Athènes est « la Grèce de la Grèce ». Sa protectrice, la déesse Athéna, immortelle née sans mère du crâne de Zeus, est la fille favorite du dieu des dieux. Athéna, la vierge aux yeux brillants comme ceux de la chouette, représente la sagesse mais aussi, la gardienne de l’hospitalité, elle sait se battre comme une combattante invincible.
Le temple, l’autel et la statue d’Athéna se situent sur la ville haute, l’Acropole, forteresse de la cité. Cette citadelle devenue sanctuaire est un lieu sacré où l’on vient se recueillir et songer à Zeus qui assemble les nuages. « Observe bien les jours qui nous viennent de Zeus », disait Hésiode.
Au centre de la cité se trouve l’agora, place du marché, des rencontres et des discussions. On peut acheter, vendre ou encore trouver du travail sur cette place publique où, à l’ombre des allées de platanes et de peupliers, se déroulent des causeries de philosophes et aussi les réunions de l’Assemblée du gouvernement dans la salle du Conseil ou Bouleutérion.
Diogène qui vient d’arriver à Athènes se promène tout en se disant que ce ne sont pas les astres qui errent mais les gens. Dans le marché de fruits, légumes et animaux, il est à l’écoute de cette criée bruyante de commerçants et de divers forains tandis que des enfants courent avec des chiens, en zigzagant dans la foule tout en agitant des crécelles. Il sourit lorsqu’il remarque l’or de Thrace des changeurs de monnaie devant leur balance en plein air… Non loin de là, des fonctionnaires vérifient les poids et mesures dans leurs bureaux, près des portiques où l’on croise des courtisanes.
Armuriers, forgerons voisinent avec les peintres de vases, les luthiers et les oiseleurs… On se rassemble autour de combats de coqs, de perdrix ou même de chiens et de chats. C’est alors que Diogène observe une souris qui trottine sans chercher de gîte confortable. Il pense qu’il serait bon de la prendre comme exemple et qu’il va adopter une vie simple et fruste…
Avec ses dernières économies il achète un grand manteau, un tribonium pour se protéger du froid et de la chaleur suivant les saisons et porte une besace et un bol. Pour se mettre à l’abri il trouve un grand vase cassé, sorte de jarre en argile, dans le quartier de Métrôon, temple de Cybèle, la mère des dieux.
Plus tard voyant une souris courir autour de lui, il murmurera : « Diogène aussi nourrit des parasites. » Notre philosophe est étendu par terre. Des gardes passent et l’interpellent :
– Qui es-tu ? D’où viens-tu ?
– Je suis un chien de la région des Molosses.
– Et où donc vas-tu ?
– Diogène ne répond pas. Les gardes s’énervent…
– Tu nous méprises ! Pourquoi ne réponds-tu pas ?
– Parce que vous me demandez où je vais alors que vous voyez bien que je suis allongé de tout mon long sans bouger…
Diogène marche pieds nus dans la neige.
Le froid et la faim entretiennent et renforcent le corps, et il pense :
« Comment les gens marcheraient s’ils se bandaient les yeux comme ils le font avec leurs pieds ? »
Observant un jour un gamin boire dans sa main à une fontaine, il jette son bol en disant : « Ce petit enfant vit plus simplement que moi ».
Quand il mendie Diogène déclare : « Si tu offres aux autres, donne-moi aussi, si tu ne débourses rien pour les autres, commence par moi ». Des gens l’entourent, on commence à parler de lui dans la cité. On lui demande pourquoi on donne aux mendiants et non aux philosophes. Il répond : « On suppose que l’on peut devenir soi-même pauvre et infirme mais on se doute bien que l’on ne peut devenir philosophe ». Et il ajoute : « Il est aussi mauvais de donner à quelqu’un qui ne le mérite pas que de ne pas donner à quelqu’un qui le mérite ».
Gymnase public, lycée ou encore le Cynosarge se trouvent sur la rive droite de l’Ilissos. On s’instruit en s’exerçant à la philosophie. Les Cyniques y enseignent souvent. Plus loin, d’habiles sophistes se disputent en se faisant bien rétribuer en échange de préceptes à retenir.
Diogène se dit que l’on accède à la tyrannie par la richesse, pas par la pauvreté. Et il profère :
« Le roi est le plus malheureux des hommes ! Riche, il craint la pauvreté, il a peur de la maladie et de la mort ainsi que des complots qui pourraient l’abattre.
Redoutant les empoisonnements, il ne peut savourer ses mets exquis. Inquiété par les armes que des conjurés pourraient dissimuler, il fait fouiller ses invités par des gardes du corps armés qui pourraient se retourner contre lui. Moi, par contre, je flâne la nuit où je veux et je peux rencontrer une bande de soldats ou de brigands puisque ne possédant rien je n’ai pas d’adversaires… Si tout l’or et l’argent du monde disparaissaient je m’en ficherai bien et si des cataclysmes abattaient les maisons, tuaient des moutons ou encore si la famine se répandait, je continuerais à être indigent et démuni comme aujourd’hui. »
Un quidam lui lance : « Tu ne sais rien et tu joues au philosophe », et Diogène de répliquer : « Cacher sa sagesse, c’est aussi être philosophe ».
Un autre l’interpelle : « Qui est le plus riche ? »
Et le cynique de répondre : « Qui se suffit à lui-même ».
Des beaux-parleurs l’entourent. Diogène trouve les orateurs trois fois misérables. Il avise plus loin un orateur qui lit face à la foule. Il en est vers la fin du rouleau où s’enroule les feuillets quand Diogène s’approche et désigne le dernier feuillet : « Courage, terre en vue ! » Puis, il s’en retourne…
Les Athéniens aimant les plaisanteries et les moqueries, ils apprécient les railleries et l’esprit de dérision de Diogène. Quand le Cynique mange, les passants s’approchent en le traitant de chien tout en tendant vers lui le médium, les autres doigts repliés, signe que l’on se moque de quelqu’un. Ce à quoi Diogène rétorque : « C’est vous qui êtes des chiens puisque vous m’entourez quand je mange ».
Et un autre de lui demander : « Pourquoi t’appelle-t-on « le chien » ? »
« Parce que je cajole ceux qui me donnent à manger, j’aboie contre ceux qui me rejettent et je mords ceux qui sont méchants. »
Pourtant Diogène ne pratique pas la cynomancie, divination par les chiens ou la ololigmancie, divination par le hurlement des chiens…
Des hommes âgés se dirigent vers l’agora suivis par leur serviteur portant une chaise pliante afin que leur maître puisse se reposer sur la place. Des promeneurs se protègent de l’insolation avec un chapeau de paille à larges bords, la tholia. On croise des prestidigitateurs, des avaleurs de feu, des charmeurs de serpents. Des gosses construisent de petits chariots en bois ou en cuir. On se salue en levant la main droite…
Ce matin là, un homme court vers l’agora en se bouchant les oreilles. Arrivé sur la place, il ôte ses mains de ses oreilles, écoute bien les premiers mots prononcés qu’il entend… Ce sera la réponse à la question qu’il a murmuré à l’oreille d’une statue d’un dieu.
Mais voilà Diogène qui survient :
« Holà ! des hommes ! »
Quand il est entouré par diverses personnes, il s’exclame :
« J’ai appelé des hommes, pas des déchets humains ! »
Ça grommelle dans la foule mais Diogène a déjà sorti une lanterne allumée et le voici qui fend l’attroupement et répète :
« Je cherche un homme ! »
Il advint un autre jour que Diogène passe dans la rue où Anaximède déménageait de sa riche demeure. Il remarque de nombreux domestiques transportant des meubles, lits, bijoux, bracelets, pierres précieuses, amulettes, bagues pouvant servir de sceaux etc.
« N’a t-il pas honte de posséder autant de choses et de ne pas se posséder lui-même ? »
Des passants s’arrêtent et l’écoute :
« La pauvreté est pour le philosophe une aide que l’on n’apprend pas dans les livres. Par la situation elle incite l’esprit à saisir l’essentiel ».
À ce sujet, un jour quelqu’un lui demande son manteau, soupçonnant que Diogène y cachait de l’or. Le cynique répond : « Si on me l’a donné, il est à moi et si on me l’a prêté, je m’en sers. D’ailleurs c’est bien pour protéger mon or que je dors dessus… », termine-t-il ironiquement.
Dans cette ville où rôdent les détrousseurs à l’abri des ruelles sombres, il y a là, serrées, de multiples petites maisons en briques et torchis séparées par d’étroites ruelles. Les « perceurs de muraille » peuvent s’en donner à cœur joie à travers des murs friables blanchis à la chaux. Un jour, Diogène observe des gardiens emmenant un voleur en prison. Il s’adresse alors à un passant :
« Voyez des grands voleurs qui arrêtent un petit voleur ».
C’était une belle maison avec cour intérieure et puisard, entourée d’une rangée de colonnes. Le maître de maison avait invité Diogène. On fait rôtir un porcelet. Dans ce péristyle une seule statue représente le maître des lieux, ce qui fait sourire Diogène.
Il y a deux étages, ce qui est peu courant. Le sol de la salle de réception, au rez-de-chaussée, est fait de mosaïques. Comble de luxe, la maison comporte des latrines sans trop d’odeurs tenaces. Elles sont construites à plusieurs trous pour se soulager ensemble…
On peut admirer des tapis de prix, des meubles sculptés, des bahuts dont le plus caché doit contenir l’argent de la famille. En entrant les convives enlèvent leurs himations, des souples manteaux, ainsi que leurs chaussures faites sur mesure, en cuir ou leurs sandales en feutre avec des semelles de bois.
Les dîneurs sont allongés sur des banquettes devant des tables en trépied. Le maître de maison se trouve sur le premier lit en commençant par la gauche, la place d’honneur se situant à la droite de l’hôte. Après s’être lavé les mains, on mange avec les doigts tout en buvant dans des coupes, des gobelets.
C’est un dîner, un souper, le repas le plus copieux avec poissons et fruits de mer, assaisonnés d’origan et de cumin, de thym et d’oignons. Il y a du lièvre et un porcelet, un agnelet, qui (…)
Chroniques de MARS // « – Qui êtes vous Daniel Giraud ? »
Daniel GIRAUD // « Je cherche un homme » – Diogène le libertaire
Daniel GIRAUD // « Je cherche un homme » – La Grèce de la Grèce
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Du même auteur aux éditions ARQA
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