MICHEL MOUTET (1949-2020)

 

« Y aurait-il un rapport entre le monde extérieur et le monde intérieur ? La qualité de notre environnement terrestre extérieur serait-elle en relation avec la qualité de notre vie intérieure, instinctive, que les alchimistes appelaient «notre terre intérieure», dont l’autre nom encore est l’inconscient ? – Notre terre extérieure serait-elle malade parce que notre terre intérieure serait maltraitée ? » Michel Moutet

 

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C’est le 27 mai 1976 que Michel Moutet m’écrivit pour la première fois. Dans cette lettre, tracée de cette belle écriture qui distinguait déjà l’homme sensible et nuancé qu’il était, il m’expliqua son projet d’éditer une revue ufologique et me proposa de participer à l’aventure. Ce fut le départ de notre très longue et fidèle amitié.

Michel avait découvert mon existence grâce à un numéro hors série du bulletin diffusé par le groupe ufologique belge BUFOI et, quand il apprit mon intention de rompre définitivement avec ce groupe (ce qui fut fait en décembre 1976), il me proposa aussitôt d’éditer un manuscrit sur lequel je travaillais et dans lequel j’avais amorcé une sévère critique du contacté George Adamski. Pour mieux charpenter cet ouvrage, il estima cependant nécessaire de publier au préalable deux ouvrages de ce contacté, inédits jusque-là en langue française, et me demanda de les traduire. Vaste projet en forme de triptyque pour lequel je me mis aussitôt au travail… La Revue des Soucoupes Volantes parut pour la première fois au beau milieu de l’été 1977. Ce n’est pas une exagération de dire qu’elle fit grand bruit dans la sphère ufologique. Son existence, bien qu’éphémère, marqua sans aucun doute l’ufologie en France et au-delà. En effet, Michel lança ainsi des pistes nouvelles d’investigation et imposa une méthodologie plus rigoureuse et plus critique. Grâce à lui, l’ufologie s’inséra davantage dans une perspective globale touchant toutes sortes de prétendus mystères. Malheureusement, Michel dut bientôt faire face à de très gros ennuis financiers et autres au point que nos contacts, si réguliers jusque-là, en furent même interrompus pendant de nombreux mois. Quand ils reprirent, aussi chaleureux et constructifs qu’auparavant, ce fut pour mener à terme, aussi rapidement que possible, le projets des trois ouvrages dont question ci-dessus. Il ne se réalisa pas exactement comme je l’aurais souhaité à l’époque ; mais en fonction de certaines contraintes auxquelles il fallut se plier.

De nombreuses années passèrent ensuite. Nos vies, y compris sentimentales, évoluèrent… Je me souviens encore de ce jour extraordinairement venteux du mois de juin où ma seconde épouse et moi nous le rencontrâmes pour la première fois devant la gare de Cannes. En me serrant la main, il me dit d’un ton malicieux qu’il y avait exactement trente ans alors que nous correspondions ensemble ! Nous le rencontrâmes ensuite annuellement, à Cannes, sur la vaste terrasse d’un appartement que nous louions là-bas durant nos vacances et d’où nous embrassions du regard toute la baie. Nous passions là avec lui une journée agréable, dont une partie autour d’un bon repas préparé par mon épouse. Nous le rencontrâmes ensuite encore une fois à Cassis où nous passions cette année-là nos vacances. Cette fois-là il séjourna avec nous pendant près de 48 heures. Je me souviens avec émotion de notre longue discussion, une bonne partie de la nuit, dans le jardin, sous un ciel magnifiquement étoilé. Michel était un excellent conteur. Il avait toujours une anecdote intéressante ou amusante à proposer pour illustrer ses propos sur de très nombreux sujets. Il était d’une gentillesse exquise, ne tenant que très rarement des propos méchants à l’encontre de quelques individus qui le méritaient vraiment. Je songe par exemple à ceux qui le pillaient ouvertement, sans tenir compte de ses droits d’éditeur et de ceux de ses auteurs. La justice étant organisée comme elle l’est, Michel n’eut même jamais les moyens financiers pour se défendre contre ces vautours !

Son intelligence et sa vaste érudition faisaient de lui un guide sûr en de nombreux domaines. Son dévouement et sa disponibilité étaient extraordinaires. Je me souviens lui avoir demandé un jour quelques avis sur un manuscrit que je me proposais de diffuser au sujet des origines complexes du christianisme. C’est un ouvrage entièrement revu, corrigé, annoté de nombreux commentaires et suggestions utiles qu’il me rendit !

Trop bon, au point peut-être d’en être naïfs dans ses rapports avec certains aigrefins ou malhonnêtes, Michel qui supposait sans doute à tort chez certains la même rigueur et la même honnêteté intellectuelle que les siennes ne cessa jamais d’être confronté à des problèmes financiers. Et pourtant, jamais il ne baissa les bras, faisant contre mauvaise fortune bon cœur. C’était en effet un travailleur acharné qui agissait dans l’ombre, avec beaucoup de discrétion et de modestie. Jamais sans doute, par exemple, Madame Fouéré n’aurait pu éditer l’œuvre ufologique de son défunt époux si Michel n’avait pas été là pour reprendre en main et mener à terme ce projet titanesque qui avait été abandonné plusieurs fois déjà par d’autres. Michel avait en effet accumulé de nombreuses connaissances non seulement dans le domaine de l’impression et de l’édition classiques, mais également dans celui de la mise en page et de l’édition numérique.

Il fut, je crois, un des premiers en France à donner des cours en ce domaine. Je n’ai parlé ici que de son apport à l’ufologie. Parce que je le connais bien. Mais je sais aussi que son apport à l’ésotérisme fut immense. D’autres en parleront sans doute mieux que je ne saurais le faire. Je ne dirai donc qu’un mot de ce faux document qui fut réalisé autrefois pour amuser et dont il me parla avec beaucoup d’humour, riant de ceux qui avaient bâti et bâtissaient encore sur ce texte des théories échevelées… Michel était d’une curiosité intellectuelle insatiable. Il rencontra et noua ainsi des relations avec des personnages étonnants, voire étranges à plus d’un titre. Dans les dernières années de sa vie, il écumait véritablement le web à la recherche d’informations utiles ou insolites de toutes sortes et m’en faisait souvent part, comme à d’autres. C’était sa manière de témoigner de son amitié et de son dévouement dans des circonstances où ses moyens se trouvaient très réduits. C’est en mai 2019 qu’il me conta, presque sous forme d’un récit humoristique, les graves ennuis de santé qu’il avait traversés en peu de temps. Il passa ainsi un long moment dans un centre de revalidation d’où il m’envoyait régulièrement des mails électroniques. Puis ce fut son retour chez sa fille Estelle.

Deux semaines avant sa disparition, il me disait ses difficultés de concentration et de lecture, causées par une grande fatigue. En amitié fidèle, les distances (soit quelque chose comme un millier de kilomètres entre lui et nous) ne sont d’aucune importance, pas plus que le temps qui passe. Mais la distance devient pénible quant on pressent la souffrance et quand on apprend ensuite le décès… Nous ne pourrons être là pour tes obsèques, Michel, mais tu resteras éternellement présent dans nos esprits, car ma femme et moi ne pourrons jamais oublier l’homme simple et bon, l’homme de cœur et l’érudit que tu as été, que tu resteras pour nous et sans doute pour tous ceux et celles qui t’ont bien connu.

Marc Hallet – Hommage à Michel MOUTET – janvier 2021.

 


 

MARC HALLET

 

Marc Hallet est né le 26 décembre 1952 et il a toujours vécu dans les environs de Liège, en Belgique. Dès son adolescence, il s’intéressa à divers sujets controversés ou mystérieux. A partir de ses 19 ans, il découvrit progressivement la méthodologie de la critique historique et se servit alors de cet instrument pour réévaluer une à une les connaissances qu’il avait déjà accumulées dans le domaine de l’étrange. Il commença par le cas du célèbre contacté George Adamski, lequel s’effondra alors sous ses yeux comme un château de cartes. Le même résultat fut obtenu en examinant beaucoup d’autres dossiers. En 1984, sous forme d’un roman à clef auto-édité (L’ufologie, domaine organisé de l’absurde), il fit part de certains de ses doutes dans le domaine ufologique. Puis, en 1989,dans un ouvrage également auto-édité (Critique historique et scientifique du phénomène ovni), il offrit la première critique historique jamais réalisée sur l’évolution historique de l’ufologie et ramena l’hypothèse extraterrestre au rang des mythes en montrant l’inconsistance des données en sa faveur. Par la suite, il diffusa encore un certain nombre de monographies renforçant chacune cette évidence et proposa des travaux critiques sur les apparitions mariales et les origines du christianisme. Par la suite, il lui sembla inutile d’ajouter encore des chapitres nouveaux à ces démonstrations et il diffusa plusieurs travaux traitant d’une approche pédagogique de la chimie.

Chroniques de Mars.