LE NOUVEAU LIVRE de THIERRY E. GARNIER

Il est peu de dire qu’en ce jour sombre d’avril 2019 s’envola sur le parvis de Notre-Dame, en de larges fumées noires teintées d’un jaune fluorescent, une part flamboyante de la mémoire de l’Occident chrétien. Il est peu de dire qu’au sens où l’entendait René Guénon cet événement majeur est à considérer au plan initiatique comme un « signe des Temps ». La seule manière, donc, d’appréhender cet événement, ce « dies nefastus » ô combien emblématique, est de bien comprendre que si les faits qui conditionnent l’Histoire sont à discerner sur la ligne du Temps comme une série d’événements puissants qui s’enchaînent les uns aux autres de façon logique – tout au moins en apparence – il n’en demeure pas moins que selon la grille de lecture voulue par Guénon, l’Histoire des Hommes s’analyse véritablement, au plan ontologique, par une compréhension hypersensible que la Tradition vogue en lumière, (ou se charge de ténèbres), grâce à une force émotionnelle dont la prise temporelle s’effectue avant tout sur la Loi des cycles en action. C’est cette vibration-là qui prévaut fatalement sur toute logique positiviste – telle que l’enseignait au XIXe siècle Auguste Comte dans sa théorie de la « Loi des Trois Etats ». Dans le droit fil de ce que nous évoquons ici et que René Guénon met si habilement en lumière, il nous faut citer aussi Grillot de Givry sur l’infrangibilité du Divin. Pour cet auteur occultiste du XIXe siècle : « Le Divin est impérissable. Le Divin n’évolue pas comme les hommes vers un but hypothétique et vague, à travers un progrès contestable ; il plane, il est stable, et les négations ne l’empêchent pas d’être et de s’imposer aux générations qui le repoussent comme un anachronisme. Parmi les sociétés les plus matérialistes, au sein des villes les plus modernes, il se révèle tout à coup et attire irrésistiblement les âmes altérées de Mystère ».

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« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. »

Victor Hugo

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Notre-Dame – Paris, 15 avril 2019. Il est peu de dire que la lourde nef de pierre était inscrite dans la mémoire collective au patrimoine mondial de nos vies. La sidération fut totale, hypnotique et sincère, le chagrin fut immense lorsque la longue flèche ouvragée de la cathédrale sombra, en un instant, du toit du Monde pour se retrouver fichée en terre au milieu d’un squelette de pierres noircies par un incendie gigantesque et alors que Dieu lui-même semblait vouloir se retirer des hommes. Convoquant les mânes célestes, Victor Hugo, Viollet-le-Duc, Fulcanelli, René Guénon et les bâtisseurs de cathédrales du Moyen-Âge à s’exprimer devant un tel désastre, l’auteur, dans cet essai aux multiples volets retrace savamment depuis l’antiquité romaine jusqu’à nos jours la légende du Feu qui embrase et qui purifie. Pour qui sonne le glas ? Entre Métaphysique et Histoire, entre Alchimie et Symbolique, ce livre aux couleurs de cendres évoque en détails l’édification, la destruction et la reconstruction de Notre-Dame et exprime, avec une clarté qui happe le lecteur, en quoi ce « signe des temps » incarne à lui seul le retour en gloire de l’homme déchu en quête de rachat et l’avènement d’une certaine chrétienté, en ce XXIe siècle définitivement décadent.


> LIRE un extrait du LIVRE

> Érigée à partir de l’année 1163 sur l’île de la Cité, la cathédrale de Notre-Dame de Paris – celle-là même que des moines-soldats avaient contribué à financer et qui vit le martyr des Templiers brûlés vifs et Jacques de Molay, Grand Maître de l’Ordre du Temple, maudire, dit la légende, le 18 mars 1314, devant ladite cathédrale, la royauté à venir et toute sa descendance – accueille en charité depuis neuf siècles l’imploration des déshérités tout comme…


CRITIQUE du LIVRE

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Présentation du livre par Rémi Boyer sur le site de « La Lettre du Crocodile »

 

Suite à l’incendie de Notre-Dame de Paris, les réactions se sont multipliées, souvent dictées par l’opportunité ou des prétentions personnelles. Le beau livre de Thierry E. Garnier est l’un des rares textes écrits à cette « occasion » qui méritent notre intérêt.

Il nous rappelle d’abord le caractère éphémère de toute manifestation destinée à disparaître, les êtres humains comme les civilisations et leurs productions qu’elles soient artistiques ou monstrueuses. Nous sommes, pense-t-il, à un « point de basculement » qui implique l’émergence, probablement douloureuse, d’un nouveau paradigme. Il en appelle à Victor Hugo, et surtout à Quasimodo, véritable gardien du seuil, pour nous aider à franchir ce saut au-dessus de l’abîme.

Thierry E. Garnier interroge sur la nature et l’essence de Notre-Dame, sa ou ses fonctions :

« Mais qui est vraiment « Notre-Dame » ? La Grande Dame énigmatique dont se parent les cathédrales. La Vierge éternelle sans limites et sans apparence. La matrice des mondes, toile de fond virginale suprasensible prête à engendrer en chaleur le Big Bang de la Création des astrophysiciens. Silence du souffle créateur, elle est à la fois pour les métaphysiciens l’Inspir et l’Expir pleinement réalisé dans l’Absolu des formes non encore advenues, seulement précédant le Tsimtsoum. Elle est le Miroir du Monde manifesté et de l’Âme originelle. Vierge en majesté elle a un pied posé sur un croissant lunaire, l’autre pied sur la tête du serpent de la Genèse – tenant dans ses bras le « fils de l’Homme »… »

A travers ses multiples expressions, elle est ce qui demeure, toujours disponible pour celui qui « voit ».

Thierry E. Garnier évoque le symbolisme des cathédrales, en premier lieu Notre-Dame de Paris, l’art des bâtisseurs, les révolutions architecturales, notamment celle voulue par Viollet-le-Duc, pour resituer le dialogue entre tradition et modernité qui a resurgi dans les polémiques sur la reconstruction.

Il convoque ceux qui ont compris Notre-Dame comme Victor Hugo, redécouvert par les français grâce à l’incendie, et Gérard de Nerval. Il invite Fulcanelli mais laisse à Quasimodo la première place, la seule place :

« « Quasimodo », son nom fait sans doute référence chez Hugo à la première épître de saint Pierre, il correspond au quasi-humain, il est le reclus – le sonneur tourmenté des cloches de Notre-Dame – il est le gardien du seuil, factotum détenant grâce à Pierre les clefs d’or et d’argent qui ouvrent les portes des derniers secrets de la révélation. Il est le seul habilité avec les anges de lumière à sonner avec force et vigueur le Requiem des trépassés. »

Ce très beau texte bénéficie d’un cahier iconographique très riche qui illustre la place immense que tient Notre-Dame de Paris depuis sa fondation dans l’art et la littérature.

 

 


 

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