Quand s’embrase le cœur mystique de la Chrétienté
« Pourquoi le développement cyclique doit-il s’accomplir dans un sens descendant, en allant du supérieur à l’inférieur, ce qui est la négation même de l’idée du « progrès » telle que les modernes l’entendent ? C’est que le développement de toute manifestation implique nécessairement un éloignement de plus en plus grand du principe dont elle procède. »
René Guénon
Érigée à partir de l’année 1163 sur l’île de la Cité, la cathédrale de Notre-Dame de Paris – celle-là même que des moines-soldats avaient contribué à financer et qui vit le martyr des Templiers brûlés vifs et Jacques de Molay, Grand Maître de l’Ordre du Temple, maudire, dit la légende, le 18 mars 1314, devant ladite cathédrale, la royauté à venir et toute sa descendance – accueille en charité depuis neuf siècles l’imploration des déshérités tout comme l’invocation des anges. Pour tout dire, les cathédrales gothiques habitent l’imaginaire collectif depuis le XIIe siècle. Elles forment, réunies entre elles, un égrégore radieux, un mythe hautement célébré au Moyen-Âge par les calligraphes et les enlumineurs sur des parchemins en peau de bêtes. Décrites, à Paris ou à Chartres, par des écrivains romantiques et visionnaires comme Hugo, Nerval, Gautier, ou Huysmans ; peintes en couleurs à Rouen par Monet ; exaltées en mots, à Notre-Dame, par le pieux Paul Claudel, elles construisent toutes, chacune à leur manière, en prières secrètes, une « église intérieure » qui édifie en conscience – universellement– et pour chaque fidèle, le Cercle béni des Saints et des Élus projeté en littérature avec force par Dante dans sa Divine comédie et ce, dans un ultime but – la célébration immortelle de la Jérusalem céleste.
De Clovis à Jeanne d’Arc, les racines chrétiennes de la France sourdent à fleur de Terre et concernent avant tout l’essence de l’être et la mission des peuples. L’héritage spirituel de notre nation appartient au Monde et à tous – pas seulement aux « croyants ». La divine Simone Weil considérait « que hors d’Europe, il est des traditions millénaires qui nous offrent des richesses spirituelles inépuisables. Mais le contact avec ces richesses doit moins nous engager à essayer de les assimiler telles quelles, sinon pour ceux qui en ont particulièrement la vocation, que nous éveiller à la recherche de la source de spiritualité qui nous est propre ».
Si l’incendie de Notre-Dame a un but occulté c’est bien celui-là, mettre en évidence la capacité que nous aurons, ou pas, par le biais d’une spiritualité retrouvée, à nous reconnecter très prochainement – en urgence – à la Nature dévastée, au féminin sacré et à la Terre de nos ancêtres. Il existe désormais un pari de Malraux comme il existe un pari de Pascal. Pour Malraux le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas, mais avions-nous compris tous les enjeux planétaires de ce pari-là ?
Et aussi.
L’art peut-il vaincre la mort ou la tentation du vide ?
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Il est peu de dire que l’émotion suscitée le 15 avril 2019 par le gigantesque incendie qui a vu s’envoler en de larges fumées noires une très grande partie de Notre-Dame de Paris, de son cœur, de son âme, et pour tout dire possiblement d’une partie de nos espérances roulées aux quatre coins des cieux « dans un linceul de pourpre où dorment les dieux morts », comme dit si poétiquement Renan, a réalisé au sein de la nation une prise de conscience majeure qui concerne non seulement le patrimoine endommagé mais aussi la nature symbolique et profonde de cette catastrophe.
Le pari de Malraux – que nous voulons croire vivant – saura-t-il nous transcender pour nous amener à nouveau à l’engagement suprême et ce, pour l’heure, dans l’action immense d’une reconstruction souveraine qui ne demande qu’à s’opérer à la lueur des signes présentés sous nos yeux. Signalons à quel point, ici, nous désirons maintenant une reconstruction tout aussi physique que métaphysique car si l’enjeu spirituel proposé par cet incendie concerne le savoir-faire technologique des hommes du Moyen-Âge, il nous met aussi en présence d’un message d’une puissance indescriptible que nous nous devons de discerner d’entre les flammes.
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Ce joyau architectural de l’Art des bâtisseurs médiévaux pose aujourd’hui de très nombreuses questions sur la manière la plus pertinente de reconstruire l’édifice. – Comment le rebâtir ? – Pour quoi faire ? – Avec quels moyens et quel argent ? Dans quelle temporalité ? Cinq ans – comme le disent les politiciens pressés ou cinquante ans – comme le disent les architectes spécialisés ? De façon transversale, ce « signe des temps », pour reprendre une terminologie guénonienne, parti en fumées, correspond-il symboliquement à une dérive mortifère du nouvel ordre mondial qui se prépare à l’horizon de notre descendance ou plus encore ? On s’aperçoit aussi aisément que la destruction funeste de la sublime cathédrale gothique d’Île de France ne touche pas seulement le domaine du religieux et de la Foi – vaste étendue sacrée qui devrait rester en réalité vierge de toute agression – ou encore celui de l’art divin et de l’architecture consacrée, mais entraîne dans la controverse, et ce de façon exacerbée, l’antique débat entre « les anciens et les modernes » avec le « comment rebâtir l’édifice » – à l’identique ou de façon re-créative. Les enjeux sont là, posés en évidence sur l’établi de nos pères, prêts à être sublimés ou pervertis selon les commandements des ministères.
Cette destruction maudite, vue du ciel une croix de feu dans la nuit, à la veille des fêtes de Pâques, met en réalité en perspective, sur le plan sociologique, tous les domaines du politique ainsi que la sacro-sainte « laïcité républicaine », sans oublier pour faire bonne mesure une pincée de milliardaires faussement généreux et même l’Infrahistoire initiatique à travers la symbolique alchimique des cathédrales gothiques. Cette catastrophe remet aussi en cause la thèse officielle – le timing parfait de cet embrasement pyrotechnique apparaissant à certains comme bien peu fortuit. Certaines zones d’ombre, éclairées entre autres par Benjamin Mouton, ancien architecte en chef de Notre-Dame de Paris, restent encore à ce jour bien peu explorées dans les coulisses des ténèbres médiatiques. « Le feu a démarré à un endroit où aucune rénovation n’était en charge », nous dit le spécialiste et, prudemment, l’architecte s’étonne à demi-mot d’apprendre que la charpente en chêne, vieille de huit siècles, a pu s’embraser aussi vite sans combustible ajouté – l’installation électrique ayant été rénovée et toutes les installations modernes de détection de feu installées.
Bien sûr, nous n’ignorons pas que l’édifice gothique était en piteux état et que les nombreuses restaurations à effectuer constituaient une liste presque sans fin, pourtant selon l’entreprise choisie pour la réfection de Notre-Dame en 2019, celle-ci exclut toute responsabilité dans le sinistre constaté, assurant, nous citons, qu’il « n’y avait pas de point chaud sur l’échafaudage », que les ouvriers n’avaient effectué « aucun travail de soudure » et que l’électricité avait été coupée au départ du dernier travailleur, conformément à la procédure. Alors que penser et que dire de la thèse d’un court-circuit ou d’un mégot de cigarette non éteint… ? Accessoirement, sans y voir malice, Rémi Brague, médiéviste, philosophe catholique et historien des religions, dira à propos de l’incendie de Notre-Dame : « C’est un peu notre 11 septembre à nous ». Nous laisserons en la matière le soin à notre lecteur d’en extraire ici tout le suc nécessaire – et les conclusions qu’il désire.
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Considérant l’héritage manifeste légué par Viollet-le-Duc il faut bien admettre que Notre-Dame de Paris, telle que nous la connaissions en ce début de millénaire, est tout autant une cathédrale du XIIe siècle que du XIXe siècle ! Son passé nous est bien connu mais son… (extrait du livre > acheter le livre…)
Thierry E. Garnier // « Chroniques de Mars » – Solstice d’Hiver, décembre 2019.
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