« Déshumanisation sentimentale »

 

C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. En l’absence du maître il avait pu poursuivre grâce à une faille dans la matrice ses recherches anthropogénétiques en continuant de mener à bien ses expérimentations sur les dioscures, jusqu’au jour où…

Castor, jeune homme d’une intelligence titanique, était le fruit d’un façonnage de son maître, le vénérable Hann. Il fut recueilli bambin, et servit les desseins ambitieux de son tuteur. En balade dans les jardins d’Hamilcar réputés comme les plus beaux de toute la création, Hann entendit des cris ténus derrière un bosquet. Un bébé larmoyait, seul, au sein de cette immensité florale. Hann, éminent scientifique dévoué à l’empire, l’adopta et l’éleva, non pas comme son propre enfant, mais comme l’expérience qui changera sa vie.

L’empereur du monde était démuni face aux vagues extraterrestres qui déferlaient sur la planète et anéantissaient tout sur leur passage. Des millions de morts, des villes dévastées, des féodalités disparues, un pan complet de continent enseveli sous un amas de cadavres et de détritus, ainsi était le quotidien de l’empereur Hannibal depuis la découverte de notre astre par cette infâme espèce belliqueuse venue de l’espace. Ils étaient puissants, indestructibles, effrayants. Pour lutter contre cette menace, l’empereur organisa une table ronde avec ses plus éminents savants, dont le vénérable Hann.

Hannibal, très éloigné parent du général carthaginois, reçut les privilèges de défendre sa lignée et ses ancêtres lors de la Grande Guerre Punitive qui mit fin aux nombreux pays qui peuplaient la Terre. Il honora également les merveilleux jardins du nom d’un de ses aïeux, le père même de l’auguste Hannibal de Carthage. Mais l’heure n’était pas aux souvenirs. Il convia ses scientifiques pour la sauvegarded’une planète meurtrie par ses innombrables conflits, réunie dans la douleur en un unique état souverain, dirigée par le descendant d’un des plus grands tacticiens militaires du monde d’avant. Et Hannibal fut clair dans ses propos :trouvez, chacun de votre côté, un moyen d’éradiquer ces monstres, vous avez carte blanche.

Hann obtint le budget le plus conséquent. Il vivait la ville où siégeait l’empereur,Carthage, et leur amitié datait de l’enfance. Hann, à l’adoption de Castor, savait pertinemment ou il voulait en venir. Les guerriers les plus redoutables manquaient assidûment de discernement, alors que le courage et la force faisaient défaut à de nombreux éminents cerveaux. Au lieu de créer l’homme le plus robuste et brillant jamais existé, qui exigerait des transformations génétiques à la limite du possible, pourquoi ne pas concevoir deux êtres connectés ? Le premier d’une intelligence sans précédent, et le second d’une puissance inhumaine ? Le « projet dioscures » naquit. Son projet fou se concrétisa à l’annonce de l’empereur.

Deux êtres, une même perspective. Castor montrait dès son plus jeune âge une lucidité bien supérieure à la moyenne. Mais c’était sans compter sur l’aide de son père adoptif. Il manipula son génome, multiplia artificiellement sa quantité de neurones, lui ajouta des puces amélioratrices, perfectionna sa vision. Son cerveau se métamorphosa pour devenir une arme tactique. Trois longues années de travaux, de difficultés en tout genre, à s’arracher les cheveux. Mais Castor, de son propre chef, le soutint dans ses recherches sur lui-même. Il en apprit beaucoup, bien plus que le vénérable Hann.

Un des deux jumeaux de la mort était né, mais il manquait encore le deuxième, ainsi que le connecteur. Castor grandit bien plus vite qu’un enfant de son âge, arborant la majorité avant même la puberté. Hannse souciait du connecteur entre les deux êtres, et Castor aiguisait son intellect, encore, delà de ce qu’il devrait, en secret. Son père adoptif ne se doutait de rien, grâce à un objet qu’il récupéra lors d’une fouille à Sparte, cité côtière à des lieux de Carthage. Ses yeux de lynx détectèrent comme un trouble à l’approche d’un cube minuscule d’un noir intense. Castor l’attrapa, et disparut. Une faille dans la matrice l’amena dans un univers féerique où pas âme qui vive. Il était seul, jusqu’à lâcher ce cube et revenir dans le monde réel. Il le garda, bien à l’abri des regards. Son père n’en sut rien, mais lui quémanda de trouver son alter ego.

Il arpenta le continent, traversa des villes et villages pour localiser son homologue guerrier. Il en rencontra des jeunes hommes dans la fleur de l’âge, mais aucun ne correspondait à ses attentes. Castor se savait très intelligent, et son penchant devait être à la hauteur de ses espérances. Il en parcourut des kilomètres, jusqu’au jour où, non pas un homme, mais une femme marqua ses esprits. Elle s’entraînait avec un groupe de soldats, et sa fureur, son envie d’aller plus loin, sa force même, brute, découragea les autres membres de son escouade. Le jeune homme l’approcha, usa de persuasion, et il en possédait, pour l’inviter à boire un verre.

La guerrière ne se sentit pas flattée, bien au contraire. Elle se contraignait à festoyer avec un garçon si frêle et dépourvu de tout charisme, mais un côté hypnotique transcendait de lui. Il s’y prenait à merveille, et son intelligence hors du commun dissuada la demoiselle de tourner les talents sans un au revoir. Ils pantouflèrent, mais la jeune femme bayait aux corneilles. Castor changea de tactique et entra directement dans le vif du sujet. Il était un génie, mais il en oublia les bonnes manières ; elle lui rappela qu’une femme se nommait, et que le sien était Julia. Les joues du jeune homme rougirent, puis il s’excusa de sa discourtoisie. Elle lui sourit, et ils purent discourir de la venue de Castor.

Il lui expliqua tout dans les moindres détails, en omettant ses recherches clandestines. Sa proposition était alléchante, très alléchante. Julia grandit dans un orphelinat, parents décédés lors de l’explosion d’une mine datant de la Grande Guerre Punitive, une mine encore intacte malgré les années. Jamais une famille ne l’adopta. À l’école, son côté garçon manqué découragea les filles de lui adresser la parole, et les garçons se moquèrent de son physique androgyne. Par la suite, les jeunes hommes la rejetèrent, mais ce n’était pas pour lui déplaire. Les gentes dames l’évitèrent, nonobstant la connivence qu’elle leur accordait. Sa grande timidité la dissuada de faire les premiers pas, et elle déclinait toutes avances, prétextant une couardise. Elle se sentait exclue, de son genre, de son groupe, de ses collègues. Julia était la plus puissante des guerriers de sa ville, la plus explosive aussi, et les hommes de sa caserne la jalousaient, orchestrant itérativement des assauts punitifs à son encontre. Un changement de vie était le bienvenu, et elle l’accepta avec honneur.

Castor et Julia se rapprochèrent et devinrent amis. Castor n’éprouvait aucun sentiment amoureux envers elle, et l’inverse était vrai. Il savait très bien pourquoi, même si elle lui avouera que sur le tard. Julia se demandait souvent si Castor ne se chérissait plus lui-même que les autres. Était-ce manifestement l’explication de son déni de trouver une moitié ? Indiscutablement. Mais la jeune femme n’en avait cure, le plus important pour elle fut d’être admise au sein de cette drôle de famille, car le vénérable Hann l’accueillit dès le premier regard. Il avait eu raison de faire confiance à l’instinct de son fils, et Castor ne le déçut point. Julia était déjà jeune adulte, et il n’était pas question de l’adopter. De toute façon, plus besoin de cacher tous ces secrets, elle savait pourquoi elle était présente : ne faire qu’un avec Castor est devenir l’arme ultime contre cette belliqueuse espèce extraterrestre.

Le projet dioscures allait enfin pouvoir advenir. Modifier génétiquement et artificiellement Julia n’était pas des plus complexe ; trouver un connecteur conforme pour lier les deux êtres l’était bien plus. La jeune femme ne comprit pas l’intérêt de deux êtres, pourquoi ne pas en améliorer qu’un, physiquement et mentalement ? Hann lui répondit le plus simplement du monde : pour réussir, annihiler tous sentiments serait primordial. Pour qu’une personne ne ressente pas la peur de mourir au combat, lui ôter cet instinct de terreur est nécessaire, mais ne retirer qu’un seul sentiment est bien entendu impossible. L’idée d’un unique être aux vertus démultipliées n’était pas extravagante en soi, mais sa réalisation demandait une déshumanisation complète du sujet. L’objectif n’était pas de créer un être froid et sans cœur, mais augmenter les capacités déjà existantes de deux individus, et les lier, deux individus aux perceptions distincts et intacts, pour ainsi décupler les chances de succès, et mettre fin à cette guerre. Si l’essai était concluant, de multiples jumeaux de la mort naîtraient, et anéantiraient nos ennemis.

Julia comprit, et elle était fin prête à devenir la force pure. L’empereur insistait sur la rapidité d’exécution, et Hann était le savant à approcher de son but, alors que ses collègues pédalaient dans la semoule. Aristote, un savant fou d’une terre reculée, fignolait son guerrier-canon, un homme au canon en place et lieu de son bras, mais cet humain accru ne suffirait pas à gagner un combat. Et d’innombrables attaques menaçaient l’issu de la guerre. De continuelles années de conflits n’auguraient rien de bien pour la planète bleue. Hann accéléra son œuvre, mais ne voulait surtout pas se précipiter, car le moindre défaut mettrait un terme à la vie de ses deux protégés.

Castor amorça la transformation de la jeune femme, d’abondants sourires en guise de réconfort. Hann fut surpris par la vivacité du jeune prodige, bien plus importante qu’il ne l’imaginait. Le jeune homme se promit de ne plus augmenter ses facultés en toute intimité, elles étaient colossales et son père adoptif se méfiait. Par contre, hors de question de dévoiler son secret. Son petit monde quiet était une fontaine de jouvence, et les idées fusaient en ce lieu magique. Un cube insignifiant, à l’évidence extraterrestre, lui permettait de travailler sans se soucier du regard des autres. Il n’œuvrerait plus sur ses aptitudes, mais il esquissait préalablement un nouveau projet, qui lui octroierait, à lui et à Julia, d’assouvir leur plus ardent désir. Mais pour l’heure, concentration sur la guerrière. Ses capacités étaient déjà hors norme pour une humaine non modifiée, un simple coup de pouce était nécessaire, enfin, pas si simple non plus.

Ses yeux furent perfectionnés, ses muscles se développèrent à l’aide de puces introduites en différents endroits. Des tiges en titane remplacèrent certains os fragiles du corps, dont ceux des bras. Une transformation génétique lui permit d’éviter de longues heures de repos entre les batailles. Son muscle cardiaque se parfit, son génome se modifia. Alors que les sentiments de Castor furent conservés pour ne pas détériorer son intellect, ceux de Julia furent désinhibés, pour conjurer la peur au combat. Elle devint l’arme ultime, au même titre que Castor, mais dans des domaines diamétralement opposés. Son œuvre s’achèvera à brève échéance, mais pour l’heure, les jumeaux de la mort naquirent enfin. Le prénom Castor fut tout naturellement trouvé dès l’adoption, car ce projet n’attendit pas l’aval de l’empereur, mais Julia devait changer le sien. Elle ne fut pas concertée, et Hann la baptisa Pollux.

De longues années de travaux, fastidieux, déroutants, se conclurent ce jour. Mais Julia refusa son prénom, qu’importe le temps passé. Jamais elle ne fut admise en tant que femme, mais Julia se sentait femme quand même. Elle n’amadouait point les hommes, mais ne se sentait pas homme non plus, et ce nom ne lui correspondait pas. Hann fut intransigeant sur la question, les jumeaux de la mort, les premiers à voir le jour, se désigneront Castor et Pollux, à l’instar des dioscures initiaux, et ce fut ainsi qu’il les appela. La désinhibition des sentiments de la jeune femme ne permit pas de diminuer sa colère, et un certain temps fut nécessaire pour qu’elle accepte son nouveau nom de baptême. Castor et Pollux naissaient, mais une connexion manquait, un lien pour communiquer sans ouvrir la bouche, à distance. Pollux sur le terrain, et Castor, à l’arrière, à la place des yeux de Pollux, pour lui indiquer la meilleure tactique face à l’ennemi. Hann avança à grands pas sur la question, mais le connecteur ne sera pas technologique.

Pendant ce temps, Pollux apprivoisa ses nouveaux pouvoirs, comme sa vision hors pair, la même que son jumeau de la mort. Ses jambes étaient bien plus puissantes, lui permettant de bondir bien plus haut et se réceptionner à la perfection, sans heurts. Sa force décupla aussi, même le tronc d’un chêne centenaire n’y résistait pas. Ses ennemis, réputés surpuissants, trembleront devant cette puissance brute. Mais que serait la puissance sans la tactique qui va avec ? Castor n’avait plus besoin d’apprentissage, des années de durs labeurs ternirent sa représentation de l’entraînement. Il n’avait de toute façon aucun besoin de s’entraîner, son cerveau culminait au panthéon des génies. Par contre, il observait sa moitié, celle sans qui il ne serait rien, hormis un encéphale solitaire. Il la mira s’entraîner, rougissait bien trop souvent, le dissimulait tout autant, honteux de ce sentiment naissant. Il devait mettre un point final à son projet secret, pour pouvoir vivre une vie rêvée après des années de conflits.

Castor traversa les rues de Carthage, se faufila au sein de la populace, esquiva de nombreux enfants qui jouaient à se courser, arriva à Mégara, faubourg de Carthage, entra enfin dans les jardins calmes et apaisants d’Hamilcar. Il revenait fréquemment à l’endroit où le vénérable Hann le trouva bébé. Il parcourut les jardins, s’enivra de mille odeurs lénifiantes, puis s’assit derrière le bosquet qui l’accueillit bambin. Personne ne pouvait le voir, ce coin était interdit de passage, car protégé. Il scruta les abords avant de s’y rendre, puis, dès la solitude obtenue, se cacha et sortit le cube découvert à Sparte. Le jeune prodige utilisait des gants pour la manipulation de l’objet, et éviter de se retrouver dans la faille à vue et d’être repéré. Il ôta un de ses gants et empoigna le cube. Il ne saurait dire ce qu’il se passe, mais une sensation de vertige le saisit à chaque traversée. Une faille dans la matrice l’amena vers une destination inconnue, féerique.

Cet endroit était certes féerique, mais surtout vide de toutes âmes. Il travailla des années durant sur lui-même, son perfectionnement, mais son père adoptif se méfiait. Il crût bien trop ses capacités, bien plus qu’il ne l’aurait dû. Il envisagea maintenant de nouvelles recherches, anthropogénétiques, qu’il étudia depuis plusieurs mois déjà. Castor analysait un moyen génétique pour vivre plus longtemps, infiniment plus longtemps, pour toujours. Il choyait l’immortalité, exister sans compter les jours, ne plus penser au futur, car le futur est incertain. Il sera à court terme lié à Pollux, et ses sentiments naissants le poussèrent à accélérer ses recherches, pour, une fois l’invasion vaincue, vivre éternellement avec sa moitié, sa jumelle de la mort. La tâche n’allait pas être simple, mais son amour inconcevable l’encourageait à réussir, et il en était proche. Le jeune homme savait que Pollux n’avait plus de sentiments, mais il espérait, une fois le conflit fini, l’aider à se souvenir, car le souvenir était le début d’un sentiment.

Pollux remarquait les émotions de Castor, sa façon de lui répondre, de l’observer, de lui tenir la main. Elle ne comprenait pas tout ça, elle ne le comprenait plus. La guerre était son obsession, l’anéantissement de cette race extraterrestre belliqueuse son accomplissement, et rien d’autre ne comptait, même pas son jumeau au cerveau aux capacités démesurées. L’entraînement était son unique préoccupation, et Castor ne devait se soucier que de la tactique, et de la maintenir en vie lors des batailles. Mais il était à cent lieues d’ici, non pas que ça l’inquiétait, car ce sentiment disparut d’elle, mais hors de question d’y rester par sa faute, par la faute de ses sentiments. Ils ne servaient à pas grand-chose hormis nous tuer, et elle se devait de découvrir ce que Castor manigançait.

Pollux le suivit, un jour pas comme un autre. Elle le vit à l’entraînement, lui sourire béatement, rougir sans raison, se cacher par honte. La honte, quel instinct nihiliste, la jeune femme fut bien contente de ne plus éprouver de honte, qui lui pourrit sa vie d’un bout à l’autre. Ce jour-là, elle décida de le pister. Il se faufila, regarda derrière lui à la dérobée pour vérifier une conjecturale filature. Qu’il était pathétique, un si gros cerveau amenuisé par les convictions ! Hann aurait certainement dû lui retirer toutes émotions, mais il en avait soi-disant besoin, car un des deux jumeaux se devait de ressentir pour survivre. Pollux n’approuvait pas, elle se sentait bien mieux depuis la désinhibition de ses sentiments, bien mieux. Elle le suivit, jusqu’au jardin d’Hamilcar. Il ne la repéra même pas, maudit génie minoré par les sensations. Il renifla les différentes plantes, puis se faufila derrière un bosquet, un chemin interdit au public. Elle voulut vérifier sa présence, mais personne ne s’y trouvait, et pourtant aucune issue aux environs. Hallucina-t-elle ? Elle ne se posa pas la question car Hann les quémanda en urgence par le téléphone intégré à leurs cerveaux.

Castor était en retard au rendez-vous, le vénérable Hann et Pollux l’attendait maintenant depuis plusieurs heures. Il arriva, dégoulinant de sueurs, proférant plusieurs excuses confuses. Hann n’avait pas le temps pour ces âneries, le connecteur était prêt, et il envisageait de s’en occuper de suite. Il leur expliqua la démarche, les risques encourus, la grande difficulté de la manœuvre. Le savant échangera leur liquide encéphalique par un liquide de synthèse composé de milliers de particules biologiques génétiquement modifiées. Il ne pouvait juste implanter ces particules, il devait en changer la substance pour être accepté, et introduire le même liquide aux jumeaux de la mort, pour l’interconnectivité. L’opération était très risquée et longue, mais nécessaire. Le cerveau et la moelle spinale devaient reconnaître ce nouveau liquide, et pour ce faire, le savant ponctionna du liquide rachidien de Castor et de Pollux, les mélangea, les modifia, et conçut un liquide biologique novateur pour en incorporer. Les avancées technologiques et médicinales dans ce domaine connurent un perfectionnement sans précédent, surtout depuis le maintien à la vie de cerveaux de personnes décédées dans la minute.

L’opération de Pollux se déroula à merveille. Un coma artificiel le conserva en vie pour ainsi vider le liquide concerné de son corps. Prendre son temps était essentiel, et Hann mit huit heures à intervenir et permuter les liquides. Il s’occupa ensuite de Castor, et les deux êtres se réveillèrent, bouleversés par de nouvelles perceptions. Ils communiquaient sans ouvrir la bouche, par la simple pensée. Castor entrevoyait le monde à travers le regard de Pollux, et Pollux éprouvait la détermination de Castor à la maintenir en vie. Des sensations étranges, déroutantes, une interconnectivité que même deux vrais jumeaux ne peuvent ressentir. À la vue d’un ennemi, Castor induisait une tactique à Pollux, pour se sortir d’un piège notamment. L’entraînement se déroulait à merveille, le projet dioscures était fin prêt. Hann s’empressa d’annoncer la bienveillante nouvelle à l’empereur. Castor espérait conclure ses investigations, dès le lendemain. Il était à un cheveu d’y parvenir, mais ce cheveu, il le détenait depuis la connexion, tout devint limpide. Pollux refusait d’y rester par la simple faute des sentiments de Castor, elle s’y refusait.

C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. En l’absence du maître il avait pu poursuivre grâce à une faille dans la matrice ses recherches anthropogénétiques en continuant de mener à bien ses expérimentations sur les dioscures, jusqu’au jour où sa jumelle de la mort lui attrapa le bras quand il empoigna son cube mystique. Pollux se retrouva dans ce monde, mais elle ne le trouvait pas féerique. Castor ne sut quoi dire, il était estomaqué, il n’avait jamais remarqué la présence de la guerrière, ni de près, ni de loin. Elle lâcha son bras, puis se retrouva dans les jardins d’Hamilcar. Elle tâtonna pour retrouver son double, puis agrippa une chose invisible avant de se retrouver de nouveau dans ce lieu mystérieux. Aucun sentiment ne ressortait d’elle, car elle en était dépourvue. Mais elle ressentit, avec la connectivité, le désarroi du jeune homme.

Il lui avoua tout, son projet fou de l’immortalité à deux, pour vivre jusqu’à la fin des jours conjointement. Mais Pollux ne fut pas améliorée pour faire du sentimentalisme. Elle voulait se battre, détruire cette race extraterrestre, protéger la planète, et non résider pour l’éternité avec son alter ego. L’interconnectivité désorganisa-t-elle le cerveau du génie ? Vraisemblablement, mais ces sentiments amoureux ne dataient pas d’hier. Castor se refusait à vivre sans elle. Il lui administra un liquide à l’aide d’une seringue, mais elle ne recula pas à temps. Elle se planta, et il appuya avant même qu’elle ne réagisse. Pollux le regarda, ébahie, coléreuse. Il s’administra une dose aussi. Elle attrapa son autre main, en son sein le cube, et l’écrasa de toutes ses forces, broyant l’objet en mille morceaux. Ils restèrent dans ce monde, pour l’éternité.

Hann, fier de son projet, revint, mais découvrit un habitat vide. Il chercha les jumeaux de la mort durant des semaines, des mois, des années, sans les retrouver.

La Terre entrera dans une nouvelle ère, une ère d’esclavage et de tortures. Le projet dioscures échoua, par sentimentalisme et manque de sentimentalisme à la fois. L’espèce humaine se meurt… ad vitam aeternam.

 

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