire les circonférences de sphères dont les centres demeurent ensevelis dans la gloire vivante du Soleil-des-Ames. Ils forment trois couples unis par la plus intime collaboration. Comme la nouvelle Alliance parfait l’ancienne, de même qu’en Christ les pénibles efforts des justes s’épanouissent selon la splendeur de l’allégresse éternelle, de même derrière Elie se tient Enoch, le septième fils d’Adam, l’inventeur de la Science, descendu en droite ligne du Soleil-des-Formes.
Derrière Moïse se tient le prêtre sans parents, le roi de Justice, Melchissédech, fils du Soleil rouge; derrière Jean, Jacques, l’autre fils du Tonnerre, contemple et prie dans la retraite la plus occulte. Aucun de ces six n’a subi la mort terrestre. Et tous ensemble, ces six sont un seul être et un seul esprit ; ces trois sphères sont une seule sphère : la forme du futur règne de Dieu ici-bas.
Un septième être les contient tous, quoiqu’il se distingue d’eux par le mode même de son existence et la qualité de sa Lumière ; il les dirige et les emploie comme il le juge à propos. Il peut aller partout; aucun palais qui ne s’ouvre devant lui ; aucune cime qui ne lui soit accessible; aucun abîme océanien où il ne descende; aucun être qu’il ne scrute jusque dans sa racine primitive. Il s’occupe de tout ; il prend toutes les formes ; il ressemble à tout le monde et il est seul sur cette terre; les passants le croisent peut-être dans la rue; les saints dans leurs extases le voient comme identique aux figures éternelles. Son apparence anonyme constitue son mystère, sa défense et sa toute-puissance. On le nomme le Seigneur de la Terre.
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Les Chroniques de Mars – Numéro 22 – Décembre 2016
1614-1615-1616 – 2014-2015-2016
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