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De quoi sont faits les fantômes ?

La lecture du texte de Michel Moutet sur le fantôme de la Queen’s House, ainsi que la photo reproduite m’interpellent sur la question de savoir de quoi sont faits les fantômes, une fois le dossier qui les concerne expurgé des grossières ou plus habiles surimpressions et des fraudes délibérées.


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Il paraît qu’une fois effectuée cette opération de nettoyage, le « résiduel » est encore consistant et que de vrais fantômes se rendent parfois visibles ; d’où la question légitime : mais qu’est-ce qui permet aux fantômes de passer de l’invisibilité, leur état naturel, à un certain degré d’opacité permettant aux yeux des témoins de les percevoir et à la pellicule ainsi qu’aux supports de l’imagerie électronique photosensibles d’aujourd’hui de les fixer visuellement pour l’éternité ? Cela, pour ceux qui s’interrogent, comme moi, sur le fait qu’il ne peut s’agir d’hallucination collective objectivée ou autre paréidolie cérébrale si chère aux sceptiques impénitents.

L’opportunité présente qui m’a vu étudier en profondeur les phénomènes ectoplasmiques depuis plus de 10 ans m’incite à expliciter ici une thèse qui me semble bien en valoir beaucoup d’autres. C’est celle de l’ectoplasme naissant.

Les fantômes visibles seraient dus à une projection involontaire du témoin de son propre ectoplasme (chacun en aurait une réserve individuelle en proportion de ses propres facultés psi) sur une forme invisible constituée par le corps subtil d’un défunt encore en errance. Corps fluidique pour les métapsychistes, corps astral des occultistes, périsprit des spirites et des spiritualistes, etc., bref une forme qui subsiste « physiquement » plus ou moins longtemps après la mort. L’aura en serait la preuve d’existence pour les corps vivants.

Un peu comme si le témoin du fantôme projetait brusquement une poudre blanche sur une forme cristalline invisible à l’œil qui devient de la sorte brusquement ou lentement visible pendant un certain temps. Le temps que l’ectoplasme projeté rejoigne son émetteur : ce qui explique que les fantômes, à l’instar des matérialisations ectoplasmiques, ne durent qu’un temps très limité.

Reste le problème que les fantômes n’apparaissent que très très rarement tout nus (il y a toutefois des cas dans les annales des sciences psychiques), mais sont décrits soit entourés de draperies qui les cachent en grande partie, soit habillés comme ils le furent de leur vivant. Cela a alimenté de très longues discussions qu’il serait superflu de discuter ici puisque personne ne peut se targuer d’avoir la réponse.

Le fantôme de Lady Brown

Voici un autre cas, très connu, de fantôme dans l’escalier. « Brown Lady », la Dame Brune, sensée être Dorothy Walpole, Vicomtesse Townshend (1687-1726), sœur du Premier Ministre de Grande Bretagne morte de la variole, a été signalée depuis le 18ème siècle comme hantant le Raynham Hall, propriété de la famille dans le Norfolk datant de 1637. Sa photo fut même obtenue le 19 septembre 1936 descendant l’escalier par deux enquêteurs de la firme photographique Indre Shira Ltd., et publiée cette année-là par Country Life, et par Life Magazine en 1937 (1).

Elle donna lieu, un siècle plus tôt, à l’épisode le plus fameux d’atteinte physique sur un fantôme quand, en 1836, le père de Frederick Marryat (1792-1848), célèbre romancier, tira à l’arme à feu sur l’apparition de la « Brown Lady », pensant qu’elle était un intrus fait de chair et de sang.

En effet, lors d’une invitation par Lord Charles Townshend, descendant de la Vicomtesse, le fameux auteur avait souhaité en manière de plaisanterie coucher dans la chambre à coucher au mur de laquelle était suspendu un portrait de la « Brown Lady » ; et ce, avec un pistolet chargé sous l’oreiller… au cas où. Frederick Marryat raconte l’incident dans Harper’s Weekly du 24 décembre 1870 : une lumière étant apparue dans le corridor, son père, faisant partie des trois témoins, furieux de se faire berner, tira une balle sur ce qu’il décrivit comme une forme au visage lubrique, avec le seul résultat que la balle alla se loger dans une porte intérieure après avoir traversé celle du vestibule, semblant prouver que les fantômes sont bien immatériels.

D’autres, plus persifleurs, soutinrent que cela ne servait à rien de tirer sur une image fantasmatique provoquée par une double impression photographique !

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Mais cet incident semble s’être renouvelé en France, en 1875, tel que raconté la première fois dans les Annales des Sciences Psychiques de 1893 par M.-G. Morice ; et ce, dans un château du Calvados lui aussi réputé hanté : on y entendait des bruits bizarres. Selon le témoignage d’un abbé qui y avait séjourné, c’était des séries de petits coups sur le mur des chambres, le bruit d’encliquetage de la roue d’une grosse horloge qu’on remonte, puis les grincements d’un flambeau de métal glissant sur la cheminée, et enfin, une « promenade » de fauteuil…
Cela durait depuis des semaines… Jusqu’à ce qu’un exorcisme soit ordonné. Qui ne résolut pas le problème.

Des amis militaires de la famille décident alors de s’y attaquer. Une nuit où ils montent la garde, ils tirent au jugé sur une espèce de fantôme qu’ils croient entrevoir. « Il fit feu, dit le témoignage à propos de l’un d’eux, sans aucun résultat, alors qu’il aurait dû atteindre l’être à bout portant. Pourtant les balles n’avaient pas été enlevées des cartouches car on les retrouva le lendemain dans la muraille. » Elles étaient passée au travers de l’ectoplasme ! Camille Flammarion conclut ainsi cette affaire : « Toute cette histoire est extraordinaire, sans contredit. Mais son authenticité est aussi certaine que la guerre de 1914/1917, assurément plus folle et plus stupide encore avec ses effroyables crimes. C’est une des observations les plus documentées que nous connaissions. »

Extraordinaire aussi ? ce que racontait Shaun Dennis dans le Croydon Advertiser en 2008 (rapporté in Psychic News, 24 mai 2008). Alors qu’il se livrait à une investigation d’activité paranormale (?) aux Fairfields Halls (centre artistique) de Croydon, une manifestation apparut devant lui (fantôme ?) dont les mains tenaient un fusil de chasse. Qui lui tira dessus une balle-esprit sans aucun dommage si ce n’est que cela constitue « un événement très surprenant pour quiconque ». Selon la communication qui parvint à Mr Dennis, il se serait agi d’un homme qui s’était tué lui-même par balle.

Depuis quelques années, les fantômes, étant très souvent ceux de gens célèbres à la belle époque, se sont démocratisés. Et à ce propos, voir mon article paru dans L’Inconnu d’avril 1991 et intitulé : « Les Fantômes changent de look » (consultable en ligne ici).

Décidément, le monde change. Monsieur Tout le Monde aurait acquis le pouvoir de se fantômiser. Une nouvelle qui a pu vous échapper.

Michel GRANGER © Les Chroniques de Mars, numéro 26 – Décembre 2017.


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(1) Pour en savoir plus sur la photo de la Dame Brune de Raynham, je vous conseille de lire l’étude de Hans Holzer, dans Psychic Photography : « Threshold of a New Science ? », Drake Publishers Inc., Londres, 1976. L’auteur, ayant discuté du sujet avec E. Garrett, présidente de la Parapsychology Foundation qui lui donna son sentiment qu’il s’agissait d’une fraude laquelle ne valait pas la peine d’être étudiée, continua de se poser la question de savoir si l’on peut photographier un fantôme… jusqu’à ce qu’il obtienne, en 1964, l’image d’une jeune femme en négligé capturée dans une maison de Hollywood où avait eu lieu un meurtre !

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