« Le curé reçut des sommes considérables, si bien qu’un beau jour, on vit arriver dans le village toute une équipe de maçons et d’ouvriers. Ceux-ci, au lieu de consolider la vénérable église, entamèrent la construction d’une villa en style rococo, flanquée d’un immense donjon d’où l’on peut découvrir les plus beaux paysages de la région. Et le brave curé continua à ripailler et à faire la fête dans sa nouvelle résidence. Il avait d’ailleurs eu soin de faire graver à l’entrée, cette inscription qui est tout un programme : la maison du pasteur est la maison de tous… »
Gérard de Sède
RLB – La Sanctuaire oublié – TOME 2
études et recherches François Lange
(…)
Le Sanctuaire Oublié – L’étrange secret de l’abbé Trithème
C’est par l’intermédiaire de Gérard de Sède que le mythe Arcadien fut habilement instillé dans l’affaire des Deux Rennes, vraisemblablement sous l’impulsion de Pierre Plantard de Saint-Clair, grand ordonnateur du moment et décideur de la réapparition « officielle » de cette énigme mythique dans les années 1960. Si De Sède évoque brièvement, avec tout le talent qu’on lui connait, l’Arcadie des anciens Grecs dans : L’Or de Rennes (1967), il ne fait, en revanche, jamais référence au fameux tombeau dit « des Pontils », pourtant si étrangement ressemblant à celui figurant sur la deuxième version des « Bergers d’Arcadie » peinte par Nicolas Poussin en 1640. Je pense que c’est pour combler cette lacune, et donner une assise solide à l’une des thématiques majeures entrant dans la composition de leur « forgerie », que les deux comparses décidèrent, par la suite, de publier un article, cosigné Jean Pellet et Gérard de Sède et intitulé : « Le secret de Nicolas Poussin », dans la revue Le Grand-Albert en 1972. Avec une telle opération de communication, l’Arcadie entrait de plain-pied dans l’affaire des Deux-Rennes pour ne plus jamais en ressortir.
Mais, que voulait exactement Pierre Plantard de Saint-Clair ? Que l’on prenne désormais en compte la mythologie arcadienne dans son ensemble ? Ou bien le tableau de Nicolas Poussin en particulier ? Quelles furent donc ses motivations profondes lorsqu’il décida que la phrase « Et in Arcadia ego » devait faire partie d’un environnement symbolico-littéraire, longuement élaboré et patiemment construit ? Pierre Plantard de Saint-Clair fut un homme énigmatique, mystérieux, instruit et intelligent mais il s’évertua, jusqu’au bout, à éviter de capter la lumière sur lui, préférant envoyer une cohorte d’« émissaires » afin de porter la bonne parole au travers d’écrits savamment postés, édités et déposés, en temps et heure, en des endroits stratégiques bien déterminés. Il n’en reste pas moins que, si la « geste arcadienne » lui sembla suffisamment importante pour figurer dans l’énigmatique dossier qu’il ressortait après plusieurs années de silence, c’est très certainement qu’elle constitue l’une des pièces majeures du puzzle qu’il convient d’assembler.
Si l’on se donne la peine d’examiner tous les apports de Pierre Plantard dans l’affaire, c’est-à-dire l’ensemble des « idées forces » émanant de l’équipe qu’il forma au grand jour avec Gérard de Sède et Philippe de Chérisey, nous pouvons dégager les thématiques suivantes :
– L’épitaphe de la tombe de Marie de Nègre d’Ables et le croquis de la Société d’Études Scientifiques de l’Aude en date de 1906 (car, si Robert Charroux évoque cette curieuse inscription dans son livre Trésors du monde paru en 1962, il ne donne aucune référence à son sujet).
– La dalle funéraire de cette même marquise.
– Les « parchemins codés » et la phrase « Bergère… ».
– Le cryptogramme dit du « Sot Pêcheur ».
– La ligne du 17 janvier.
– La décoration de l’église de Rennes-le-Château.
– La réapparition du livre de l’abbé Henri Boudet La Vraie Langue Celtique, et sa fameuse carte.
– Indirectement, par le biais de l’abbé Maurice Mazières qui fut l’un de ses « collaborateurs officieux », le pseudo-rapport Cros.
– Les peintres Téniers, Delacroix et Poussin… et l’Arcadie.
Pourquoi l’Arcadie ? Pourquoi le tableau de Nicolas Poussin ? Et, surtout, pourquoi ce tombeau en forme de sarcophage dont on pouvait admirer la copie en trois dimensions, jusqu’en 1988, dans un paysage perdu du département de l’Aude, au lieu dit : « Les Pontils » ?
À l’instar de tous les thèmes que Pierre Plantard de Saint-Clair a tenu à voir figurer dans la série d’ouvrages, authentiques ou apocryphes, ayant « lancé » l’affaire dès le milieu des années 1960, il m’a paru nécessaire de procéder à une analyse précise et méthodique de « l’élément Arcadien », et tenter d’évaluer ainsi l’importance de son rôle et de son apport dans (…)
@ suivre…
François LANGE – Chroniques de Mars – « Affaires Classées » – Tome 2 – (extrait du livre) – RLB – Le sanctuaire oublié – juillet 2021.