Qui me lit un peu sait la forte aversion que j’ai pour le XIXème siècle en général, sa littérature en particulier, et, plus que tout, ses essais où des individus sachant plus ou moins tenir une plume se prennent pour des auteurs. Combien y a-t-il d’ouvrages, aussi bien minces qu’épais, qu’on ne pourrait réduire à un article de quelques pages ? Mais non, il faut faire volume, c’est gratifiant.
Et si le XXème siècle nous a en grande partie libéré de ces insupportables manies, le XXIème (ce siècle qui ne sera pas) nous ramène malheureusement à ces temps anciens grâce à l’auto-édition où de pseudo éditeurs voyous abusent de ces pauvres 1 Français sur 2 qui s’imaginent que ce qu’ils ont écrit est susceptible d’intéresser plus qu’eux-mêmes.

Passé cette atrabile naturelle mais légitime (qui participe de ce qu’elle dénonce), je ne peux toutefois passer sous silence le grand gaspillage de papier d’avant la Révolution avec tous ces hommages au roi, aux princes ou aux prélats qu’il faudrait être privé de toute autre lecture pour y tenter un œil, sans certitude que le cerveau suive.

Il n’y a pas que les hommages ; les préfaces superfétatoires et les introductions sans fin. Déjà ce désir de voir son nom dans une publication. On trouve ainsi des pharmaciens de province, et autres notables en manque, adresser moult communications à des académies aussi royales que variées qui publient des recueils interminables avec, à des époques où la science reste encore dans de grandes incertitudes, à côté de descriptions d’une grande précision, des merveilles où une naïveté de bon aloi côtoie une ingéniosité étonnante. Ainsi ce court texte qui nous offre une vision particulièrement romantique de la géologie.

Michel MOUTET

Les paroisses de Meunes et de Coussy dans le Berry à deux lieues de Saint-Aignan, et à demi-lieue du Cher vers le Midi, sont les endroits de la France qui produisent les meilleures pierres à fusil, et presque les seules bonnes. Aussi en fournissent-ils non seulement la France, mais assez souvent les pays étrangers. On en tire de là sans relâche depuis longtemps, peut-être depuis l’invention de la poudre, et ce canton est fort borné. Cependant les pierres à fusil n’y manquent jamais ; dès qu’une carrière est vide, on la ferme, et plusieurs années après on y trouve des pierres à fusil comme auparavant. Voilà ce que M. le Comte de Biévre, qui avait tout observé sur les lieux et assez longtemps, avait écrit dans une lettre que M. d’Isnard fit voir à l’Académie. Les carrières et les mines épuisées se remplissent donc de nouveau, et sont toujours fécondes, comme le concluait l’auteur de la lettre.

In Histoire de L’Académie Royale des Sciences, Année MDCCXXXVIII, avec les mémoires de mathématiques et de physique pour la même année, tirés des registres de cette académie, Paris, Imprimerie Royale, 1740, p. 38.