Les Chroniques de Mars // Ton livre permet en un clin d’œil d’embrasser le courant théosophique historique, de façon simple et très rigoureuse, à ce titre ton livre est vraiment indispensable à tout chercheur ayant le projet de connaître ou d’approfondir ce courant de pensée si éminent qu’est la Théosophie… Peux-tu nous en faire la présentation et expliciter ce qui t’a plu dans la construction littéraire de cet ouvrage si éminent ?

Jean Iozia // J’ai tenu à livrer dans cet ouvrage une histoire générale de la Société Théosophique depuis sa période de création en 1875 jusqu’à nos jours, en insistant particulièrement sur le rôle des fondateurs, des enseignements et de rituels. Une histoire qui prend naissance dans un contexte particulier, celui de de l’orientalisme, de l’occultisme et des courants ésotériques. Cet ésotérisme va prendre plusieurs formes notamment celle de l’occultisme dont Eliphas Levi (1810-1875) sera le grand théoricien. C’est l’époque de l’Angleterre victorienne, des grandes découvertes scientifiques mais aussi des grands mouvements sociaux. Ce livre relate l’histoire singulière d‘une Société qui jouera un rôle éminent par son impact dans des domaines aussi divers que la littérature, l’éducation, l’art, les sciences et la politique.

Certes cet ésotérisme du milieu du XIXe siècle hérite de tous les ésotérismes antérieurs, de l’Antiquité à la Renaissance, en passant par le XVIIIe siècle des romantiques, mais se démarque fortement de ses prédécesseurs, car il évoque l’idée de progrès et tâche de concilier dans une même approche, spiritualité et science. Il est évolutionniste. Le co-découvreur de la théorie de l’évolution des espèces, avec Charles Darwin n’est autre qu’Alfred Russell Wallace, également théosophe.

Une des expressions de cet ésotérisme « moderne » est la Société Théosophique. Le 17 novembre 1875, à New York, une femme issue de la noblesse russe Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891) fonde avec le colonel Henry Steel Olcott (1832-1907) la Société Théosophique. Le terme de Théosophie comme titre distinctif du mouvement remonterait au IIIe siècle de notre ère, époque où il aurait été mis en usage par un philosophe du nom d’Ammonius Saccas et ses disciples, Plotin et Porphyre au sein de cénacles néoplatoniciens. Mais quels sont les buts de la Société Théosophique ? L’objet premier de la société est de constituer ici un noyau de la Fraternité Universelle, d’hommes et de femmes de tolérance en quête de spiritualité, sans distinction de croyances, de races, de castes, ou de couleur. Dans La Clef de la Théosophie en 1889, Helena Blavatsky précise que la Société Théosophique : « est simplement le canal par lequel est répandu sur le monde, un fragment plus ou moins grand de la vérité qui se trouve dans la somme des enseignements des grands instructeurs de l’humanité ».

Il n’existait pas en langue française d’ouvrage sous la forme d’une véritable anthologie, utile à tout chercheur. C’est ce qui m’a particulièrement guidé dans la construction littéraire de l’ouvrage. J’ai souhaité une histoire qui parte de la fondation en 1875 et qui se déroule jusqu’à nos jours, car souvent on évoque l’histoire de la société théosophie jusqu’au décès d’Annie Besant en 1933. Or, l’histoire continue !

L’ouvrage suit un plan en sept chapitres, petit clin d’œil symbolique. Une introduction qui reprend le contexte de la fondation, puis la biographie et le caractère des premiers dirigeants que sont Helena Blavatsky, qui en posera les enseignements et du Colonel Olcottt, qui aura la charge de l’organisation. S’en suit l’arrivée d’une seconde vague de responsables avec Annie Besant, véritable leader qui vulgarisera le message par ses brillantes qualités d’écrivain, de journaliste mais aussi d’oratrice. Auprès elle, se trouve Charles Leadbeater, le fameux clairvoyant et découvreur du jeune Krishnamurti. Mais aussi tout une série de responsables connus ou moins connus jusqu’à nos jours.

J’ai tenu aussi à rendre perceptible l’enseignement théosophique dans ce qu’il a de spécifique. La Théosophie est un véritable corpus d’enseignement et il n’est pas facile de le pénétrer par un bout ou par un autre car tout se tient. Mon approche s’est voulue holistique afin que le lecteur puisse en percevoir rapidement les fondamentaux. Enfin soulever une petite partie du voile entourant les fameux maîtres de sagesse dont parle Héléna Blavatsky et la littérature Théosophique.

Une partie importante de l’ouvrage est consacré à l’impact de la société auprès de personnages éminents et dans des domaines allant de la littérature à l’art, en passant les sciences et les nouvelles pédagogies d’éducation de même qu’en politique, notamment le mouvement de libération indien ou l’action sociale. J’y tenais personnellement, car parler de l’histoire d’un mouvement sans évoquer son influence me paraissait insuffisant. Et on découvre encore aujourd’hui combien cet impact a pu être important.

Enfin le dernier chapitre dernier présente le mouvement théosophique aujourd’hui, sa présence dans une cinquantaine de pays sur l’ensemble des continents, l’évolution de la pensée actuelle à l’aune des idées que la Société Théosophique professe depuis près d’un siècle et demi et qui retrouve une certaine jeunesse : chakras, états de conscience modifiés, fraternité universelle, approche holistique, écologie spirituelle et responsabilité vis-à-vis de la nature. Des idées, qui sous une forme ou une autre, font débat au sein de notre société actuelle…

Les Chroniques de Mars // Il y a un élément de controverse qui me tient particulièrement à cœur de traiter ici à propos de la Théosophie, et que tu abordes d’ailleurs avec grand intérêt dans ton livre, c’est ce que j’appellerai avec malice « l’ensablement intellectuel » de René Guénon, dans le cadre de son incompréhension évidente quant à ce que fut le mouvement théosophique de Blavatsky, de l’importance qu’il eut à l’époque – et qu’il a toujours d’ailleurs, (avec ou sans les commentaires déviants de Guénon). Un chercheur de ta trempe remet enfin les pendules à l’heure, notamment en s’appuyant sur les travaux remarquables de l’anthropologue Evans-Wentz qui met à mal les propos de René Guénon concernant principalement le « bouddhisme ésotérique » et sa validité historique, maintenant reconnue – selon la Tradition orale notamment. Visiblement Guénon en ignorait absolument tout et ses propos inanes en la matière sont également peu qualifiables au regard de la Tradition.

D’ailleurs les sources de Guénon, sont des sources de « première main », non recoupées, dénuées de perspectives ontologiques au plan de la connaissance Théosophique, connaissance qu’il dénature avec aveuglement, mais malheureusement tout cela est passé à la postérité sans discernement. Aujourd’hui, on sait très bien que Guénon n’avait qu’une visibilité très limitée sur la Tradition Hindoue et que son ignorance dans bien des domaines de la Tradition orientale ne l’autorisait, en rien, à avoir des avis aussi tranchés, et pour tout dire totalement erronés, sur la Théosophie de Blavatsky ! Heureusement, tu fais le point ici, dans ton livre, de fort belle manière, sur les égarements coupables de Guénon – Que peux-tu dire sur le sujet, et ne peut-on pas croire que chez Guénon, il existerait une insincérité plutôt qu’à une défaillance intellectuelle ?

@ suivre…

 

Entretien avec Jean IOZIA # 1 // Les Chroniques de Mars » © – juillet 2021.


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