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Il ne suffit pas de s’enfoncer dans la jungle impénétrable pour parvenir à ses fins. Il faut savoir aussi trouver l’opportunité, le passage ou encore le passeur… De la « Gnose », de la « Parole perdue » aux « Mondes perdus », il n’y a qu’un pas… et, Myriam Philibert, sur les sentiers de la Tradition, emprunte une fois encore cette voie mythique qu’elle connaît si bien, pour nous conter en compagnie des Grands Anciens que sont Platon, saint Brandan, Edgar Cayce, James Churchward, Rudolf Steiner, l’amiral Byrd, et bien d’autres encore, les continents oubliés sous les eaux – et les villes souterraines – qui sont inévitablement une part incontestable de la mémoire vivante de nos Traditions millénaires. Toutes la sève puissante et les racines profondes de nos êtres éveillés puisent inconsciemment dans ces méandres incompris…


LES MONDES PERDUS

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Nul jamais, ni par mer, ni par terre, ne trouvera la route enchantée qui conduit au lieu de réunion des Hyperboréens.

(Apollodore)

Pour les Grecs, l’Hyperborée est un pays situé au nord du nord le plus lointain, bordé par le sombre pays des Cimmériens. Les Muses vivent dans ces lieux inimaginables qui leur soufflent pourtant l’inspiration. Rares sont les voyageurs qui ont tenté d’atteindre ce pays au-delà de l’Océan dont Apollon a fait sa retraite.
Tout cela reste d’ailleurs très mystérieux. Pindare, avec une foi de poète, vante Apollon l’Hyperboréen. Que sait-on de plus ? Ses longues et lointaines visites vers cette contrée à la fois solaire et glacée. Les Grecs la connaissaient-ils ? Par oui dire seulement. Ou peut-être se rappelaient-ils vaguement une terre presque inconnue, où avaient vécus leurs grands ancêtres ? Originelle, elle abrite, sans doute, une civilisation prestigieuse ou des êtres plongés dans un éternel âge d’or printanier. Toujours heureux, les habitants vivaient frugalement de fruits et de légumes sur une terre qui produisait deux récoltes par an. Ils ne connaissaient ni la souffrance ni la mort.

Parviendrons-nous à percer cette énigme du miracle d’un âge d’or, qui se perpétue alors que l’humanité est entrée dans celui de fer ?

Parmi les visiteurs de l’Hyperborée, citons Persée. Ce fils de Zeus et Danaé, n’ayant pu offrir un présent de prix à sa mère pour son remariage, s’embarque dans l’aventure la plus démesurée qui soit – rapporter la tête de la Méduse. Par chance, il a Hermès comme guide, lors de ce parcours héroïque, en quête d’indices, et Athéna comme protectrice. Tout d’abord, il s’en va vers le nord pour interroger les trois Grées. Ce sont trois vieilles au corps de cygne ; elles n’ont qu’un seul œil pour elles trois et se le partagent. Le jeune homme le subtilise et ainsi obtient qu’elles répondent à ses questions à propos des Nymphes du nord. Après avoir reçu des indications fiables, il prend cette voie dangereuse, aux confins du monde connu. À l’occasion, il rencontre les Hyperboréens, un peuple courtois. Persée est invité à festoyer et à danser avec des jeunes filles toutes plus belles les unes que les autres. Ainsi, en cadeau elles lui font don de trois objets précieux pour sa quête, une besace pour ranger la tête qui pétrifie tout ce qu’elle voit, un bonnet qui le rend invisible et des sandales ailées pour parcourir plus efficacement les longues distances qui lui restent encore à franchir pour parvenir à ses fins.

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Si Persée réussit pleinement dans sa quête et sort victorieux des épreuves initiatiques qu’il subit, le sort est moins favorable à Jason. Pourtant, le périple de Jason et des Argonautes, sur une nef sacrée, aurait dû aboutir. Les héros, ici, irritent les dieux et subissent un châtiment qui les fait s’égarer sur la voie du retour vers la Grèce. Le début de cette fuite précipitée est des plus déconcertants avec une navigation à rebours…

Deux textes vantent cette épopée et tous deux font allusion aux Hyperboréens. Mais, fallacieuse, la géographie est plus mythique que réelle et les tentatives pour rapporter les noms à une réalité tangible supposent de graves distorsions dans l’espace. Selon Apollonios de Rhodes, les Hyperboréens appartiendraient à l’arc alpin, à moins que ce ne soient leurs proches voisins, les Cimmériens. Il est question de vallées qui ne voient jamais la lumière du jour, des montagnes Rhippées où l’Istros (Danube) prend sa source.

Si l’on suit les Argonautiques orphiques, il semble y souffler une veine plus épique et les bases s’élargissent, semble-t-il, jusqu’à la mer du Nord et les marins reviennent en longeant les côtes Atlantiques pour franchir les Colonnes d’Héraclès. D’aucuns proposent une épopée bien moins longue à travers les Alpes jusqu’à la mer Adriatique. Les commentateurs ont tendance à oublier que la géographie mythique appartient à l’imaginaire. Cinq étapes jalonnent ce périple, où la cartographie paraît bien plus fictive qu’avérée : le Pont de Cronos (ou « Mer Morte » ou encore gelée) – on s’interroge sur sa localisation et sa relation avec la problématique initiatique -, le pays des Hyperboréens, puis celui des Macrobies, des Cimmériens et enfin l’Achéron, au destin fâcheux. Le terme de « Macrobie » signifie « longue vie ». Entraîné par sa faconde, le poète confond les Hyperboréens et les Macrobies.

Ces gens les Macrobies] vivent de nombreuses années, douze siècles de mille mois dans une pleine jeunesse, à l’abri de tous les maux. (Argonautiques orphiques.)

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Pour les Grecs, l’Hyperborée ne se limite pas seulement à une île au moins aussi grande que la Sicile, si l’on en croit Diodore de Sicile, ni au seul séjour des Bienheureux. C’est également la contrée de la magie, ou plus exactement du chamanisme. Abaris le Scythe ne semble pas être le seul que l’on qualifie « d’hyperboréen » ou « d’apollinien ». Notons Aristée de Proconnèse, Épiménide de Crète, Hermotine de Clazomènes, Épiménide de Cnossos et d’autres encore, moins connus, qui pratiquent l’extase et se font les interprètes des paroles du dieu. Tous les penseurs grecs antérieurs à Pythagore conservent un mode de pensée archaïque et non logique. Le grand sage lui-même aurait parfois versé dans cet art. En fait, le chamanisme « hyperboréen » pourrait avoir une source « sibérienne » ou nordique, en totale opposition avec les vaticinations des prêtresses de Delphes qui puisaient à une source orientale et probablement insulaire. Dans ce cas, le chamanisme « hyperboréen » aurait la même origine que le druidisme, dont il faut rapprocher certains aspects. Et leur lieu d’élection serait le Nord.
Selon Jean Malaurie, l’Hyperboréen est un géant mi-divin des temps antédiluviens. Autre terre, autre thématique légendaire. La mythologie nordique avance l’image des géants des premiers âges, précédant l’humanité.

À quelle strate de la création appartiennent-ils ? Ce mythe est universel. Pour les Grecs, leur action est plutôt dévastatrice et ils finissent par être bannis de la société des dieux. Dans la tradition nordique, (…)

Myriam PHILIBERT – Les MONDES PERDUS (extrait) – Les Chroniques de Mars, numéro 24 – 24 juin 2017.


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