La yourte

 

Dans le monde d’après des ombres assagies croisaient en silence, à la volée, de drôles de personnages mutiques aux regards luisants et pénétrants – pour quelles raisons ces lumières sombres à l’horizon déclinaient-elles maintenant avec tant d’incidence ? Selon toute vraisemblance, l’UAT devait avoir changé d’attitude de vol, et entamé une oblique vis-à-vis du plan révéré de la galaxie, la voie nommée lactée, ou le lait primordial nommé voie, dans lequel je me baignais à vitesse nominale.

La céleste route grise dérive et quitte la vue floue qui m’est donnée à travers le petit dôme translucide, translucide seulement, la vitre au sommet de mon UAT, le hublot unique de ce genre d’astronef circulaire, situé au plafond, au centre, en haut, même si ni le plafond ni le centre ni le haut n’ont plus de sens en apesanteur. La poussée initiale donnée depuis Mars à mon Unité Autonome de Transfert suffit à perpétuer mon élan infernal. Les moteurs sont coupés, seule l’inertie se conserve et m’emporte et je flotte. La destination m’a à peine été communiquée. C’est ainsi qu’on traite les explorateurs volontaires de dernière minute, on nous surnomme les Petites Graines. Mais peu importe, j’assume ce statut.

Comme dans un ascenseur lâché en chute libre, je connais l’apesanteur sereine. Je suis certain de toucher une terre tôt ou tard. Confiant, tous les jours je fais ma gym. J’ai le visage et le cou gonflés qu’on a découverts aux conquérants primitifs il y a si longtemps, sur les télés noir et blanc. Je me déplace en pivotant sur l’un des deux poteaux qui joignent le sol et le plafond, comme un enfant dans les transports en commun. Je les agrippe avec ce qui se présente, cou-de-pied, creux poplité, creux du coude, la main même pourquoi pas. Et je tourne avant de m’élancer vers la paroi. Les décorations qui ornent ces poteaux rappellent des motifs floraux, peints à la main en Mongolie. Du vert un peu passé, du bleu un peu passé, du jaune feu orangé. Le haut de chaque poteau s’ouvre comme un trident, avec un axe central, et deux extensions sculptées sur les côtés. Le bois peint cercle le hublot du plafond, avec des motifs similaires. Huit rayons du même genre mais plus fins traversent la petite coupole de plastique translucide. Au centre, un croisillon parfait figure une mire de visée, porteuse elle aussi de petites volutes colorées.

Je pirouette à loisir autour des deux poteaux afin d’accéder aux recoins de mon UAT, en un petit bond. Ces recoins n’existent guère car l’UAT a une forme circulaire. Le sol est un disque de sept mètres de diamètre, les murs sont un cylindre d’une hauteur d’un mètre cinquante, et le toit forme un cône doux, qui culmine à la coupole de vision. Parfaite soucoupe volante mais pourquoi n’ont-ils pas doté les parois de hublots latéraux ? Un problème de design. Les ingénieurs du monde d’après, ce n’est plus ça. Ou alors c’est à dessein. J’ai cru d’abord que la perception extérieure de l’espace, rêve et récompense de nous toutes Petites Graines, serait dispensée en me tenant juste sous la coupole, tendu, le nez en l’air. En réalité, rester planté là entre les deux poteaux est fastidieux et difficile. La meilleure vue est sans conteste celle qu’on a depuis le lit, lui-même proche du mur. Allongé là, la vue oblique qui traverse la coupole est la plus remarquable. Peut-être qu’on y sent mieux l’angle de pénétration et la vitesse. Peut-être qu’on est simplement plus enclin à voir. Le ciel n’est pas une masse noire percée d’étoiles. À cette allure, c’est une marée d’ombres et de lueurs coulantes comme constamment photographiées en pose longue, ce sont des flaques sanguinolentes à peine perçues, à peine disparues, ce sont des membres qui se tendent hors de la gangue grise, ce sont des trous qui exigent de crier mais n’y parviennent pas. Tout l’habitacle semble voué à nous faire choisir le lit, comme pour mieux accepter le temps, accepter l’inconnu, accepter le passé, accepter la nuit de verre, un lit volant de capitaine solitaire qui je l’espère, ne m’éloignant de nulle Célimène, ne m’emmène vers nul désert. Je sais que je toucherai terre. Et je recommencerai tout.

À chaque alerte biologique c’est pareil. Sur une planète aménagée comme Mars l’Ocre, c’est fulgurant. Le moindre germe importé déclenche une panique enthousiaste et sans cesse renouvelée. On annonce la fin définitive de l’Humanité. On demande à chacun de ne pas sortir de ses quartiers. On attend que ceux qui sont touchés meurent de leur côté, le plus tôt étant souhaité. On décrasse de fond en comble la colonie pressurisée, et on relance l’activité. Et heureusement pour ceux qui comme moi aspirent à un autre absolu, on recrute en toute hâte des Petites Graines. Tant notre espèce souffreteuse possède la rage de ne pas être rayée du cosmos. Cette passion de la perpétuation est la seule qui nous reste, elle est la source même de la Technologie. Les petites masses sont faciles à éjecter vers la galaxie, contrairement aux lourds programmes spatiaux. On demande des volontaires pour essaimer. Les probabilités et la foi font que l’on espère ainsi refonder un petit quelque chose ailleurs, en cas de destruction totale ici. Refonder – bien sûr, à vrai dire, normalement, c’est un duo à la fécondité recensée qu’on envoie. Moi j’ai pris seul une UAT et j’ai fermé la porte.

Catapulté hors de là. Hors de ma section d’habitat, ma section collée à celle du dessus, à celles d’à côté. Celle de gauche c’est le piano et parfois l’accordéon ou le chant lyrique. Celle de droite c’est la progéniture. Celle du dessous c’est aussi la progéniture, qui court sur le parquet, et les géniteurs qui gueulent. Qui gueulent joyeusement avec la petite, ou qui gueulent entre eux, pour se sentir vivants et se réconcilier ensuite. Celle du dessus c’est le pas lourd sur le parquet à toute heure. C’est le rire constant de bouches grasses, le rire des porcs à l’auge, le rire flatulent de ceux qui n’ont plus rien à faire de leurs jours confinés. Tous autant que nous sommes, enfermés pour survivre, huit jours sur huit, capturés dans la même pâte prophylactique et acoustique.

Dans l’UAT, le son est plus ouaté. Le fuselage siffle des basses fréquences qui respectent l’oreille du navigateur à l’affût des moindres signaux de défaillance technique. Ça ressemble un peu au souffle d’une route nationale au loin. Des ventres dans le son font penser à des camions. Des creux suggèrent le vide autour. De mon confortable poste de pilotage, je guette. Il est douillet car le siège est recouvert d’une couverture de tricot faite main. Je n’y pilote pas grand-chose, l’astronef étant automatique, c’est plutôt un poste de contrôle, où je ne contrôle rien, mais j’écoute les claquements dans la toile tendue qui sert de toit, doublée d’une feutrine ancienne et isolante. Je recompte les fines barres de bois qui telles des rayons partent de la coupole et rejoignent la paroi circulaire. Elles sont peintes dans le même goût exotique, avec des volutes roses, vertes, jaunes, bleues, sur un fond orange vif. Il y en a quatre-vingt-dix-sept. Les ingénieurs… Il a fallu qu’ils en installent quatre-vingt-dix-sept. La centaine leur aurait fait mal aux scapulas. Soit, je volerai avec quatre-vingt-dix-sept.

J’ai rejoint le lit, le seul vrai poste de supervision. Il fait noir. La nuit, au plafond, la coupole luit de la lueur résiduelle de l’univers. Là apparaissent des silhouettes miroitantes et fluides qui s’avancent avec des bouches démesurées, des molaires de schiste, des glottes d’orchidée, des langues de lave, de la salive épaisse et rouge qui file. Les bouches se font petites lorsqu’elles sont dévorées par des yeux liquides et crevassés. Des sons sont présents, mais comme pétrifiés dans l’image, pas comme des effluves qui touchent l’oreille. L’escalier va-t-il craquer ? Je vois les marches. Quand vais-je percevoir le premier contact de la clé dans la serrure ? Je vois le bouton de la minuterie. Ça aurait pu être un autre. Ça a été lui. Le dessus, les Vioques l’ont assez chanté, le dessus, c’est davantage, c’est par-dessus, c’est là-haut, c’est le mystère, c’est le surplomb. En haut, le Ciel. Le Voisin Du Dessus. VDD. Sa marche d’antilope à une heure, ou à six, ou à douze. Son rire qui lui tient lieu d’excrément, une chiasse qui traverse les lattes et fuit sur moi à tout moment. Le confinement, dehors, rien n’est possible, alors dedans, tout est permis. Les hurlements d’une heure au téléphone. Les jeux explosifs avec sa copine. Si j’en avais une je parlerais plus haut, je serais plus occupé. Je n’ai rien pour éponger le déversoir constant du Voisin Du Dessus.

L’esprit va vite et voit déjà ce qui pourrait être, et le voyant, l’extrait du rien et le pose sur l’étagère en agglo de la réalité sur le point d’advenir. C’est ma philosophie personnelle. J’ai vu le monde sans Lui. L’image s’est déposée, installée, elle est descendue jusqu’à mon ventre. Je n’ai plus vu que ça à l’intérieur de l’intérieur.

Je connais ses habitudes. Le footing à vingt-et-une heures. Je le sais parce que je l’ai vu descendre par le judas. Quand je perçois du mouvement, je regarde qui sort, juste comme ça. Je l’entends remonter à vingt-deux heures dix, toujours la même heure. Je connais l’heure parce qu’il est impossible de ne pas savoir qu’il est rentré.

Qu’est-ce que je peux décemment employer, parmi ce dont je dispose ? Les choses qui coupent, je n’y crois pas. Je vais me salir drôlement. Mes mains nues, je n’y crois pas non plus. Même si j’avais la compétence, il faudrait aller vite. J’ai envie que ça aille vite et qu’on n’en parle plus. Les choses qui frappent, les choses lourdes. J’ai trois marteaux. Un tout petit dont je me demande bien à quoi il peut servir. Cordonnerie peut-être. Il était à mon père. Un normal, assez maniable, mais j’ai le sentiment qu’il demandera de la besogne. J’en ai aussi un gros, une petite masse de maçonnerie, que j’avais acquise à l’occasion de travaux. Je ne suis pas très bricoleur, mais cette fois-là, j’avais pensé pouvoir casser seul le coffrage qui contenait le compteur d’eau. Un coup de celui-là me paraîtrait décisif. En revanche, il faut mobiliser pas mal de force pour le lever et l’abattre. C’est un investissement, si je peux mobiliser cette énergie, le résultat devrait être immédiat. Or la rapidité d’exécution est primordiale. Je suis un homme de compromis.

Pendant qu’il s’adonne à un jeu de société ou de sexe et exulte, brame sa joie d’un coup bien joué, ou vomit sa déception d’une action ratée, je donne forme à mon geste. J’ai l’impression de répéter une pièce de théâtre de boulevard, la scène de la gifle. Sans partenaire. Jamais. Pas facile de hisser la masse au-dessus de la tête. L’épaule est très mobilisée, et donc peu réactive en cas de problème. Le poignet est nettement sous-dimensionné. Si j’agrippe le manche plus près du poids de métal, c’est un peu plus aisé. Mais je gagne moins de vélocité en retombant. Si je prends le manche au bout, comme il doit être pris pour un maximum de puissance, l’énergie de la chute est très satisfaisante, mais la montée est ardue. Mon poignet plie un peu.

Je m’entraîne chaque jour, en recevant les poubelles sonores de VDD. Cet entraînement est censé affermir ma prise, mais je sais qu’il sert surtout à différer le moment du choix. Peut-être suis-je même en train de me faire une tendinite. Mais ce que j’ai vu sur l’étagère, je l’ai vu.

J’ai fini par comprendre que mon geste ne serait efficient que si j’acceptais la physique conjuguée de l’objet lourd et de mon bras honorable pour le pilotage, seulement passable pour l’action forte. L’énergie cinétique sera au rendez-vous si je consens à la lenteur à l’allumage. Si je cherche à aller vite tout de suite, mon poignet se disloquera, la trajectoire sera aléatoire, la transformation de l’énergie en déformation de sa tête sera compromise. Si je fais mienne la lenteur initiale, si j’accepte que l’essor contre la gravité requière une seconde supplémentaire, et si parvenu au faîte, j’engage tout le côté du corps, bras, épaule, flanc, hanche, la vitesse sera regagnée et l’impact sera satisfaisant. Je dois intégrer à mon protocole le temps de déploiement du système.

À vingt-et-une heures ce soir-là, il est sorti, vêtu d’une tenue de jogging. J’ai ressenti un grand froid ruisselant, le froid du cœur qui se ratatine en dépit de la surpression dans les vaisseaux exaltés, le froid de la peur, le froid de la certitude. J’ai mis des vêtements sombres, de vieux vêtements de sport que j’étais prêt à jeter ensuite. J’ai essayé la capuche inutile. Sauf si par hasard un voisin regardait par le judas. Capuche non inutile donc. Quand il rentrerait, la cage d’escalier serait un peu sombre. Pas extrêmement sombre. Suffisamment sombre. Pourquoi devait-elle être sombre ? Elle serait ce que j’en ferais. La capuche me donnait l’air que j’imaginais devoir avoir. La décision à propos de quel air je devais avoir prenait un temps assez long. J’étais satisfait de me trouver préoccupé de façon durable par une conjecture non essentielle. J’espérais qu’elle me téléporterait de façon indolore, comme une sieste et son rêve, à vingt-deux-heures cinq. À vingt-deux heures, pris de panique, j’ai essayé de nouveau ma gestuelle. Le marteau m’a semblé anormalement lourd, trop lourd. Je l’ai reposé sur la table, il a produit un bruit solide qui pouvait s’entendre très facilement au-dessus. J’ai fait un tour dans ma section, massé mon visage n’importe comment, respiré fort en raisonnant. À vingt-deux-heures cinq j’étais collé au judas et le marteau était scellé à moi, au bout de mon bras, dans mon gant de bricolage, sans que j’en aie véritablement conscience. Est-ce que je pouvais l’avoir raté ? Est-ce que je devrais recommencer à raisonner sous ma capuche dans quelques jours ? Impossible, je devais m’en débarrasser ce soir, me débarrasser de la latence ignoble. Je ne pouvais pas l’avoir raté, je l’aurais entendu là-haut. La lumière s’est allumée dans l’escalier. Pas de pénombre donc. Aucune importance. J’ai compté ses pas, en repérant les paliers franchis. J’ai rapproché la paire de bottes d’apparat que j’avais prévu de glisser dans l’embrasure de ma porte afin qu’elle ne se referme pas derrière moi. Il est passé dans l’aquarium outrancier, devant mon œil grand angle.

Comme dans une comptine pour enfant, poc, poc, quelque chose se met à toquer au plafond. Ces signaux considérés comme critiques dans les manuels entrent en moi sans rien susciter d’abord. Il fait noir hormis l’irradiation faible du hublot. Puis je me redresse d’un coup dans le lit, et je détecte les petits chocs sur le toit. Parfois en rythme, parfois non. Donc probablement pas en rythme. Signature caractéristique de l’approche de la bordure d’un nuage d’astéroïdes. Un autre genre de petit choc se multiplie et entame une série espacée. Elle retentit faiblement sur le sol, qui résonne comme un plancher de bois qu’on tapote. Je me dirige à tâtons vers le pied du lit et reçois un petit impact sur la tête. J’esquive par  réflexe, et le plancher retentit à nouveau. Il y a une fuite au niveau de la coupole. Des particules cosmiques en condensation s’infiltrent dans l’habitacle. Il me faut agir très vite. Je comprends qu’il est illusoire d’espérer colmater la brèche. Je peux au moins recueillir les particules afin de les empêcher d’endommager le sol de l’UAT. Je trouve une bassine et tente de déceler dans l’obscurité le point d’impact du flux élémentaire. Le son change, preuve que j’ai repéré le bon emplacement. L’arythmie s’intensifie là-haut, sur la coupole, et dans la bassine. L’univers me gratifie d’un signe, il m’oint et m’absout, il me dit, tu surfes sur les ondes de gravitation, tu es un corps qui écume les dimensions, reçois-en ici les liquides gravillons.

J’ai effectué les séquences exactes de pas que j’avais calculées, pour lui laisser quelques marches d’avance dans l’escalier, me lover dans le virage de la cage au moment où il glisserait la clé, et bondir lorsque la porte s’entrouvrirait d’un pied. Cette mesure n’avait pas une importance capitale, mais je l’avais estimée ainsi dans mes spécifications. La trajectoire s’est réalisée d’elle-même, et quand il s’est affalé sur la porte, l’ouvrant complètement, je n’ai rien senti corporellement. Comme le premier baiser qui dit-on n’a aucun goût en raison du surcroît de cortisol et d’adrénaline. Je sais que ma mâchoire était grande ouverte et qu’aucun son n’est sorti.La masse s’est tellement enfoncée dans son crâne, comme lorsque deux pièces de meuble finalement s’assemblent, que j’ai cru un instant qu’elle y resterait coincée. Parfaite synchronicité, sa copine a surgi dans le couloir de leur section au moment précis où je rabattais la porte derrière moi, enjambant le corps inerte de VDD qui ne saignait pas encore. Ou alors n’ai-je pas pris le temps de constater, étant certain de la validité du premier choc. D’ailleurs le temps n’était pas à l’observation, la copine était là devant moi, quelque peu stupéfaite. J’ai perçu une fatigue immense dans mon bras, ma main. J’ai eu le temps de douter de ma capacité à élever à nouveau le marteau. Ce temps correspond à celui où la copine a vaguement reculé et fait onduler ses bras, et m’a montré au fond de sa gorge béante une orchidée vibrante et silencieuse. J’ai visé l’orchidée et annihilé la possibilité d’un cri. Elle est tombée sans bruit, la masse aussi. Elle a dû faire un trou dans le parquet. J’ai regardé derrière moi, VDD à la tête creuse inondait le couloir rouge de son fluide. La copine, davantage exposée à la lumière de l’intérieur, luisait d’un émail dense. J’ai accueilli la profondeur analogique du silence. Elle était blonde, les cheveux collés. La déco chez eux n’était pas terrible.

J’ai bien refermé derrière moi. J’ai jeté ce qui devait être jeté, dans des poubelles distantes. J’ai su néanmoins que je ne devais pas rester là. Lorsque, devant l’ampleur de l’épidémie, l’appel à Petites Graines a été lancé, j’ai compris ce que je devais faire. J’ai embarqué à bord de l’UAT enregistrée sur la base Erb.nb au sein du programme « Vosges profondes ». J’ai pris pour la seconde fois un élan irrévocable.

*

Le regard rivé sur la croix de visée au centre de la coupole, je m’enfonce hardi dans le cosmos à la recherche d’un monde après le monde.

Du fond du lit, un heurt nouveau me réveille. Tout est calme. La coupole répand une lumière douce et pâle comme une aube étrangère. L’UAT ne vibre pas. Aurais-je touché terre ? Des bruissements me parviennent de l’extérieur. Je m’assois sur le bord du lit. Une voix parle dehors, m’invite à sortir promptement dans le calme. J’ai accosté, c’est certain. Les mouvements sont proches. Je me dirige à quatre pattes vers l’entrée, la posture étant sans doute d’abord une manifestation d’incrédulité. Je n’ose pas me lever et imposer d’emblée mon humanité à ceux qui m’accueillent. Il convient de se courber de toute manière pour franchir la porte basse. J’écoute un temps le dehors, qui bouge et parle toujours d’une façon engageante, sans ambages. Je tends la main vers la porte au toucher bois. Je ne l’ouvre pas, j’attends encore, les doigts posés sur la petite poignée. Je sens une chatouille sur ma main. Je l’approche de mes yeux et y découvre une jolie fourmi. Enfin jolie. Une fourmi à n’en pas douter. Elle se promène là, insouciante. Sait-elle seulement le périple qu’elle a réalisé ? Peut-elle connaître la fierté ?

J’y pense à présent, s’ils découvrent que j’ai malgré moi embarqué une cargaison organique animée, ils sont bien capables de me reconfiner.

 

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