Paul-Georges Sansonetti a été chargé de conférences à l’école pratique des Hautes-Etudes Sorbonne. Spécialiste de la littérature comparée aux Mythologies, au Cinéma et aux Art graphiques, il est également un spécialiste de la Tradition Primordiale, ses différents articles et ouvrages sur les Mythes hyperboréens, la Chevalerie chrétienne et la dimension polaire de la Tradition font autorité. Paul-Georges Sansonetti, avec beaucoup de talent et d’acuité présente ce mois-ci le dernier livre de Myriam Philibert publié aux éditions Arqa : « De Spartacus à Batman – Le mythe du héros chevaleresque en Occident chrétien » .
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« Que ton épée te soit fidèle, ton ami sincère, ta dame douce, aimable et constante ; et au milieu des sourires de l’amitié et de l’amour, tu perdras enfin le souvenir de l’île solitaire… » – Walter Scott
Des Mythes et Légendes à la Chevalerie de combat
Une histoire contée depuis les cirques romains dévolus à Spartacus et ses hommes jusqu’aux villes tentaculaires dans lesquelles combattent dans la Matrice – et au fin fond de notre Psyché – les héros emblématiques des Temps modernes. Dans ce livre d’Histoire intitulé « De Spartacus à Batman », l’auteur, Myriam Philibert, Docteur en Préhistoire, grande spécialiste des Mythes et des Légendes, des symboles anciens aussi, mais surtout gardienne aimante de ces personnages si glorieux, relate avec un style hors du commun la fabuleuse légende de nos héros anciens.
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SAINT MICHEL, SAINT GEORGES, ACHILLE, SPARTACUS, CUCHULAINN, GALAAD, LES TEMPLIERS, JEANNE D’ARC, MIYAMOTO MUSASHI, NÉO, BATMAN…
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Sous la plume, bellement inspirée par un vivant vocabulaire, de Myriam Philibert, chaque thème développé fait écho à un moment civilisationnel ou, plus exactement, en constitue ce qu’il conviendrait de nommer le « climat spirituel ». On pourrait aussi dire, par une métaphore qu’inspire l’archéologie, que l’auteur « désensable » des pans entiers de la Mythologie et de l’Histoire ou nous fait feuilleter le grand album d’un légendaire qui rime avec planétaire tant nombre de récits fabuleux, appartenant à plusieurs continents, sont évoqués pour affirmer la permanence d’une façon d’exister sans concession envers soi-même.
Le terme de chevalerie devait en résumer la teneur tout en lui ajoutant les ailes de l’idéalisme. De fait, Myriam Philibert nous démontre que la notion de chevalerie, destinée à s’affiner et prendre corps dans le contexte médiéval, transparaît aux temps les plus anciens : sur les rives du Nil, du Tigre et de l’Euphrate, dans les flots céruléens de la Mer Égée, en divers territoires occupés par les fils de Hallstatt, Celtes ou Germains. Mais aussi dans cet Orient où les héros du Mahābhārata gravissent le mythique Mont Meru tandis que l’approche taoïste de la perfection investit les arts martiaux et la calligraphie – pour le Japonais Miyamoto Musashi une même dextérité allie le sabre au pinceau – et que la noble discipline du tir à l’arc prend place dans le nom d’ « Empire du Milieu ».
Car l’auteur, par son impressionnante érudition que sert un réel talent de conteur, multipliant les formules heureuses, nous entraîne sur le flot du temps et même se risque – pour notre plus grand bonheur – à faire naviguer bord à bord des époques différentes. Saluons chez Myriam un art de l’ellipse narrative ne s’opérant jamais au détriment d’une ligne directrice ferme qui, charpentant le récit, lui confère une indéniable pertinence emportant l’adhésion du lecteur.
Il est un autre aspect de ce livre qu’il nous faut aborder. Dans nos sociétés occidentales où le domaine du savoir est allègrement sacrifié (principalement par les jeunes générations) au profit de « loisirs » télévisuels fréquemment ineptes car sans grande résonnance culturelle et encore moins métaphysique, Myriam Philibert se propose de nous remémorer les mythes essentiels constitutifs de ce que d’aucuns nommeraient la culture première des peuples et qui est d’abord une connaissance initiatique. D’autant plus que cette connaissance induit à l’évidence une constante : le processus affranchissant l’être de son conditionnement egotique afin qu’il parvienne au zénith de lui-même, dans l’immuable « grand midi » du Soi. Car tel est, fondamentalement, ce qu’implique, sans toutefois le proclamer ouvertement, le terme de chevalerie.
Autre qualité de cet ouvrage, le fait de souligner que le personnage du chevalier perdure dans le Septième Art. Certes, Hollywood est certainement l’un des lieux parodiques où l’imaginaire se change en centrifugeuse à brasser des dollars. Pourtant, même assaisonnés d’idéologie américaine (mêlant infantilisme et cynisme affairiste), la substance du mythe exerce toujours un évident pouvoir de fascination. Et Myriam Philibert montre fort à propos que, loin de s’affaiblir sous les sunlights de la modernité, pareille substance, toujours vivace, fait grimper certaines réalisations au sommet du box-office. Qu’il s’agisse de Matrix, désormais « film culte », exaltant un héroïsme sacrificiel voué à dénouer le nœud gordien d’une complexité cybernétique réduisant le vécu à des leurres interchangeables, ou de Batman, le Dark Knight, incarnant l’« impersonnalité active » (dixit Julius Evola) inhérente à la neutralisation de l’ego, venu rétablir une justice en des temps d’ahurissante confusion mentale qu’annonce le visionnaire de Pathmos. Néo et ses compagnons membres d’un réseau de résistance, tout comme, nocturnement, Bruce Wayne dans Gotham city, s’habillent et s’équipent de sombre…
L’anonymat des guerres modernes, évoqués dans nos premières lignes, les aurait, dirait-on, rattrapé. En fait, leurs tenues ne traduisent pas, comme pour Dark Vador, une âme enténébrée mais un simple effet de camouflage afin de se mouvoir durant l’ultime période du Kali Yuga (l’« Âge Noir » selon l’Inde). Semblant nous prévenir qu’une telle teinte se révèle nécessaire, les peintres d’un Moyen Âge finissant et du début de la Renaissance font parfois endosser à Saint Michel et Saint Georges des armures d’un métal reflétant la nuit. Une profonde nuit des consciences dans laquelle il faut s’avancer sans angoisse si l’on désire aller à la rencontre du rougeoiement de l’aurore.
En nos temps où, quotidiennement, défile une pléthore d’informations, le plus souvent – il faut l’avouer ! – d’une totale inutilité mais contribuant à disperser le mental, l’ouvrage de Myriam Philibert arrive à point nommé pour nous recentrer sur un thème essentiel qui a constitué l’élan vital des plus prestigieuses civilisations. Redécouvrir ses multiples émergences opère un brutal décalage d’avec notre environnement sociétal : jadis était offert un comportement existentiel – un vécu – autrement plus intense, exaltant et surtout fascinant que les ambitions ridiculement étriquées, à la fois pathétiques et dérisoires, sécrétées par nos collectivités – dites – « démocratiques ». Voie royale de l’accomplissement d’un être, l’héroïsme que notre XIIe siècle de chrétienté va célébrer dans la lumière du Graal pour que transparaisse la « chevalerie célestielle », continue d’aimanter les esprits les plus audacieux. En cela, lire le présent livre se veut un refus salvateur de tous les renoncements et les fatalismes dont est prodigue l’agonie d’un monde oublieux de la transcendance (…).
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