« Léda 3000 »

 

 

C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. En l’absence du Maître il avait pu poursuivre grâce à une faille dans la matrice ses recherches anthropogénétiques en continuant de mener à bien ses expérimentations sur les dioscures… Dans la chaleur de l’air, les rubans volaient lentement, attachés aux colonnes du temple. Le soleil les transperçaient comme un oeil aux cils brûlants. Suspendus sur de hauts murs d’or sculpté, les poignets encastrés dans de lourds bracelets de fer, les jumeaux semblaient dormir. Le Professeur les regardait avec ferveur, surveillant sur une clepsydre à neutrons le passage des secondes. Le Maître pouvait revenir à tout moment.

Dans le bleuté de leur peau comme une encre répandue s’ornaient des parures multiples. C’était une chose proprement extraordinaire que de contempler ces créatures et la manière dont ils étaient exposés au monde. Le vent de ces terres endormies les recouvraient et agitaient faiblement leurs chevelures immenses que les millénaires avaient prolongés jusqu’au sol. Leurs peaux étaient marquées des tatouages rituels que d’innombrables peuples avaient gravés dans l’espoir de les réveiller, de leur faire prononcer ces paroles d’ambres que les montagnes prédisent les jours d’orage et de cataclysme. Aux marques de l’encre s’étaient succédé les marques des perfusions, les pointes violentes des aiguilles avaient tracé de nouveaux motifs sur leurs chairs meurtries, vives encore de tous les sangs sucés à même leurs veines silencieuses. Comme étoilés par le soleil qui frappait pareillement les plantes et les eaux, ils rayonnaient dans les clartés liquides du couchant.

De leurs épaules descendaient en torsade les chaînes métalliques d’un large pectoral courbe au milieu duquel une pierre bleue semblait figurer la conscience attentive et menaçante d’un dieu enfermé. Autour, des reliefs spiralés formaient les lignes bosselées de serpents ligamentaires. Sur leurs épaules, les cercles des armures de bronze formaient des entrelacs complexes aux messages effacés. Des rivières fluides et transparentes tombaient depuis les creux du mur sur leurs nuques et de là sur leurs muscles en réseau de cascades continues. Des bracelets aux plaques de moires glissaient en ondes le long de leurs bras, épousaient l’arrondi de leurs épaules, glissaient dans le creux de leurs coudes. Des chaînettes d’or aux mailles douces ployaient avec lumière jusqu’au milieu de leur ventre, où fleurissaient des parures végétales aux liserés de perles. Leurs reins étaient embrassés par de lourdes ceintures de saphir, dont le poids paraissait soutenu par la courbe que leur imprimait le creux de leur taille. Sur leurs hanches fines, longues, creusées par la maigreur qui se répandait sur l’ensemble de leurs membres, un pagne tombait avec grâce, ses lignes de lin parallèles à celles de leurs bassins. Il était brodé de pierres rouges, bleues et vertes encastrées dans de mince plaques d’or fondues, polies par des mains de prêtres fébriles et adorants. Des agates et des escarboucles brillaient à leurs oreilles, à la nervure de leurs chevilles, des émeraudes en colliers rejointes par des lapis-lazuli en pétales, des cascades d’ambres en perles se répandaient sur leur cou, leur torse, leurs jambes.

Veillant sur les étalages confus de ces bijoux sacrés, triomphaient l’harmonie de leur visages longs, parfaitement symétriques, égals en tous points, avec les infimes différences et inflexions de détails que les gémellités suggèrent. Ils avaient les traits du pharaon Akhénaton, androgyne souverain adorateur d’Aton, qui dans sa volonté d’embrasser toute forme de rayonnement, s’était donné les yeux en amande, le menton fort, la poitrine plate, les lèvres souples et les hanches larges. Grâce de leurs visages inconscients sur lesquels les peuples lisaient tant de paroles et de prophéties, lors qu’on ne pouvait connaître si ces esprits éteints formulaient des méditations dans les abîmes de leur système intérieur, et s’ils le faisaient, si on avait pu seulement comprendre l’infini qu’elles renfermeraient, riches de toute une conscience explorée dans la plénitude du silence.

Le professeur s’agitait, pressant ses lunettes sur son nez avec une tension qui lui rajoutait quelques rides. Les contours de la bulle interdimensionelle frémissaient. Le Maître devait s’être aperçu de la disparition des dioscures du plan astral. Parcourant son manuscrit avec agitation il donnait de temps à autre des pichenettes agacées sur son microscope. L’electrophysiologie avait nécessité de planter des tétrodes à différents endroits de leur corps, et pour l’instant, l’oscilloscope n’émettait aucun son : les peaux et leurs cellules restaient aussi silencieuses que les protéines, dont il espérait entendre au moins les chuintements. Les électrodes placées sur leur crâne ne captaient pas d’avantage d’activité des synapses. Pourtant, leur cœur battait, et le sang passait dans toute sa densité dans les tuyaux transparents. Il soupira, quitta pour instant son étude, pour contempler le monde et ce qu’il était devenu.

Devant lui, au delà des terrasses en étage des jardins d’Hamilcar, s’étendaient les déserts toxiques qui avaient remplacé toutes les formes de faune et de flore. Les volutes dansantes de poussière révélaient la blancheur nucléaire des grains de sable s’étendant à perte de vue, sur lesquels le silence régnait avec une effroyable continuité. Les guerres incessantes, les catastrophes écologiques avaient ravagé les sols. Dans le même temps, face à l’immensité de ces horreurs, à laquelle s’étaient jointes celles des famines et des épidémies, les religions d’autrefois avaient vu leurs cultes revenir, se métisser, créer de nouvelles formes de sacré ancrées sur les restes du monothéisme et les piliers des croyances polythéistes. Étaient nés des temples aux formules contradictoires, où les visages de bêtes, de dieux et de prophètes se mêlaient sous des reliefs d’or, en rassemblant sur les murs les talismans des figures mayas, les visages de Thot, de Ptah, d’Isis, d’Hator, en célébrant les cultes à mystères des grecs et des romains dans des églises et des mosquées désertées, en hybridant harmonieusement Vishnu et Noé, Anubis et Moïse.

Ce nouveau syncrétisme s’était répandu sur toute la planète, plaisant à une humanité qui avait soif de réponses complexes, de pensées multiples. Cependant, les progrès scientifiques et technologiques avaient également évolué de manière tout aussi exponentielle: on maîtrisait la lévitation, des armes de guerre à la violence perfectionnée, on manipulait certaines dimensions de l’espace-temps, et on s’approchait de la maîtrise de la vitesse lumière. Aussi les religions et les sciences s’étaient-elles assez naturellement associées, et dans ce vaste désert brûlant, où les insularités politiques et sociales avaient été privilégiées, étaient apparus les Montemples. Ces montagnes de granit noir, pourpres, sortes de pyramides bosselées, de temples-villages dans lesquels survivaient des communautés éparses d’êtres humains, se dessinaient dans le lointain. C’est également en ces lieux que survivaient les rares descendants d’animaux et de plantes du passé, rassemblés en des jardins protégés. Plus de nations, plus de pays, plus de villes, les Montemples avaient tout remplacé. Les religions et la science n’étant plus des réalités irréconciliables mais bien les fondements jumeaux de toute forme de vérité : chaque Montemple était un laboratoire, et chaque laboratoire était un temple.

Quand les dioscures étaient apparus, il y a neuf cents ans, le monde avait donc déjà considérablement changé. Mais leur venue avait achevé d’ancrer les Sciences-Spirituelles comme la nouvelle forme de gouvernement et de recherche. Lorsque ces jumeaux mâles dépassèrent l’âge de cent ans sans jamais marquer les moindres signes de vieillissement, et que des générations durent prendre le relais d’autres générations pour les étudier, comme l’on bâtissait jadis les cathédrales avec pour seule mesure l’éternité, ils furent révélés comme les premiers immortels connus du monde humain. Aussi, accompagnèrent-ils la naissance des Montemples et furent-ils à l’origine de beaucoup d’entre eux. Quand ils atteignirent les quatre cents ans, le conseil démocratique des prêtres-chercheurs les fit entrer en cryogénisation, afin de faciliter leur étude et de comprendre les causes génétiques et divines de cette vie éternelle. Alors l’humanité obtiendrait ce qu’elle recherchait depuis sa naissance, peut-être même avant celle-ci : la vie sans fin, le bonheur de se délivrer du temps. Le professeur s’était vu assigné il y a plus de soixante ans cette lourde tâche sous la direction de l’ordre religieux de Jacob-Seth, le huitième cercle du Centre Mondial de la Recherche Spirituelle, ou CMRS. Il s’agissait ni plus ni moins de prouver le divin par les faits.

Et dans un frémissement subit du microscope, c’est ce qui sembla se produire. Le Professeur se précipita vers son bureau, colla son œil écartelé sur le verre bombé. Une des cellules avait réagi à sa solution cytoplasmique, et le code imitant sa composition ADN défilait avec ferveur sur les ordinateurs rongés de rouille. C’était la première fois. Il en fut profondément ému, tenta de se tenir dignement, agrippant les pans de sa tunique pourpre avec nervosité. Il s’exclama: « Je le savais! Les cellules ont été immortalisées par la mutation d’un unique gène, qui les empêche de se détériorer ou de proliférer en cancer. Elles se recyclent et se reproduisent à l’infini. Bon sang je suis un génie! » C’était si évident, mais aucune preuve formelle n’en avait été apportée jusqu’alors. Il semblait que les dieux avaient voulu lui signifier qu’il s’était rendu digne de leur bienveillance. Il exultait. Il songea aux fidèles qui attendaient à l’entrée du temple. Il avait enfin une réponse à leur donner. Il désactiva promptement la bulle interdimensionelle et revint dans le plan astral dans lequel était situé le temple. Il se mit à courir vers les portes immenses, dont les hauteurs se perdaient dans l’ombre du plafond orné.

Il tira malgré son âge avec beaucoup de force sur les lourds anneaux d’or, et se glissa au dehors. Devant le portail de pierres blanches les hommes s’avançaient. Assis aux marches du palais, un homme à la longue barbe avait le front retenu par une main aux articulations usées. Son regard était plein d’un froid terrifié. Au sommet de la tour du temple la lumière bleutée de la lune se répandait sur les ombres rampantes en haillons. Les gens glissaint sur les escaliers comme des fantômes obséquieux. C’étaient les restes décharnés de l’humanité, rongés par les épidémies, venant prier au pied des temples qu’ils n’avaient le plus souvent pas le droit de pénétrer. Leurs yeux torves et pâles se tournaient vers le ciel comme ceux de déments. Hommes, femmes, enfants, vieillards, tous se ressemblaient dans les désordres gonflés, déchirés de leurs peaux tuméfiées. Ils tendaient avec insistance leurs gobelets d’offrandes, dans lesquels sonnait toute leur fortune. Les recherches sur les dioscures, et de manière plus générale l’existence même des prêtres des différents ordres dépendaient entièrement des donations de fidèles. Aussi, malgré la misère extrême dans laquelle était plongée la plus grande partie d’entre eux, ceux qui parfois n’avaient pas même de quoi manger donnaient leur argent avec fébrilité, par adoration, par espoir d’être un jour eux aussi des miracles. À leurs cous des amulettes maladroites représentant les dioscures tapaient contre leur poitrines maigres.

On se pressait, se bousculait, s’avançait dans le couloir sombre creusé à même la paroi de la montagne. Regardant ces malheureux avec triomphe, il cria à la foule éparse : »Braves gens ! Vous n’avez pas attendu en vain, vos précieux dons n’ont pas été précipités dans le néant, gentes dames et gentils hommes, je suis sur le point de percer le secret des dioscures! Bientôt l’humanité sera maîtresse de son existence, bientôt, l’immortalité nous sortira de cette torture de chair et de sang! Mercure et Thot m’ont prêté assistance, leurs lumières divines, le miracle pure, et la science vont main dans la main! Suivez moi dans les jardins d’Hamilcar. » Immédiatement, la masse immense des fidèles se mit en mouvement, ceux qui étaient au devant du temple passaient le mot à ceux qui étaient au bout de la file, les chuchotements s’amplifiaient comme des vagues, des cris de joie incrédules émergeaient. Ils entrèrent comme une nuée effrayante d’espoirs jetés en bouquets, la peau de leurs pieds nus se plissant contre le marbre du temple, courant comme un peuple de révolution aux soldats innombrables.

Le Professeur les entraîna à force de gestes jusque devant les murs des dioscures. Beaucoup eurent tant d’émotion de les voir pour la première fois qu’ils s’évanouirent, ou tombèrent à genoux dans des transes extatiques. Des larmes coulaient sur les visages, on s’embrassait. C’était trop de bonheur à la fois de les voir et d’envisager qu’après tant de siècles d’errance, la plus grande des réponses allait enfin être obtenue. Le professeur rejoignit son tableau de bord, frappant avec passion les touches élastiques du clavier pour lancer les programmes qui pourraient stimuler le cerveau des créatures et les éveiller, afin de leur annoncer la fin de leur martyr. Derrière lui, comme une décharge électrique, une détonation remplit l’espace du jardin. Le Maître, son médaillon de Professeur Confirmé, son titre de détenteur de chaire du Collège de Transe gravé dans la chair descendit du portail dimensionnel et rejoignit leur plan astral. « Nefas mon frère, nefas. Vous touchez là aux vérités qui vous dépassent. » Le Professeur l’ignora et acheva son code afin d’extraire les dioscures de leur sommeil cryogénique. Dans un frémissement animal, une onde parcourue les câbles, et vint frapper les crânes relâchés des jumeaux endormis. Castor fut le premier à s’éveiller. Ses yeux étaient entièrement noirs, deux bassins de tristesse chaude sur laquelle se traçait l’amande tranchante des paupières. Il avait le regard doux d’une bête que l’on a frappée. Le visage du Professeur était déformé par un sourire éclatant, les bras en croix il s’apprêtait à crier son amour et sa félicité pour les miracles ressuscités, quand la moitié du visage de Castor se divisa en une masse de mécaniques.

Comme par une symétrie dessinée sur un plan plus haut par un architecte habile, son nez fût parfaitement coupé en deux, une partie de chair, l’autre de métal. Un de ses yeux pleurait, une partie de sa bouche était agitée de spasmes de douleur, mais l’autre moitié était une fourmilière de câbles, de rouages, de blocs de plastiques, au centre de laquelle un œil rouge cliquetait au dessus d’une mandibule de titane. Son cuir chevelu avait été relevé comme le couvercle d’un automate. Le Professeur était tétanisé d’horreur. Castor murmura, sanglotant : « Je vous en supplie, ne réveillez pas mon frère. Il ne faut pas que vous voyiez… Je vous en supplie, tuez moi, il ne faut pas que vous voyiez… » Mais le programme avait été lancé, et dans le choc profond où se trouvait le professeur et l’ensemble de l’assistance, personne ne pensa à l’arrêter. Une onde serpenta des câbles jusqu’au second dioscure, Pollux. Son corps se mit à se mouvoir lentement. Ses mains pivotèrent avec grâce sur l’axe de ses poignets, son genou se releva légèrement, faisant tinter contre le mur la chaîne retenant ses chevilles. Mais quand l’impulsion atteignit son visage, celui s’ouvrit complètement, révélant un trou noir, un épicentre de machine, où se mouvaient faiblement de pareils yeux de plastiques, et des crissements de programmes, de réseaux computationels. Le reste de son corps explosa dans une déflagration d’organes de plastiques éclatés. Son visage était ouvert en plusieurs parties, comme les branches d’une étoile, sur lesquelles des myriades de soudures et de neurones digitaux brillaient. Comme un masque de cire arraché, son visage démembré révélait deux orbites pourpres frémissants.

Le Professeur serra les poings en tremblant. Il se tourna vers le Maître et demanda : « Pourquoi ? », tandis que les fidèles hurlaient dans le temple comme des mânes brisées. Le Professeur répondit dans un soupir : « Croyez-vous qu’une société puisse fonctionner sans religion mon ami? Comment pensez-vous pouvoir manger autre chose que des fruits gorgés de moisissures et d’humidité, poussant à même les murs, comme tous ces misérables ? Sans l’argent des dons jamais nous n’aurions pu survivre, et la recherche serait morte avec nous… Par ailleurs, il restait trop peu de l’humanité pour que nous prenions le risque de la laisser sans foi ni loi. Les miracles sont fédérateurs et rentables, et le concept des êtres immortels descendus parmi les hommes nous semblaient en être un générateur idéal. » Le Maître s’approcha des dioscures avec calme, contemplant Castor pleurant et les circuits ouverts à la lumière du jour de Pollux. Flegmatique, il poursuivit : « Castor fut l’expérience témoin du laboratoire Léda3000 il y a de cela neuf cents ans… C’était un homme comme vous et moi, mais qui fut augmenté par des prothèses et des membres bioniques pour tromper la mort. Ce pauvre garçon avait été payé grassement par le cercle des prêtres-chercheurs, et regardez-le maintenant… » La partie robotique de son visage semblait être un spectre lui mangeant les chairs. Le Maître se tourna légèrement vers Pollux, et en le désignant poursuivit : « Quant à lui, c’est un androïde qui a été fait à la ressemblance de Castor afin d’en faire de véritables jumeaux. Il n’a jamais été vivant. Vous avez devant vous un pur robot anthropomorphique, fabriqué pour imiter à la perfection les cellules, fluides, muscles et peaux d’un être humain. Ce sont là de bien drôles immortels. » Le Professeur, dévasté, s’approcha de Castor après avoir entrevu une ombre sur son bras. Sous les tatouages, il n’avait jamais remarqué qu’une étiquette avait été tracée dans sa peau indiquant: « Propriété de Léda3000 corp. Toute utilisation des machines ci-devants revient aux ayants droits ». Le Professeur leva les yeux vers Castor avec une tristesse profonde. Au delà de l’indignation, il se tut et disparut lentement dans les couloirs du temple.

Quelques jours plus tard, il vint rouvrir les hautes portes, lugubre, le tafetas de sa tunique de prêtre lui semblant ridicule dans les chuintements feutrés qu’elle faisait sur le sol. Il releva les yeux, et ce qu’il vit l’horrifia profondément. Les mendiants étaient revenus, mais en lieu et place de leurs brûlures et de leurs tumeurs, se trouvaient incrustés de monstrueux morceaux de métal: certains s’étaient arraché le bras pour remplacer par un bras bionique, sur lequel le logo du montemple de Zeus-Osiris brillait légèrement. Le sang coulait encore sur les câbles roses et verts, la chair putréfiée et mal cicatrisée formait des amas rougeoyants autour des métaux. D’autres avaient le visage par moitié remplacé par une prothèse en plastique, où brillait un œil sans axe fixe, à la prunelle regardant tantôt le sol tantôt le ciel avec les convulsions d’un organe malade. D’autres n’avaient pu aller aussi loin, et avaient purement et simplement perdu une jambe, un doigt, la vue, l’ouïe, dans leurs tentative diverses de transformations mécaniques. Tous rampaient comme des larves sur les marches, suppliant une nouvelle audience auprès des dioscures. Certains scandaient « La Transformation est la révélation! Gloire à ceux qui nous ont montré le vrai chemin de la rédemption ». Certaines femmes chantaient: « Ô dieux uniques, dieux prolifiques, vos chemins de raison sont ceux qui nous délivreront ». Le Professeur avait devant lui l’immensité de l’angoisse humaine. Le mensonge, la trahison ne les avait pas touchés, ou plutôt ils prétendaient ne pas les connaître. Plutôt croire que d’admettre le vide. Plutôt mendier que de penser. Plutôt obéir que de mourir. Et c’était désormais les seuls choses humaines qu’il savait pour certaines et immortelles.

 

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