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Un ouvrage sur la naissance de la maçonnerie traditionnelle

De l’art de construire l’Arche de Noé à la fonte des métaux par Tubalcaïn ; de l’Égypte ancienne au Temple de Salomon ; d’Hiram, roi de Tyr, à Villard de Honnecourt ; des Compagnons tailleurs de pierres aux chevaliers Templiers ; des Francs-maçons opératifs du XIIIe siècle aux free masons spéculatifs du XVIIe siècle ; de Robert Moray (1608-1673) aux obédiences actuelles si fragmentées en tellement d’aspects dissonants, les légendes se superposent à foison et s’enchevêtrent savamment au point de créer un gigantesque labyrinthe de spéculations… L’auteur, sans vouloir trancher absolument entre la thèse de la transition et la thèse de l’emprunt, donne un aperçu historique et symbolique qui mérite d’être retenu car il permet au chercheur de vérité de croire en la réalité de ses rêves, de penser aussi qu’il existe une voie intermédiaire, une voie supérieure, qui est celle de l’oralité et de la transfiguration des symboles ancestraux en une pratique opérative véritable. Pratique permettant de bouche de maître à oreille de disciple de concevoir une réelle filiation transcendantale où, initiations, éveils de la conscience, recréations du monde des idées, donnent toute leur place aux formes imaginales décrites par Henry Corbin, et ce dans une interface magnifiée qui n’est autre que celle de la Tradition pérenne et de la Parole perdue.


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(…)

Plus qu’une « première pierre » de fondation, à même le sol, en tant que « borne du temps », avec en capitales romaines gravées sur celle-ci la date de « 1717 », cette œuvre lapidaire est en réalité à considérer comme une « pierre triomphale » pour paraphraser René Guilly (1921-1992), comme une clef de voûte, haute dans le ciel, une clef de lumière d’un édifice architectural bien antérieur et fortement élaboré, débutant objectivement au XVIe siècle et trouvant sa phase terminale en 1717 – D’où la légitimité bien compréhensible de commémorer cette date qui marque avant tout la fusion de quatre loges de Londres réunies un soir, dans la taverne du « Goose and Gridiron », pour fonder la « Grande Loge de Londres et de Westminster ». Avec l’année 2017 – et ce 300e anniversaire – c’est bien vers cette clef de voûte que les regards se portent avec la naissance avérée d’une « maçonnerie moderne » – héritage concrétisé d’une protomaçonnerie plus ou moins visible dont les rituels échappent quelque peu, tout autant que les transmissions manifestes.
Ainsi, de quelle nature apparente était ce testament ?

Nous citerons volontiers ici Harry Carr (1900-1983), membre de la Quatuor Coronati Lodge, (sans doute le meilleur historien anglais de la maçonnerie pour ce qui concerne la perception d’une maçonnerie transitionnelle, des opératifs aux spéculatifs), il signale qu’officiellement : « l’histoire commence en 1717, mais les germes en avaient été semés en 1356, avec le premier code réglementant le métier des maçons, promulgué à Guildhall, à Londres. Entre ces deux dates, le métier avait subi de tels changements industriels, économiques et sociaux, que les événements de 1717 pouvaient suggérer qu’une histoire nouvelle et différente commençait, en fait, ils manquaient seulement le début d’un autre chapitre ». Cette théorie professée par Harry Carr, aujourd’hui fortement altérée par la recherche contemporaine, a cependant le mérite certain d’avoir labouré durant des décennies un corpus de documents anciens et éminents et d’avoir délivré aux chercheurs de précieux témoignages. N’oublions pas à ce propos, qu’en 1723 (le 17 janvier), le pasteur écossais James Anderson (1678-1739) afin de légitimer la fondation de la Grande Loge de Londres se référera précisément dans ses Constitutions aux « old charges » permettant ainsi d’accoupler consciencieusement une filiation historique à une filiation légendaire.


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Il n’en fallait pas plus pour que naisse ainsi le mythe durable de la fondation de la Franc-maçonnerie écossaise et anglaise qui allait passer, sans coup férir, sur les continents et gagner les mondes. Au regard de la recherche actuelle, et en nous référant principalement aux travaux de Frederic William Seal-Coon et Colin Dyer, en matière de sociologie et d’histoire de la Franc-maçonnerie, il semble important de signaler que cette idée si communément répandue de la Franc-maçonnerie découlant assurément des corporations de métiers reste une thèse somme toute battue en brèche et de belle manière depuis environ quarante ans.

* * *

« Pierre, tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ;

et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. »

Matthieu – XVI, 13-23

Fort à propos, sur cette filiation graduelle du XIVe au XVIIIe siècle, mise à mal par certains historiens, Patrick Berlier dans son ouvrage sur la symbolique des deux Saints Jean apporte sa pierre à l’édifice et à la « thèse de l’emprunt », pour nous faire observer à bon droit :

« Que les ouvriers travaillant sur les chantiers des cathédrales se soient réunis dans des loges, c’est certain. Qu’ils se soient regroupés dans des sociétés corporatistes, cela est aussi établi. On sait par exemple qu’en 1535 existait à Lyon une loge d’ouvriers constructeurs dite « Fraternité des libres maçons ». Le problème, c’est qu’aucun des deux saints Jean n’est ou n’a été le patron de telles fraternités. Les maçons avaient pour saints patrons Pierre, Thomas et Benoît. Pour les tailleurs de pierre, c’était saint Claude. Mais alors, d’où vient le nom de ” Loges de Saint-Jean ” ? »


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S’il est incontestable que les maçons opératifs avaient pour saint Jean une forme d’attachement indéniable, on trouve ainsi une référence médiévale remontant à 1427, dans un manuscrit calligraphié en latin et conservé à la bibliothèque bodléienne de l’université d’Oxford qui atteste d’une assemblée de maçons, à York, à la fête de la saint Jean, pour protester contre une décision du Parlement qui voulait supprimer les assemblées de Francs-maçons – on ne peut pour autant en faire une figure tutélaire indiscutable pour l’époque et pour ces corporations. Néanmoins, on trouve également chez Oswald Wirth (1860-1943), mais sans source certaine, le nom de « loges de saint Jean » ou « Confraternités de saint Jean » qui aurait été portées par des confréries de bâtisseurs du Moyen-Âge. Cet auteur étant celui qui popularisa à son époque la thèse irréaliste des « Maîtres Comancins », il reste difficile d’acquiescer à toutes les sources données par le secrétaire de Stanislas de Guaita.

Par ailleurs, sur ce même sujet, mais avec une source beaucoup plus tardive, il importe de nommer également ce texte tiré des Ordonnances Générales des Francs-maçons, document issu des archives de l’Ordre et rédigées en 1720 à l’intention de la Grande Loge de Londres :

« Les frères de toutes les loges de Londres, de Westminster et des environs, s’assembleront dans quelque endroit convenu le jour de la saint Jean Baptiste ou de saint Jean l’évangéliste, pour une Communication et fête annuelle, cette assemblée s’étant faite ces dernières années, le jour de la saint Jean Baptiste. »

Mais à quand, exactement, remonte cette tradition johannique ?

* * *

Comme l’a souligné Roger Dachez, la rigueur historique amène le chercheur à réformer bien des pistes extraordinaires pour mieux remonter le courant mystérieux de la vérité. « Finalement, nul ne sait vraiment pourquoi, ni au juste comment, prit forme la première maçonnerie anglaise, celle qui précède immédiatement 1717, à Londres et dans ses environs, bien qu’elle fut le fruit, on le sait à présent, d’une déjà longue et improbable histoire.

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Mais il est infiniment vraisemblable, en revanche, que les motifs qui l’inspirèrent et les buts qu’elle poursuivait différaient très sensiblement de ceux qu’imposeront, quelques années plus tard, J.-T. Désaguliers et ses amis. Il faut cependant observer que cette nouvelle évolution se fit sans opposition connue, en dépit des mauvaises légendes qu’on a pu faire courir à ce propos : pendant environ les trente-cinq premières années de son existence, la Grande Loge de Londres fut à peu près unanime. Manifestement bien inspirée, la Franc-maçonnerie anglaise y gagna un fabuleux destin. Elle y perdit peut-être aussi une partie de son sens originel. Depuis bientôt trois siècles, elle ne cesse d’aspirer à le retrouver un jour », nous dit Dachez. Alors, écoutons cet avertissement ainsi que le bruissement du vent d’été dans les feuilles de chênes, il apporte toujours, pour qui sait entendre, l’oracle des maîtres passés et les senteurs inconnues qui nous permettront de retrouver le sentier perdu.

Comme on le voit, les pistes s’entremêlent si habilement qu’il semble presque impossible pour le chercheur d’entrevoir derrière le mythe colporté la véracité de l’infrahistoire. Pour nous, la vérité – si elle n’est pas ailleurs – est sans doute à puiser dans un entre-deux visionnaire qui verrait par imbibition progressive la maçonnerie opérative des loges médiévales transmettre par symboles interposés à la fois la lettre et l’esprit ; et la maçonnerie spéculative, dans une (…)

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Thierry E. Garnier – Les Chroniques de Mars, Extrait du livre  » – D’où viens-tu ? – D’une loge de saint Jean «  – numéro 24 – 24 juin 2017.


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