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RENNES-LE-CHÂTEAU – D’ARSÈNE LUPIN à MAURICE LEBLANC

777-92.jpg « Dans l’imaginaire universel, depuis plus d’un siècle avec sa première apparition en 1905, le héros mythique Arsène Lupin tient une place à part dans le cœur de tous les passionnés de littérature aventurière ou policière. « Le gentleman cambrioleur », comme on l’a très vite surnommé, a d’entrée su conquérir puis garder des générations entières de lecteurs et de passionnés. C’est l’essence même de son extraordinaire succès. Il y a à cela plusieurs raisons. Une des principales est certainement que le personnage paraît beaucoup moins lisse que ce que l’on pourrait croire de prime abord, et que l’on se prend délicieusement à soupçonner, à la lecture de toutes ses aventures, qu’il pourrait bien dissimuler une face cachée ou des origines beaucoup plus étonnantes que ce que tente de nous les présenter son biographe officiel, Maurice Leblanc, qui pourtant, il nous l’affirme haut et fort, l’a parfaitement bien connu… »

Franck DAFFOS

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Le dernier livre de Franck Daffos, publié ce mois-ci chez Arqa, Tome 6 des Chroniques de Rennes-le-Château, « Arsène Lupin – Gentleman cambriolé », nous propulse avec enthousiasme dans une dimension historique peu commune, celle du « Secret des Rois de France ». Au mystère du masque de fer sur lequel plane tant de ténèbres succède avec bonheur une série de péripéties haletantes qui nous amènent de la terre natale de Maurice Leblanc au Razès oublié des Wisigoths d’Alaric Ier. Les ponts littéraires et symboliques entre la Normandie chérie du père d’Arsène Lupin et la topographie audoise de l’abbé Henri Boudet enjambent dans ce texte éloquent bien des ombres qui se dévoileront en pleine lumière au fil de notre lecture. Avec ce livre issu de deux ans d’écriture ininterrompue et de nombreuses recherches en archives, l’auteur retrouve comme à son habitude tout son talent pour raconter avec brio des pans entiers d’une histoire inachevée, celle d’un puzzle à reconstituer…

Les Chroniques de Mars No 27. INTERVIEW de Franck Daffos, propos recueillis par Thierry E. Garnier.


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Chroniques de Mars // Franck bonjour ! … Cela fait deux ans maintenant, depuis la sortie du « Trésor qui rend fou » qui a été un best-seller chez Arqa, que nous n’avions eu le plaisir de nous retrouver- si ce n’est un intermède il y a quelques mois avec un certain « Rudy Jacquier » et son « angle à 16° »… et la publication sur notre site de ton article sur « la véritable utilité du jumelage des deux tableaux de Rennes-les-Bains ». Pour ce qui est de ton livre-témoignage « Le Trésor qui rend fou », celui-ci a été – on le sait – une sacrée remise à jour, bien tumultueuse, des événements qui se sont passés un certain « 24 juillet 2011 ». Avec ce livre-choc, tu as fracassé les « on-dit » et les mis-en-cause ont bien été obligé de se rendre à l’évidence devant un tel déballage médiatique au vu et au su de tous, tout cela mené avec un ton sans concession que l’on te reproche parfois, mais qui a au moins le mérite de la vérité. Aujourd’hui, tu reviens nous livrer ce mois-ci, pour les éditions ARQA, ton dernier livre dans la série des « Chroniques de Rennes-le-Château », le tome VI, intitulé : « Arsène LUPIN – Gentleman cambriolé » ! Le titre semble à lui tout seul tout un programme ! Faut-il s’attendre à voir débarquer Arsène Lupin en personne, le héros de Maurice Leblanc, à Rennes-le-Château… ? Pourquoi un tel titre ?

Franck DAFFOS // Quand on a le bonheur, comme moi, de faire certaines découvertes qui ne sont en fait que le résultat de longues et patientes recherches entreprises depuis des années et des années, on a parfois l’impression de brusquement se retrouver comme le spectateur privilégié d’un film qui se joue devant soi avec tout son cortège de révélations et d’explications. Certaines choses apparaissent alors comme des évidences, et lorsqu’on veut les retranscrire et en faire le récit, les titres s’imposent naturellement d’eux-mêmes.

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Ce fut exactement le cas en 2005 avec « Le secret dérobé » puisque je racontais alors l’épopée de la connaissance d’un trésor dont le secret au XVIIème siècle avait d’abord été dérobé par la famille Fouquet à Mgr Pavillon, avant qu’il ne leur soit à leur tour, par la force et le déshonneur, arraché par Louis XIV pour assurer le financement de sa « folie de Versailles » comme le mentionne si bien le fier Arsène Lupin dans « L’aiguille creuse » de Maurice Leblanc.

Mes recherches sur l’œuvre de ce romancier et son mythique héros m’ont progressivement amené, au fur et à mesure de mes découvertes et à l’aune de tout ce que j’avais précédemment accumulé sur les mystères du Razès, à la même constatation : Maurice Leblanc, certainement de son plein gré mais sans en présumer toute l’importance, avait été manipulé par un des plus importants protagonistes de ce que l’on nomme à tort « L’énigme de Rennes-le Château » pour faire passer au travers de certains de ses ouvrages un message incroyablement bien structuré et ciblé. Il m’est donc clairement apparu qu’une partie de son œuvre avait été cambriolée, un comble pour le créateur du plus célèbre cambrioleur de tous les temps, d’où le titre qui s’est imposé de lui-même : « Arsène Lupin, gentleman-cambriolé » !

Maurice_LEBLANC.jpg Chroniques de Mars //Je tiens à dire, d’abord, avant de débuter cet entretien que l’impression que m’a laissé la lecture de ton livre, c’est que l’on a le sentiment que tu reviens avec celui-ci, « Arsène LUPIN – Gentleman cambriolé », à tes premières amours, c’est-à-dire à la recherche historique pure et dure avec l’inclusion de nombreuses découvertes historiques, comme dans « Le Secret dérobé » ou le « Puzzle reconstitué », cet ouvrage s’inscrit manifestement dans le droit fil de ces épopées historiques incroyables avec foison de pistes traversières explorées. Il y a bien sûr aussi dans ton dernier livre des personnages pittoresques, haut en couleurs, et surtout une galerie de prêtres avec des noms que l’on n’a jamais entendus dans l’affaire dite de « Rennes-le-Château », nous reviendrons d’ailleurs aussi sur cette appellation particulière. Alors qu’en est-il de l’état de ta recherche actuelle, alors que l’on te disait totalement en retrait de la recherche castelrennaise, sans répondant depuis le décès de Didier Hericart de Thury ?

Franck DAFFOS //On ne peut empêcher les sots et les imbéciles – c’est leur marque de fabrique – de raconter n’importe quoi, surtout dans le pathétique foutoir des réseaux sociaux où la plupart s’inventent une vie qu’ils n’ont jamais connue. On m’a ainsi rapporté que certains se gaussaient du fait que d’après eux, depuis la mort de Didier, je n’aurais « plus aucune matière grise »… Il me faut donc les remercier puisqu’ils reconnaissent ainsi implicitement que j’en avais avant, ce qui ne fut jamais leur cas ! Ce sont les mêmes d’ailleurs qui tentent de se faire une notoriété usurpée en plagiant ou s’appropriant mes découvertes et en ne manquant pas de me critiquer ou de m’insulter pour ainsi tenter d’occulter leurs inqualifiables procédés de minables et de parasites.

Avec ce livre, trois ans après la disparition de Didier, ils vont ainsi pouvoir juger sur pièces ! Mais on connait leur méthode de fonctionnement : dans un premier temps, silence total et invitation tacite au boycott de mon livre, puis plus tard, on les verra revenir sur mes découvertes concernant Maurice Leblanc (une fois qu’ils les auront comprises !) et prendre sans vergogne le train en marche, s’appropriant mes recherches en ayant le culot d’expliquer que je n’ai pas été capable d’aller jusqu’au bout de mes affirmations parce que je suis trop stupide (ils emploient d’autre termes, ce qui semble ne choquer personne !) alors qu’eux ont tout compris. C’est tellement facile ainsi !

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Je sais ce que je dois à Didier Héricart de Thury et à l’extraordinaire travail qu’il a accompli sur cette énigme, et à ce titre je n’ai absolument jamais manqué de lui rendre hommage. Je suis d’ailleurs le seul à l’avoir fait, et c’est la raison pour laquelle j’ai autant insisté, alors qu’il ne le souhaitait pas, pour le sortir de l’anonymat en cosignant avec lui « L’or de Rennes, quand Poussin et Teniers … » le livre qui a fait le buzz médiatique que l’on sait à l’été 2011.

Je rappelle que tout le monde n’a pas été aussi correct avec lui, et loin s’en faut !
Mais il ne faudrait quand même pas oublier qu’avant de le rencontrer, à l’été 2007, j’avais déjà publié « Le secret dérobé » et « Le puzzle reconstitué », deux livres qui posent déjà l’essentiel des véritables fondamentaux de l’énigme.
Mais il est vrai qu’avec cet « Arsène Lupin, gentleman-cambriolé », je suis revenu à ce qui me passionne le plus, la recherche pure et dure ! Quoi de plus excitant en effet que de partir d’une page blanche et de tenter de tout reconstituer ? C’est un exercice qui demande concentration, esprit d’analyse, et recherches en archives (pas n’importe lesquelles !) aussi bien que sur le terrain. Pour y réussir, il faut du temps, une disponibilité sans faille, et certains moyens financiers qui ne sont pas à négliger, raisons pour lesquelles depuis des années, j’ai organisé ma vie autour de ces préceptes en ne comptant que sur moi-même et sans attendre, comme la plupart, qu’Internet me livre tout sur un plateau au seul principe que je rémunère tous les mois un fournisseur d’accès.

Car voici ma principale particularité par rapport au microcosme des soi-disant « chercheurs » de RLC : je trace ma route, la plupart du temps seul (ou presque) contre tous, sans me soucier du qu’en dira-t-on. Je me suis fixé un cap et je m’y tiens.

L’avenir sera seul juge !

pop-3.jpg Chroniques de Mars // Avant d’entrer dans les détails de l’affaire que tu traites dans ton livre, il y a un volet annexe, complètement incroyable qui est abordé dans ton ouvrage et qui concerne le « Masque de fer ». Tu as mis, à travers des recherches inédites que tu as menées sur ce personnage énigmatique, une profondeur à cette énigme tout à fait singulière, grâce à Nicolas Fouquet, bien sûr, et concernant son arrestation, fin 1661. Peux-tu nous en parler un peu ? – et aussi nous donner des éléments d’approches relatifs à un document absolument hors du commun, publié dans ton livre, un document qui parle du « masque de fer », archive qui date du 18 septembre 1698 ? Que dit exactement ce document ?

Franck DAFFOS // Ce document provient des archives de Cannes qui ont centralisé les archives du Fort Sainte Marguerite, ancienne geôle royale, dans les îles de Lérins situées dans la baie de cette ville.

La date du 18 septembre 1698 est capitale pour la compréhension du véritable secret du « Masque de fer » qui a résisté à tous les historiens qui n’ont jamais su y déceler une double substitution : ce jour-là en effet arrivait à la Bastille, avec le gouverneur Saint Mars qui venait d’en prendre le commandement, un prisonnier qui avait voyagé avec lui entouré des plus grands égards. On apprend sur ce document qu’il venait de Sainte Marguerite, et qu’auparavant il avait été emprisonné à Pignerol.

Cette très inhabituelle traçabilité à l’époque d’un prisonnier sur lequel il est également précisé que « L’on n’a jamais scû le motif de sa détention » est intentionnellement voulue pour tenter de faire croire qu’il s’agit du « Masque de fer » reclus au secret le plus absolu depuis des années d’abord à Pignerol puis aux îles de Lérins. Malheureusement, un simple détail trahit la manipulation ! Au contraire du vrai Masque de fer, ce prisonnier est signalé portant un masque de velours noir, la chose est d’importance : comment alors penser qu’on ait d’abord obligé un prisonnier reclus dans deux des plus inexpugnables forteresses royales, et donc visible de très peu de monde (une poignée de gardiens) à porter pendant des années un masque en fer pour qu’il ne soit pas reconnu (donc il était célèbre !), pour ne lui faire ensuite porter qu’un masque de velours à l’extérieur, alors qu’on a toute la France à traverser, de Cannes à Paris, avec toutes les rencontres et les haltes que l’on est obligé de faire en chemin pour un aussi long voyage ?
C’est qu’il ne s’agit donc évidemment pas de la même personne !

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Ce subterfuge avait juste pour but de cacher la mort du véritable Masque de fer à Sainte Marguerite en lui substituant un autre prisonnier, et de l’affubler d’une identité, Marchioli, ce qui est le véritable but de ce formulaire officiel. Ainsi, en cas de vérification ultérieure, impossible de remonter à la véritable identité du vrai Masque de fer et ainsi le relier au trésor de Sougraigne pillé sur ordre de Louis XIV.

Un plan diabolique et parfaitement exécuté dont je dévoile tous les tenants et les exécutants dans ce livre, ainsi que mes sources, qui ne sont autres que celles en possession du Lazariste Jean Jourde qui s’en est subrepticement et fort intelligemment, à son habitude, fait l’écho dans « L’aiguille creuse » de Maurice Leblanc.

C’est un des faits très étonnants de ce roman, jamais relevé par personne ! Pourtant pour en parler à si bon escient, comme c’est le cas, avec juste quelques allusions très millimétrées, il fallait savoir certaines choses qui étaient totalement hors de portée de la connaissance de Maurice Leblanc…

Chroniques de Mars // Abordons ton dernier ouvrage plus en profondeur maintenant. Dans ce livre, les deux personnages centraux sont Maurice Leblanc et « Arsène Lupin ». Paradoxalement, les deux n’en font qu’un d’ailleurs puisque Leblanc se défendait à son époque de ne pas être Lupin ! Il prononçait cette phrase bien énigmatique : « Lupin, ce n’est pas moi ! Il me suit partout… Il n’est pas mon ombre, je suis son ombre. C’est lui qui s’assied à cette table quand j’écris. Je lui obéis », … dans le même ordre d’idée – et avec autant de sophisme – les écrivains de romans policiers Boileau et Narcejac ont eux écrit en 1964 que : « Lupin est un mythe, et en ce sens Lupin est plus réel que Maurice Leblanc » ! Ces deux phrases mises bout-à-bout ont de quoi surprendre et elles sont vraiment le révélateur médiumnique que les livres de Maurice Leblanc sont bien d’autres choses que de simples livres de hall de gare ou des romans policiers traditionnels, il y a sans conteste dans les romans de Maurice Leblanc une dimension mystagogique qui dépasse la simple lecture de premier degré – c’est une évidence ! Qu’elle soit consciente ou inconsciente chez les lecteurs d’Arsène Lupin, on sent vraiment ce supplément d’âme…

De ton côté tu as mis en évidence quatre livres dans l’œuvre de Leblanc qui renvoient incontestablement à une structure occulte qui reflète de façon sous-jacente tout le mystère de Rennes-le-Château. Rien d’étonnant à cela d’ailleurs puisque Patrick Ferté en son temps – il y a 26 ans – fut le premier à découvrir ce fait. Tu lui rends d’ailleurs hommage dans ton livre. Michel Lamy et Patrick Berlier avec son magistral « Jules Verne – Matériaux cryptographiques » avaient fait de même eux aussi, avec Jules Verne, à la fois « initié » et « initiateur » au mystère de Rennes-le-Château ! Sans trop entrer dans les détails de ton livre, peux-tu nous parler de ces quatre livres de Maurice Leblanc qui sont pour toi l’architecture-maîtresse de ton argumentation ?

Arsene_LUPIN.jpg Franck DAFFOS //Tout ceci peut se résumer en quelques mots : une fort opportune rencontre !

En 1906, le Lazariste Jean Jourde, fait la connaissance de Maurice Leblanc dans des circonstances plutôt extraordinaires que je dévoile dans mon livre. Magnificence et synchronicité d’un extraordinaire destin croisé, les deux hommes sont tous les deux cette année-là porteurs d’une œuvre qui va sublimer leur vie : littéraire pour le romancier qui est enfin à l’aube du succès grâce à un personnage de fiction commandité par son éditeur, Arsène Lupin, et beaucoup plus occulte pour le prêtre détenteur d’un secret millénaire et qui se débat avec ses petits moyens pour éviter qu’il ne se perde à jamais, venant juste de terminer en sous-main la réalisation du domaine de Rennes-le-Château où il en a inscrit les principaux arcanes dans la pierre… comme il l’avait fait vingt années auparavant avec la publication d’un livre codé attribué à son confrère l’abbé Boudet, et comme il l’avait également fait il y a dix ans avec la restauration et la décoration de l’église de Rennes-le-Château.

Mais le résultat lui semble médiocre et trop hermétique, étriqué même pour tout dire ! Il rêve de beaucoup mieux pour faire passer son message et il sait que le romancier, si le succès et la gloire lui sourient, peut lui amener un écho national si ce n’est international.

Alors Jean Jourde va puiser dans les arcanes du secret du Razès qu’il maîtrise parfaitement – il en a percé le secret – tout une extraordinaire série d’emprunts qui, habillés à la sauce normande et emballés par la verve littéraire de Maurice Leblanc vont propulser ce dernier au panthéon des romanciers de ce début de siècle, lui assurant par le miracle d’un seul livre, « L’aiguille creuse », gloire et fortune définitives.

Pour qui sait, la sauce est même parfois indigeste tellement le Lazariste a voulu farcir le mets…

Tout aurait dû en rester là, mais certains événements dans le Razès vont forcer la main à Jourde et l’obliger à redemander sa collaboration à Leblanc pour deux autres livres, d’abord « L’île aux trente cercueils » paru en 1919 puis « Dorothée danseuse de corde » paru en 1923. Le romancier semble alors ne pas être vraiment d’accord, mais comment refuser à celui qui a bétonné votre notoriété et votre fortune sans jamais rien demander en échange et en restant dans l’ombre ? Il s’exécute donc et collabore, toutefois en marquant son assentiment : d’abord en ridiculisant son propre héros Arsène Lupin dans « L’île aux trente cercueils », puis en refusant fermement qu’il apparaisse dans « Dorothée danseuse de corde »

C’est que Jourde avait un plan : au lieu de plomber de révélations un seul volume, ce qui le rendrait à coup sûr indigeste, il a eu l’idée de morceler ses explications occultes, les rendant ainsi beaucoup plus précises et abordables, dans plusieurs publications, trois pour être précis, publiées à des années d’intervalle, et en imaginant de plus pour les relier, c’est là son coup de génie, un jeu de piste en quatre sentences qui de plus engloberait au passage l’extraordinaire « L’aiguille creuse » en l’intégrant à postériori dans son schéma directeur.

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Une sentence pour chaque roman, avec leur liste très finement dévoilée, ainsi que les romans auxquels elles de réfèrent dans « La comtesse de Cagliostro », publiée en 1924 et qui scella la réconciliation définitive des deux hommes, Jourde ayant dû faire des concessions à un Leblanc depuis longtemps en proie au doute d’avoir été utilisé pour il ne savait quels dessins.

On ne sait ce que Jourde fut obligé de céder et jusqu’où il alla dans les confidences, certainement peu explicites, mais il est de fait que le romancier en fut de plus en plus perturbé, notamment après la disparition du prêtre au printemps 1930.

Mais ce que n’a jamais su Maurice Leblanc, c’est que le simple énoncé de ces maintenant fameuses quatre sentences publiées à la face du monde en 1924 et renvoyant à quatre de ses romans, posait d’une extraordinaire manière défiant l’entendement rien de moins que l’exact cheminement vers la faille fortuite formant l’entrée cachée de la mythique nécropole de Sougraigne, découverte en mai 1645 par un jeune berger de 15 ans du nom d’Ignace Paris !

Ces quatre devises ne font que répéter en mieux et plus précis ce que nous dévoilaient déjà l’association du tableau de Poussin et de celui de Teniers, des deux tableaux dans l’église de Rennes-les-Bains, de la dalle de Blanchefort et celle de Coumesourde, et des deux parchemins, le grand et le petit !

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Chroniques de Mars // Ce qui me frappe le plus dans ton travail de recherche, et qui est d’ailleurs un peu ta marque de fabrique, c’est ta capacité à dénicher des filiations incontestables avec des prêtres qui sont en relation directe avec l’affaire de Rennes, mais sur lesquelles aucun chercheur n’avait abouti ou même mises au jour. Il faut dire à ce sujet que les archives que tu explores pour ce faire ne sont pas les archives traditionnelles, municipales, départementales ou nationales, mais bien des archives ecclésiastiques, car tout le monde l’a compris maintenant – en tout cas je l’espère – c’est que « l’affaire de Rennes » est bien un secret de prêtres… On ne peut dans le cadre de cette seule interview baliser tous ces prêtres en question, ils sont trop nombreux, mais il y en a au moins deux sur lesquels je me sens obligé de t’interroger… Je veux parler de Xavier Sackebant et du chanoine Collette. Sans trop en dire, peux-tu succinctement nous expliquer leurs connexions avec l’affaire ?

Franck DAFFOS // Là aussi, rien d’extraordinaire : juste des rencontres …
Aldous Huxley le disait déjà en son temps, et c’est toujours resté ma devise : « la chance n’est pas ce qui arrive à l’homme mais ce que l’homme sait faire avec ce qui lui arrive ! »

Pour tenter d’expliquer tous les concours de circonstances qui émaillent le secret de Sougraigne, les sots vont se précipiter à parler d’alchimie, de sociétés secrètes, de « grands initiés », de franc-maçonnerie, de complots royalistes ou que sais-je encore ? Autant de bien pratiques paravents derrière lesquels ils ont pris l’habitude de se réfugier en ne manquant pas de jouer les affranchis qui savent tout mais qui ne peuvent rien dire alors qu’ils ignorent tout ! Hélas pour eux, comme dans la vie de tout vulgum pecus, cette énigme s’est au fil des années puis des siècles articulée au gré des évènements et de certaines rencontres ordinaires entre hommes extraordinaires ayant su forger leur destin !

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Xavier Sackebant était par exemple un coreligionnaire lazariste de Jean Jourde au grand séminaire à Paris dans les années 1870. Il fut le dernier veilleur de cette fabuleuse énigme puisqu’il participa à la visite de la nécropole de Sougraigne durant l’extraordinaire été 1885. Il s’est éteint à Périgueux, où il dirigeait le séminaire depuis des années, en 1941, la même année que Georgette et Maurice Leblanc.

C’était hier !

De plus, hasard aidant, toujours lui, mais n’oublions pas que le grand Einstein avait coutume de dire que « le hasard, c’est simplement Dieu qui se promène incognito », il reçût un jour à Paris, au tout début de l’été 1906 alors qu’il était un des dirigeants de la maison mère des Lazaristes, au 95 rue de Sèvres, la visite d’un chanoine honoraire de Rouen, un certain Romain-Armand Collette, venu lui faire une bien singulière requête.

Facétie du destin, une fois de plus, le chanoine Collette, qui avait fait ses séminaires à Rouen sous l’autorité de professeurs lazaristes, dont un certain Léopold Vannier (qui fut ensuite dans les années 1880 le supérieur du jeune Jean Jourde à N-D de Marceille à Limoux), avait également, du temps où il fut ensuite aumônier du lycée Corneille de Rouen, amené à la confirmation qui lui fut administrée par le célèbre cardinal de Bonnechose, un jeune pensionnaire du nom de Maurice Leblanc …

Que dire de plus ?

A part que cette énigme nous dépasse et nous fascine, et qu’il faut surtout la laisser nous guider, loin de toutes les étiquettes et autres artifices prétentieux…


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Chroniques de Mars // Autre sujet et autre personnage absolument incroyable que tu as su retrouver. Il s’agit du fameux Docteur Hervé, qui apparaît dans les fameux « dossiers Lobineau » déposés à la BnF par Pierre Plantard, dossier constitué pour valider – par anticipation – la mystification à venir de « L’or de Rennes » de de Sède ! Je te tire vraiment mon chapeau sur ce coup, car j’avais travaillé sur ce sujet lors de la publication chez Arqa du « Prieuré de Sion », et je dois dire qu’il était vraiment difficile de trouver de la documentation sur le docteur Hervé ! Je peux même ajouter qu’aucun chercheur n’avait retrouvé la trace de ce fameux Docteur Hervé précédemment, j’avais d’ailleurs récemment, de mon côté, interrogé Gino Sandri sur ce personnage bien mystérieux, sans en savoir plus, non plus. Peux-tu donc nous relater tes découvertes- à relier bien sûr aux dossiers Lobineau – concernant ce personnage invisible ?

Franck DAFFOS // Là aussi, point de miracle mais une fois encore beaucoup de recherches !

D’abord le hasard heureux (toujours lui !) de l’énigmatique dédicace d’un livre proposé à la vente et dont nous allons reparler, couplé à une plaque de ruelle sans aucune explication dans la ville de Toulouse : deux éléments qui vont me donner le départ d’une recherche dans les archives des délibérations du conseil municipal de cette ville où un insignifiant détail va me mettre sur la voie, puis enfin les toujours passionnantes recherches classiques, via une société savante locale, sur la vie de ce fameux docteur Hervé inconnu de tous, pour enfin s’apercevoir qu’il était compatible avec Jean Jourde, Maurice Leblanc et l’un de ses plus proches amis, et enfin un invité de dernière heure, plutôt du genre pique-assiette, un certain Pierre Plantard !

Avec là aussi, une fois de plus, l’illustration parfaite de l’incompétence, si ce n’est de la malhonnêteté du fondateur du vaporeux et pitoyable Prieuré de Sion

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Chroniques de Mars // Autre sujet plus que passionnant dans ton livre, et c’est là où tu abordes des pistes qui ont fasciné des générations de chercheurs, il s’agit de ce que l’on a appelé « le secret des rois de France »… Tu possèdes un ouvrage étonnant qui était connu de très rares chercheurs d’un certain… « Valère Catogan » ; de ton côté, traitant ce sujet sur le secret des rois de France, tu as tiré le fil pour savoir qui était derrière ce pseudonyme, et tu as alors découvert un auteur justement en relation avec le fameux Docteur Hervé des « Dossiers Lobineau » – dossiers factices, construits de toutes pièces par Plantard. Grâce à toi, on découvre alors une facette du puzzle à reconstituer dont les pièces à retrouver passent par « Henri Lobineau-Pierre Plantard », « Valère Catogan-Raymond Lindon », le mystérieux « Docteur Hervé » que tu as identifié savamment et dont tu as reconstruis patiemment la biographie, tout cela relié à… « Arsène Lupin-Maurice Leblanc » et donc, in fine au « secret des rois de France » ! C’est fascinant comme trajectoire… Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette complexe mise en perspective, sur ce « Valère Catogan », qui était-il ? Et quel était donc le titre de son incroyable livre ?

Franck DAFFOS // On comprendra au fur et à mesure de la lecture de mes révélations pourquoi une gêne persistante subsista toujours chez Maurice Leblanc concernant une partie de son œuvre littéraire, ce qui ne put tromper un de ses meilleurs amis, qui plus est maire d’Etretat pendant 30 ans, de 1929 à 1959.
Raymond Lindon (1901- 1992) acquit la notoriété comme avocat général de la cour de cassation de Paris. Il incarna avec force et talent un de ces ténors de la magistrature dont les terribles réquisitoires étaient redoutés, notamment lors de certains procès au sortir de la deuxième guerre mondiale. Neveu du célèbre constructeur automobile André Citroën, et grand-père du comédien Vincent Lindon, il se partageait entre Paris et Etretat, dont il fut le maire pendant de longues années, et où sa famille était venue s’installer dès 1906, non loin de la villa Le Sphinx, bientôt transformée en Clos Lupin par Maurice Leblanc dès après son acquisition définitive en 1918.

Raymond_Lindon.jpg Jeune maire de la commune, élu à 28 ans, il ne pouvait que côtoyer l’un de ses plus célèbres administrés en la personne du père d’Arsène Lupin. Il s’en suivit une amitié suivie, bientôt riche en confidences, d’abord avec l’auteur puis avec son fils Claude (1902-1995).

Certaines révélations du romancier furent-elles trop explicites ? Ou ne le furent-elles pas assez ? Il est de fait que petit à petit, Raymond Lindon se forgea l’opinion qu’une partie de l’œuvre de son ami lui avait été soufflée et que lui-même n’en maîtrisait pas toute la portée.

Magistrat de métier, et donc parfait scrutateur de l’âme humaine, il décida d’enquêter. Il questionna, écouta, et surtout beaucoup supputa, notamment après la disparition de Maurice Leblanc en 1941 à Perpignan. Sa réflexion le porta bientôt à comprendre qu’il y avait un message caché derrière « L’aiguille creuse », et plus précisément, ce qui ne peut que nous interpeller, que le parchemin découvert par Isidore Beautrelet avait une toute autre signification que celle annoncée dans le roman !

Ainsi donc, plus de 60 ans avant nous, un des meilleurs amis de Maurice Leblanc avait d’instinct saisi, sans avoir connaissance des éléments dont je dispose actuellement, tout ce qui fait l’essence de mon livre !

Ses réflexions l’amenèrent donc logiquement à publier sous le pseudonyme de « Valère Catogan » – anagramme parfaite d’avocat général– aux éditions de Minuit, à l’époque dirigées par son charismatique neveu Jérôme Lindon (1925-2001), un étonnant essai-pastiche de 68 pages, qu’il avait rédigé en 1949, sous le titre « Le secret des rois de France ou la véritable identité d’Arsène Lupin », et qui passionna Pierre Plantard au point d’y puiser, en y associant un certain « docteur Hervé », quelque inspiration pour la manipulation dynastique qu’il mit en place à l’orée des années 1960…

SUITE DE L’INTERVIEW

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Franck DAFFOS © INTERVIEW – Les Chroniques de Mars, numéro 27 – juin 2018.


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Arsène Lupin à Rennes-le-Château… ? La question a de quoi surprendre. Cependant depuis les recherches publiées il y a plus de vingt-cinq ans par Patrick Ferté sur le héros de romans de Maurice Leblanc, les découvertes se sont enchaînées et bien des pistes entrevues à cette époque se sont confirmées. D’autres, tout à fait nouvelles, grâce aux recherches inédites de Franck Daffos viennent aujourd’hui amplement valider la cohérence de la piste normande en relation avec le Razès et l’église de Rennes-le-Château de l’abbé Saunière – sans oublier également, en son temps, les révélations de Gérard de Sède guidé qu’il fut en sous-main par un invisible Pierre Plantard tapi dans les coulisse de l’Histoire…

Mais avec quelles sources, avec quels renseignements exactement, avec quels éléments obscurs venus du fond des âges, tous ces initiés qui composent cette saga nous enseignent-ils… ? Quelle fut aussi la part authentique dévolue à ce mystérieux « docteur Hervé » dont il est question dans le dossier Lobineau déposé en toute discrétion à la Bibliothèque nationale de France, à propos de la généalogie des Rois de France… ? Le fil conducteur de ce scénario stupéfiant qu’a été la rédaction de « L’Or de Rennes » de Pierre Plantard et Gérard de Sède, en 1967, est d’ailleurs à lui tout seul une rocambolesque entreprise « lupinienne » pourrait-on écrire… Franck Daffos, dans cet ouvrage absolument remarquable par les découvertes effectuées nous convie à le suivre, une fois de plus, dans ce tome VI des « Chroniques de Rennes-le-Château », dans de nouvelles découvertes extraordinaires… Du bien curieux fort de Fréfossé si évocateur de La Tour Magdala, d’Arsène Lupin à Maurice Leblanc et aux abbés des deux Rennes, le fil de trame se laisse découvrir peu à peu au fil des pages lues, sans oublier La Comtesse de Cagliostro, L’Aiguille creuse, Dorothée danseuse de corde, et bien sûr L’île aux trente cercueils. Sans conteste, à la lecture de tant de révélations le mystère semble se déchirer définitivement et les pièces lumineuses proposées dans ce livre magistral viennent s’imbriquer parfaitement dans l’incroyable puzzle que Franck Daffos reconstitue patiemment depuis maintenant près de vingt années de publication.

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Entretien avec Franck DAFFOS // Arsène LUPIN à Rennes-le-Château #1

Entretien avec Franck DAFFOS // Arsène LUPIN à Rennes-le-Château #2

Franck DAFFOS // L’incroyable secret de l’Abbaye de Saint-Wandrille

Franck DAFFOS // Le mystérieux « Docteur Hervé »

Franck DAFFOS // De l’aiguille creuse et le donjon d’Arques

Thierry E. GARNIER // De Jules Verne à Maurice Leblanc – aux sources du mystère

Thierry E. GARNIER // « L’Île aux 30 cercueils » – L’énigme des 3 CARTES – Boudet – Verne – Leblanc

Thierry E. GARNIER // Braquage à Rennes-le-Château

Franck DAFFOS // La véritable utilité du jumelage des deux tableaux de Rennes-les-Bains


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