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L’apparition formelle des trois Manifestes de la Rose-Croix, en 1614, 1615 et 1616, marque trois dates mémorielles dans l’Histoire de l’Hermétisme occidental. Passé quatre siècles, elles marquent aussi un anniversaire en forme de pierre blanche posée sur la ligne du temps, en signe sacramentel. Un signe des temps mais aussi un sceau de cire rouge orné d’une rose pourpre, en relief, pour signifier à chacun, au passant, au questeur, à quel point les écrits de l’Ancien Ordre mystique sont fondamentaux pour toute quête initiatique authentique.

Les éditions Arqa se devaient de saluer à leur manière ce moment si important, en cette date anniversaire, pour commémorer les quatre-cents ans de la Fama, de la Confessio et des Noces, et pour ainsi faire œuvre utile en présentant de nombreux documents inédits sur ces « Frères invisibles ».

Gil Alonso-Mier – Rafal T. Prinke – François Trojani – Thierry Emmanuel Garnier – Cédric Mannu – Patrick Berlier – Frédéric Garnier – Benoît Fichefet

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Concernant les Rose-Croix, dont j’ai maintes fois lu et entendu relater la haute distinction, malgré les excellentes études de Paul Arnold, de René Le Forestier, d’Antoine Faivre, …, jusqu’à ce jour, et à ma connaissance, aucun ouvrage n’a traité de façon satisfaisante de leur apparition en Allemagne, au XVIIIe siècle. Pour ce que l’on sait, il s’agissait tout au plus de quelques groupements épars d’amis, plus ou moins férus d’ésotérisme, d’alchimie et de merveilleux, sans cohésion ni liens entre eux, sinon celui politique. On peut, bien sûr, situer l’origine de ce mouvement dans l’entourage de Valentin Andreae, mais quoi encore. « Il est donc fort probable qu’on ne saura jamais quelle raison obscure, nous dit Fulcanelli, guida Valentin Andreae à faire imprimer, vers 1614, l’opuscule intitulé Fama Fraternitatis. » (…)

* * *

S’il existe une chose quasiment impossible à généraliser, c’est bien ce qu’est un « Maître ». Pour ne s’en tenir qu’à l’Alchimie, c’est pour le moins un individu qui a obtenu la Grande Cire Rouge, La Grande Médecine. Il est peut-être important que je précise ce que j’entends par le mot « Maître », que je souligne dans cet extrait de Grosparmy ; pour ne s’en tenir qu’à l’Alchimie et n’en désigner que deux, peut-être un personnage comme Lascaris, lequel semble-t-il occupe avec ses disciples toute la place de l’Alchimie dès le début et pour quasiment toute la suite du XVIIIe siècle ? Peut-être un François Chazal de la Genesté (1731-1795) ? (Cf. l’article de Frédéric Garnier)

Les « maîtres » de nos jours…

Concernant la transgression et précisons-le, l’enfumage, le « bon maître de Savignies » fut un moindre mal, considération prise en compte de tous ceux qui, de son vivant, par la suite, et jusqu’à nos jours, lui ont dérobé, sinon son style, son porte-plume et son encrier…

Il est vrai que, convoqué selon ses dires par Fulcanelli, son voyage en Espagne dont il nous conta les péripéties lors d’une hallucinante interview opérée devant le journaliste Jacques Chancel, en 1978, fut comme un coup de tonnerre pour les amis qui gravitaient, tout comme moi, autour d’un apiculteur alchimiste… Nous étions atterrés face à cette automutilation qu’il venait de s’infliger, comme pour s’annoncer à lui-même la fin de tout espoir de réussite ; sans avoir besoin d’aller consulter une pythonisse, les êtres humains se signifient parfois cruellement à eux-mêmes leur destin… Il est vrai que le secret que Canseliet a savamment et brillamment entretenu et avec lequel il a joué toute sa vie : « – Qui était Fulcanelli ? », avait fait de lui un personnage convoité, inimitable, et agaçant au possible.
Le sommet encore inégalé de ces récents enfumages fut, sans aucun doute, celui de ce « safari photos couleurs » d’un « pastiche » de l’authentique Voie du Cinabre réalisé par un Évêque Gnostique… Hallucinantes révélations sur une toute aussi hallucinante et pseudo filiation Templière et rosicrucienne, qui connut en son temps un certain succès… Il faut bien distinguer dans la multitude de textes attribués aux alchimistes, ceux, extrêmement rares, qui incontestablement ont été écrits par des Adeptes – lesquels savaient, possédaient et avaient réalisé la Pierre Philosophale – des écrits des illuminés qui savaient et avaient perçu la lumière, mais n’avaient pas réalisé le Grand Œuvre ; tel fut sans doute le cas d’un certain nombre d’ésotéristes et personnalités savantes dont le Manifeste surprit la bonne foi et qui gravitèrent autour du mouvement rosicrucien. Enfin, les textes des initiés qui connaissaient le secret d’un procédé mineur, un particulier transmutatoire mimant parfois parfaitement le déroulement du Grand Œuvre, mais d’aucune utilité médicinale. Ce sont généralement sur les écrits de ces derniers – lesquels n’avaient aucune notion de ce qu’est le Feu dont se servent les alchimistes – que se fonde l’idée profane et populaire de ce qu’est l’Alchimie.

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J’ajouterai, à titre personnel, une dernière catégorie pour lesquels ni l’Alchimie, ni la Philosophie, ni l’Hermétisme ne leurs sont idoines. Journalistes ou habiles marchands d’orviétans, ils se situent et surfent généralement sur la vague des phénomènes, des tapageuses et journalistiques révélations sur : « – qui était Fulcanelli ? » Certains sont mêmes vendeurs de thériaques, de cours « d’initiations alchimiques », de conférences et de D.V.D… Cependant, ne les méprisons surtout pas ; habiles pâtissiers, bien mieux que les écrits acroamatiques des Adeptes, ils dressent sans le savoir mais avec un zèle et une verve hors du commun, des barrières sanitaires désormais infranchissables faites de délicieux gâteaux fourrés d’opium érigés en « pièces-montées »…

Mais revenons un instant sur cette notion d’« adeptat ». Dit le plus simplement possible, il s’agit sans aucun doute et en premier, d’un être humain qui s’est réussi ; un humain qui s’est mis debout dans la part de présent et de liberté retrouvés qui lui avait été octroyés par le Créateur ; ce qui sous-entend et pour le moins que celui-là ne s’est pas fait comme une chose parmi d’autres, dans et pour satisfaire le regard et la curiosité des autres. Comme pour L’étranger de Camus, il ne joue plus à être ceci ou cela, même plus à « l’alchimiste » et surtout pas au « mage » ou au « Grand Initié ». Ce n’est d’ailleurs pas à l’aune des connaissances acquises que se conquiert et se constate cette réussite ; c’est aussi dans l’intimité et plus particulièrement, lorsque tel est le cas, dans son rapport avec ses proches et en général, par l’accueil, la bonté, et surtout par la charité qu’il exerce discrètement. Pour le moins, on le reconnaît au fait qu’il a « tué la marionnette » comme le dit Paul Valéry.

Ayant éradiqué la fatale et hallucinatoire obligation de subir un destin, il rachète ainsi le monde de sa frivolité en ne laissant, comme l’oiseau, que très peu de traces de son passage ; sauf chez les humbles, les pauvres et les malades. On comprend par conséquent aisément tout le ridicule qui peut entourer un bavard, à se déclarer comme unique disciple d’un tel être.

De même, un Adepte a été lui même, précédant l’accession à cette dignité, rarement disciple d’un autre Adepte contemporain ; c’est là une des constantes qui préserve depuis des siècles l’intégrité de cet Art et surtout, sa transmission… Bien qu’elle n’ait strictement rien à voir avec la transmission que délivrerait un fantôme, voire, les chuchotements d’une grande âme décédée et qui viendrait communiquer des secrets, la transmission s’effectue au sein de l’intériorité du récipiendaire, dans son « Internel », soit au sein des fondements où réside l’objectivité la plus pure, la plus absolue et le seul réel : son esprit, son âme et sa conscience. Il est convenable d’ajouter qu’il faut aussi qu’un ciel intérieur ait été au préalable mis en place pour que ce soleil puisse se lever et que cette « aurore » puisse poindre. Et j’entends par « intériorité », ce lieu où se manifeste l’unique réel, l’actuel, l’éternel présent dans l’instantanéité de la conscience prenant conscience d’elle même.

Un « Adepte »

Qui a jamais vu et rencontré une légende ou un genre ?

Ainsi, concernant le fameux Fulcanelli, qui sait de lui – s’il fut UN ou plusieurs… ?
A titre informatif et iconographique, nous produisons pour la première fois dans notre cahier des illustrations l’ex-libris de Fulcanelli et provenant de sa bibliothèque. Ce document inédit, un bois gravé, représente une « foulque » fixant avec intensité le soleil, « hélios »…

Pour quelles raisons et à qui a-t-on voulu rendre un hommage, parental, fraternel ou amical (ou bien en référence à un lointain ancêtre) en choisissant cet ex-libris comme « pseudonyme », aux armoiries parlantes… ?

Passons…

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Blason et ex-libris de Fulcanelli – Écu français ancien : « D’or à la foulque de même métal au chef d’azur chargé d’un soleil rayonnant. » Ce blason inédit représente un soleil rayonnant dans sa partie supérieure et au centre du blason un oiseau nommé « foulque » (Fulica atra). La « foulque » est un oiseau facilement reconnaissable grâce à son écusson frontal disposé au sommet de son bec, comme on peut le distinguer ici sur le dessin du graveur aux armoiries parlantes : « Foulque-hélios », pour « Fulcanelli ». (Bois gravé – collection de François Trojani © – archives privées – photo J-C T.).


Un alchimiste outre Dieu, n’a qu’un Maître dont il a le plus grand intérêt à taire, sinon le nom, tout au moins la rencontre et la présence à ses cotés : « La Pierre Philosophale ».

De ce fait, personne de sensé et suivant l’immémoriale Règle, ne peut se proclamer ni Maître, ni Adepte et surtout « disciple » de qui que ce soit, sinon du conceptuel Hermès ou de la fée Nature ; Cyliani ne s’y trompe pas… En admettant le fait qu’il puisse y avoir durant le cours de la vie d’heureuses rencontres, seule la suréminente valeur d’ami et de partage au sein d’un même idéal, d’un même langage, des mêmes mythes, livres et symboles et d’un même labeur, a un sens. Tout comme pour la vérité, on peut cheminer infiniment vers… sans jamais rencontrer un Adepte. Un Adepte n’est pas quelqu’un d’autre ; comme je le dis précédemment, il ne se situe plus dans le Il, le Nous, le Vous et le Ils. Peut-être dans le miracle du Tu – et encore – si après de nombreuses années parfois de fréquentations, il advient que ce soit lui qui avance cette familiarité…

Il n’est en rien un analogue du mage « Mejnour », un des héros du roman Zanoni de Bulwer-Lytton. Il n’est pas non plus un de ces « Grand Initiés » qui dirigerait secrètement le monde et en provenance, disait-on, des lieux souterrains de l’Aggartha ou de Shamballa, ces villes-fantômes qui ont fait les choux gras des sectes et de quelques médiums et occultistes dans les années 1900, comme autant de toxiques et hallucinatoires « golems »…

Contrairement aux êtres humains qui habituellement se racontent à eux-mêmes et hélas, aux autres, depuis des siècles, c’est-à-dire et généralement – n’importe quoi sur Dieu et le réel – un arbre, un minéral, un simple verre d’eau ou l’éclat d’une étoile ne peuvent ni mentir ni se mentir. Lorsqu’on les interroge, ils ne peuvent dire que ce qu’ils sont, la place exacte qu’ils occupent au sein du tout, la relation qui les lie et qui les unie à ce tout. C’est là une des principales raisons qui ont conduit les alchimistes à interroger, de préférence aux humains, la nature végétale et minérale, afin de retrouver par ces intermédiaires cette contiguïté avec l’Univers, simple, naturelle et surtout, sans mensonges.

De la sorte, ne cessant pas de scruter la Nature, d’une réponse à l’autre et tout comme cette Mère, l’Adepte cesse d’être un objet extérieur à lui-même et pour le moins, cesse de se mentir sur ce qu’est l’extériorité. Il participe dès lors au-dedans de lui-même avec le Principe qui les fait tous et unanimement, être et vivre. Toute proportion gardée, et dans un tout autre domaine, ce choix de l’invisibilité et de la disparition fut peut-être ce qui amena le génial Ettore Majorana (5 août 1906 – présumé mort après 1959), par une subite prise de conscience, pressentant par avance la dérive militaire et atomique des recherches et des découvertes sur l’atome, se retrouva incapable de se mentir, jugea nécessaire de s’éclipser sans que l’on ne puisse jamais le retrouver…

Je ne dirais pas que les Mathématiques modernes ont remplacé la Kabbale, les spéculations numérologiques des Pythagoriciens ou les flamboyantes visions des Prophètes ainsi que les antiques écoles initiatiques – comme celle où s’instruisit François de Chazal avant son départ pour l’île Maurice – cependant, tenter de pénétrer ces milieux où se continue l’intelligence pour se donner la capacité d’assimiler ces nouvelles conceptions et théories sur l’Homme, la Nature et l’Univers, exige autant d’efforts que ceux exigés jadis pour accéder aux grands et aux petits mystères qui s’enseignaient dans les antiques écoles. La plupart de ces récents investigateurs utilisent certes un formalisme, des symboles et un langage différent ou plus élaboré, en grande partie basé sur une conception des (…).

François TROJANI (extrait de Éternelle Rose-Croix)Les Chroniques de Mars, numéro 22 – novembre – décembre 2016.

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1614-1615-1616 – 2014-2015-2016

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