« Que ton épée te soit fidèle, ton ami sincère, ta dame douce, aimable et constante ; et au milieu des sourires de l’amitié et de l’amour, tu perdras enfin le souvenir de l’île solitaire… » – Walter Scott
Des Mythes et Légendes à la Chevalerie de combat
Une histoire contée depuis les cirques romains dévolus à Spartacus et ses hommes jusqu’aux villes tentaculaires dans lesquelles combattent dans la Matrice – et au fin fond de notre Psyché – les héros emblématiques des Temps modernes. Dans ce livre d’Histoire intitulé « De Spartacus à Batman », l’auteur, Myriam Philibert, Docteur en Préhistoire, grande spécialiste des Mythes et des Légendes, des symboles anciens aussi, mais surtout gardienne aimante de ces personnages si glorieux, relate avec un style hors du commun la fabuleuse légende de nos héros anciens.
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SAINT MICHEL, SAINT GEORGES, ACHILLE, SPARTACUS, CUCHULAINN, GALAAD, LES TEMPLIERS, JEANNE D’ARC, MIYAMOTO MUSASHI, NÉO, BATMAN…
Le mythe du héros chevaleresque en Occident chrétien
Chroniques de Mars // Myriam bonjour ! … Tu viens de livrer ce mois-ci pour les éditions ARQA ton 35e livre intitulé « De Spartacus à Batman » et qui porte sur le Mythe du héros chevaleresque en Occident chrétien – même si l’aspect extrême-oriental est également traité dans ton livre, en contrepoint, avec notamment la figure du Samouraï Miyamoto Musashi, ainsi que l’Art du Bushido…
Nous allons en reparler…
Mais pour l’instant évoquons en préambule l’aspect occidental et chrétien. Ton livre est une véritable somme de 434 pages avec 58 pages de documents d’archives, de photographies et 150 documents de tous types sont reproduits dans ton ouvrage, peintures et gravures anciennes sont présentées dans un riche cahier iconographique qui permet d’expliquer et de sous-tendre tout ton travail de recherches… Tu introduis d’abord ton livre avec les figures de Saint Michel et Saint Georges qui sont les représentations tutélaires de la chevalerie traditionnelle. Peux-tu expliquer à nos lecteurs des Chroniques de Mars, sans trop déflorer ton étude fraîchement publiée, en quoi sont-ils semblables et en quoi sont-ils différents, pour commencer cet entretien… ?
Myriam Philibert // Troublante question que celle à propos de saint Michel et de saint Georges. Pour sa part, Frédéric Mistral établissait une triple distinction hiérarchique, saint Michel, saint Georges, puis tous les bienheureux illustres comme Radegonde, Victor de Marseille, Marthe à Tarascon, etc. Il en oubliait Marie foulant du pied le serpent tentateur. L’imagerie et la littérature médiévales ont lentement affiné le portrait du monstre ou de la « bête ».
Mais que dire du saint pourfendeur de dragons qui succède à une lignée de héros, comme Cadmos ou Persée ?
Ce dernier introduit la monture dans le duel titanesque. Michel se pare des ailes de l’archange et dirige la milice céleste. C’est souvent à pied qu’il terrasse son adversaire. Juché sur son cheval et l’épée à la main, Georges semble bien avoir un rôle de second plan en anéantissant l’immonde protagoniste. Rappelons qu’il est soldat – dans le monde des hommes. Peut-il rivaliser aves les légions angéliques ? Avec un à propos indubitable, Louis XI fonde, en 1460, un ordre de Saint-Michel et peu après, par imitation, des ordres de Saint-Georges fleurissent en Europe (Hongrie, Bohême, Bavière, etc.). Le grand saint Michel, succédant probablement à quelque dieu solaire gaulois, s’octroie nombre de sanctuaires de renom comme le Mont-Saint-Michel ou Saint-Michel d’Aiguilhe.
Ne sera-t-il pas le justicier au jour du Jugement ?
Chroniques de Mars // Ton livre traite ensuite de nombreux héros mythologiques, et particulièrement d’Achille, avec lequel tu introduis savamment ton ouvrage, avant de passer à d’autres personnages plus historiques… Achille représente le héros antique par excellence, on le connaît surtout par son action incroyable dans la Guerre de Troie.
En quoi représente-t-il le héros absolu ?
La guerre de Troie a-telle réellement eu lieu ? Avec la mort d’Achille nous sommes réellement dans la « mort initiatique » – Peux-tu contextualiser un peu cette histoire ?
Myriam Philibert // Ah ! Achille ! Et la phrase « la guerre de Troie n’aura pas lieu. » ! En fait, Troie existe belle et bien, fouillée dès la fin du XIX e siècle, colline artificielle constituée d’un amoncellement de restes de murailles et de vestiges archéologiques divers. Neuf couches ont été distinguées et la plupart d’entre elles offrent les séquelles inoubliables d’affrontements et de faits de guerre. À laquelle de ces strates se rapporte l’épopée mythique rapportée par Homère ?
La communauté scientifique avance, avec prudence, le niveau VII a (1300-1200 avant notre ère), qui succède à un autre plus ancien et daté de la fin de l’âge du bronze. Voilà pour l’archéologie. Des recherches sur la langue homérique permettent d’avancer que le poète aurait vécu en Asie mineure et défendu les couleurs de Troie. L’armement qu’il décrit date de l’âge du bronze, alors qu’il aurait vécu plus tard, à l’âge du fer…
Son propos s’avère tendancieux. Il tente de faire du bouillant Achille un antihéros, et préfère Hector comme archétype du Héros. Ultérieurement, l’histoire inversera cette approche pour faire de celui-là le champion absolu, le modèle idéal de vaillance. Le rapt de la belle Hélène mettait, d’emblée, Agamemnon, Ulysse, Achille, dans le camp de ceux qui avaient subi un outrage. Et, la mort de ce dernier, suivant celle de Patrocle, initiait le Sacrifice, ultime étape de la perfection héroïque. Humain car vulnérable, il donnait sa vie pour une cause noble – l’honneur d’une femme. On oubliait les colères du guerrier, on privilégiait ses hauts faits d’arme, son geste où, vulnérable, il s’abandonnait à son adversaire, ce qui eut le mérite de galvaniser les troupes grecques et de renverser l’issue du déroulement de la guerre.
L’héroïsme se dévoile toujours dans l’absolu don de soi.
Chroniques de Mars // Un chapitre entier est ensuite longuement consacré à Spartacus, en tant que « Dieu de l’arène »… (Le sommaire de ton livre est à découvrir ici). Pour le coup, nous avons-là un personnage bien réel, même si l’on a peu de sources anciennes… Malgré ce, tu as réussi à remonter brillamment le fil du temps et évoquer des détails historiques peu connus pour nous faire revivre l’action débridée de ce héros magnifique ! Peux-tu nous en donner quelques éclats… ?
Spartacus n’a-t-il pas été dépassé par l’impact de son geste initial, de sa rébellion ?
Myriam Philibert // Spartacus : sa mort, surtout, est devenue légendaire en un siècle environ. Cliché à l’appui, déjà ! Et mare de sang. Cerné par les armées romaines, il mit un genou à terre, se couvrit de son bouclier et tomba dignement sous les coups. Les historiens contemporains de son épopée l’ont « boudé ». Son corps n’a jamais été retrouvé. Les légions romaines s’étaient tristement illustrées en reculant devant ses propres troupes ! Il couvrait de honte l’armée la plus puissante du monde.
Pensez un barbare – de basse extraction, à moins qu’il ne fut prince –, devenu esclave comme prisonnier de guerre ! Par chance, il fut confronté à des personnalités de renom : Pompée et Crassus. Son portrait se voit brossé (par l’ennemi) et chacun sait que les historiens enjolivent leur matière. Tout partit de son refus de combattre dans l’arène. Fut-il lâche ? Fut-il révolté par sa condition inéluctable et sans avenir ?
Toujours est-il que de dix compagnons, on passe à cent, mille, etc. Devant l’ampleur du mouvement de rébellion déclenché, fut-il, un jour, dépassé par les événements ? Oui, pour ses détracteurs. Pourtant, il avait l’étoffe d’un chef. À l’instar d’Homère cité plus haut, les Romains ne retiennent que la glorieuse ROME, et l’illustre Pompée et ses phrases lapidaires. Au fil du temps, la vérité se voit rétablie et Spartacus devient « le dieu de l’arène », le champion de la lutte de l’opprimé contre l’oppresseur.
Chroniques de Mars // Galaad, lui, est surtout reconnu comme le chevalier parfait dans les différents cycles des romans du Graal, mais il y en a d’autres comme Lancelot ou Perceval… En quoi Galaad a-t-il retenu ton attention et pourquoi… ?
Est-ce par rapport au Graal lui-même ?
Le Graal se pare de vertus christiques, accessibles seulement aux chevaliers les plus purs…. Une volonté élitiste poindrait-elle ici ?
Myriam Philibert // Avec Galaad, on oublie l’héroïsme pour retrouver la chevalerie, idéale, avec une question que je me suis posée. Héroïsme et chevalerie sont-ils fondamentalement différents ? Un même code d’honneur sévit. On découvre un surprenant Graal, issu de la conjonction de la coupe de souveraineté celtique et du vase ayant recueilli le sang du Christ, un Graal, devenu peu à peu si mystérieux que seule l’élite de la chevalerie était apte à en décrypter les arcanes. Peut-être un seul. Est-il simplement un objet matériel ? Il permet à Lancelot, fou amoureux de la reine ou à Perceval, timoré face à son destin, de s’illustrer par leur esprit chevaleresque. Et à d’autres encore…
Les combats sanglants appartiennent à la littérature celtisante, alors que la quête d’absolu est celle d’un roman français manifestement né dans le giron de l’Église. Galaad avait, dès lors, sa place comme champion parfait, dans un univers où triomphait le christianisme. Élitisme ou perfection éthique, seul Galaad pouvait, pour les clercs, devenir l’héritier du Christ et approcher l’ultime réalité. La chevalerie se trouvait transcendée, voire transfigurée. Elles rejoignaient les cohortes célestielles pour un destin où le combat n’avait plus aucune place.
Chroniques de Mars // Parlant de la chevalerie occidentale et chrétienne, il était difficile d’occulter les croisades, bien entendu, et la fabuleuse épopée des moines-soldats et chevaliers que sont les Templiers… Il y a, à la base, un mentor pourrait-on dire qui est Saint Bernard et qui va avec son éloge de cette « nouvelle milice » comme il la nomme, donner une impulsion incroyable à ce mouvement spirituel complètement original en Occident, pour cette période – n’oublions pas que les Templiers sont à la fois des moines et des soldats ! Il nous semble important de redonner ici un extrait du texte de saint Bernard pour mieux comprendre les sources de cette chevalerie d’exception, voici ce qu’il écrit :
« Une nouvelle chevalerie est apparue sur la Terre, dans le pays même que le Soleil levant est venu visiter du haut des cieux… Oui, c’est une milice d’un genre nouveau, inconnue aux siècles passés, destinée à mener sans relâche un combat double, tantôt contre des adversaires de chair et de sang, tantôt contre des esprits de malice répandus dans les airs. Il n’est pas assez rare de voir des hommes combattre un ennemi corporel par les seules forces du corps pour que je m’en étonne. D’un autre côté, le monde est plein de moines qui font la guerre au vice et au démon avec les seules forces de l’âme. Mais ce qui pour moi est aussi admirable que rare, c’est de voir les deux choses réunies dans le même homme. Le chevalier est vraiment sans peur et sans reproche qui revêt en même temps son âme de la cuirasse de la foi et son corps d’une cotte de maille. Sous sa double armure, il ne craint ni homme ni diable. »
Peux-tu revenir un peu sur cet aspect historique qui se détermine ainsi dès sa fondation… ?
Myriam Philibert // Avec les Templiers, on oublie le roman idéal et l’on redescend dans la matière. La dualité reprend ses droits. Si le Graal demeure dans l’esprit, le Temple appartient en apparence à la lettre et au siècle. L’instigateur de cette institution est Bernard de Clairvaux, moine de grande autorité et au caractère bien trempé. Son ami, Hugues de Payens, avait sollicité son aide dans cette aventure – combattre l’hérésie ou les démons, ce qui constitue le rôle du moine tout en annihilant des ennemis de chairs et d’os, ce qui devient celui de la chevalerie. Issu de la noblesse et très « politique », saint Bernard se bat avec conviction, tant pour asseoir l’autorité de Cîteaux sur Cluny, que celle du pape Innocent II sur son rival. Pour lui, le combat chevaleresque et la vie contemplative du moine ne sont que deux paliers dans la vie d’un saint, le troisième étant l’extase. Ainsi, il proclame l’existence d’une « nouvelle chevalerie », avant même qu’elle ne soit officiellement reconnue.
Or, nul n’est parfait.
La deuxième croisade, qu’il prêche, se termine malencontreusement et le projet templier, lui-même, sera voué, à l’échec. Tout débute dans l’enthousiasme premier, avec neuf pauvres chevaliers-moines, nous raconte le légendaire, vivant dans une salle de la mosquée d’al-Aqsa, et se livrant à des recherches archéologiques. Une ascension fulgurante de l’Ordre, grâce à des chefs de valeur ou des financiers talentueux comme Philippe de Naplouse, marque les débuts. Hélas, des personnalités troubles ou pusillanimes entachent la réputation du Temple. Son apogée se situe au temps de Robert de Sablé, proche de Richard Cœur de Lion, mais la mort de Saladin marque un tournant significatif amorçant un lent déclin…
Place à la sauvagerie des combats, pour une Terre Sainte à jamais souillée par le sang versé. L’éthique est bafouée, le combat prime sur l’esprit religieux. Tout finit sur le bûcher, avec Jacques de Molay, victime sacrificielle et expiatoire de la faiblesse d’un pape et de la jalousie d’un roi, à l’encontre d’une puissance dangereusement établie. Sans flancher, ce dernier renoue avec l’héroïsme et le cœur transcendant d’une chevalerie templière désormais moribonde dans sa vertu, mais éternelle dans son esprit…
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