Ailleurs et avant

 

 

Dans le monde d’après des ombres assagies croisaient en silence, à la volée, de drôles de personnages mutiques aux regards luisants et pénétrants – pour quelles raisons ces lumières sombres à l’horizon déclinaient-elles maintenant avec tant d’incidence ?

Pourquoi voir au travers ce prisme de réalité ?

Et si cet après, ce futur entrevu n’était qu’un avant ?

Un avant tout ce qui précédait. Avant même ma venue. Que je me replonge toute entière dans mes souvenirs.Ceux qui affluent lorsque je respire. Ceux qui ne cessent de me tourmenter en noirs dessins lorsque mes paupières closes se surprennent à vibrer. Voyons. Ce qui était. Là, juste avant…

Le courant d’air glacial m’emporte dans un tourbillon étourdissant. Un goût froid et métallique envahit soudainement ma gorge.

Je me sens ballottée, secouée comme dans une immense machine à essorage maximum. Je ne sais combien de temps dure cette sensation si désagréable. Des percussions électriques viennent frapper ma combinaison. Je me sens percutée de particules, de photons. Particule moi-même dans un voyage que je ne maîtrise pas. Véritable cobaye dans les mains d’apprentis sorciers. J’ai fait confiance pourtant. Ou plutôt, on m’a obligée à faire confiance…

C’était il y a longtemps. Peut-être. Enfin, je ne sais plus. J’ai été engagée sur mes qualités et résistances physiques… Du flan tout ça et je suis la première à le savoir. Mais du flan qui me vaut aujourd’hui de passer une épreuve qui me permettra si j’en réchappe d’explorer l’espace-temps et ses distorsions si étranges… Le risque est majeur. Soit j’en réchappe, soit je meurs. De toute façon, j’étais fichue. Peu de gens résistent à cette invasion permanente des rayons gamma. Alors, autant tout tenter. Autant me jeter dans cet inconnu qui me fascine et me terrorise à la fois. Mon corps n’est plus. Mon corps est constitué des milliers de particules qui me définissent. C’est à la fois merveilleux et terrible. Je sombre dans une léthargie proche du coma.

Je sombre…Le tunnel de lumière que j’aperçois m’illumine et m’envahit.

Je… Je ne me rappelle plus. Ma combinaison est fragmentée de toutes parts.

Alors que j’essaie de m’extraire de la capsule qui m’a permise d’être télétransportée, elle finit de se déchirer intégralement. Je frisonne. Je regarde alentour.Happée par la beauté du lieu.Tout est si étrange.Étrange et familier à la fois. Des arbres luxuriants. Des fruits à portée de regards. Les couleurs chatoyantes me ravissent. Des branches couvertes de fruits et des lianes de couvertes de délicates gousses s’entremêlent où porte mon regard. Les senteurs me saisissent. J’entends roucouler les oiseaux, s’écouler une rivière en cascade douce… Tout est ravissement des sens. Je n’ai aucune idée de l’endroit où je suis. La douce température du soleil qui m’éblouit réchauffe chaque parcelle de mon corps. J’entends un bruissement. Non loin de moi. Je me blottis au pied d’un tronc immense.

Un… Oui… Une silhouette se détache de la luxuriance de verts magnifiques du lieu. J’ai peur qu’il ne me voie. Et baissant les yeux soudain, je m’aperçois de mon entière nudité. Je me saisis d’une feuille à la taille démesurée et me couvre du mieux que je peux.

Je m’enhardis à m’avancer vers cette silhouette floutée.

Elle se retourne.

De grands yeux étonnés me fixent.

C’est un homme.

Le précurseur de l’humanité. Une pomme roule à mes pieds. Homo Sapiens est né. Le monde d’après était crée. Avec ses fantômes et ses fantasmagories. Ses légendes qui bientôt ne seraient plus qu’un nouveau regard sur une réalité imaginaire…

Des ombres qui dansent entre les fils ténus d’un parcours de vie. Homo Sapiens était né. Ombre brûlante de vérité. Faisant luire à l’horizon une nouvelle lumière vacillante.Celle d’une civilisation à inventer. Préserver et créer. Homo Sapiens est. Ou était.

Tout est question de curseur dans ce monde d’après.

 

TWITTER > Partagez et Tweetez cet article > (voir plus bas)


999_bandeau.jpg


bandeau_pb.jpg