Les Chroniques de Mars // Parlant de la Maçonnerie écossaise, tu as fait aussi un travail énorme de recherches sur Kilwinning Numéro 0, connue bien avant Mary’s Chapel Numéro 1… Son numéro 0 intervient en référence à sa Loge-sœur d’Édimbourg qui elle porte le numéro 1, celle-ci s’étant attribué ce titre de « première Loge » fondée, avant que la revendication officielle de Kilwinning n’intervienne, comme tu le précises parfaitement ! Peux-tu nous rappeler ce qu’était cette « Loge K0 »… , et ce dans une Écosse affirmant son anglophobie ! … Je voudrais aussi, si tu le veux bien, que l’on revienne maintenant ensemble sur la notion « d’Ecossisme », au sens large de la pratique Maçonnique, cela ne concerne pas seulement les Hauts-Grades… ? Il faut bien sûr largement compléter, je pense aux 3 C, (Croix, Chardon, Chevalier), mais pas seulement, il nous faut aussi aborder tous les deux, et nous sommes en accord sur le sujet, une possible origine médiévale de cet « Écossisme »… et là, la saveur est tout autre…, n’est-ce pas ?

Daniel NAPPO // Le mot « écossais » tient une place à part en franc-maçonnerie et dans les rites maçonniques. Bien entendu il y a une diversité de rites : « français », « suédois », « égyptiens », « martinistes »… mais beaucoup s’apparentent et portent cette notion de « Rit » d’Écosse. (Rit, au sens premier définissant un ensemble de pratiques cérémonnielles, rituéliques). Tout franc-maçon se doit de connaître ce particularisme écossais, car il existe une souche écossaise de la franc-maçonnerie. L’éminent franc-maçon Robert Ambelain qualifia cette forme originelle de « Rite Écossais Primitif ». Évoquant George Payne ou le Chevalier Ramsay, Ambelain disait qu’il avait bien fallut qu’il y ait quelque chose d’ancien à rectifier, à moderniser ; quelque chose de bien antérieur à Willermoz… Mais les références aux anciennes loges (d’avant 1717, date dont le contexte andersonien a déjà été évoqué) ne manquent pas : Hamilton Lodge (1695), Old Inverness Lodge (1678), Saint-John Glasgow Lodge (1628), Mary’s Chapel One (1598) qui fut considérée comme la plus ancienne loge maçonnique, un peu à la manière de notre loge marseillaise Saint-Jean d’Écosse… Cependant si peu de traces antérieures au 16e siècle subsistent, hormis celles des traditions opératives (Old Charges par exemple) avec leurs chartes et leurs pratiques propres aux métiers des bâtisseurs de l’époque médiévale, les loges dites « spéculatives » eurent un réel parcours distinct de celui des métiers traditionnels, et c’est en Écosse qu’on en trouve les traces les plus anciennes. Rossling Chapel (dont la construction débuta en 1446) et son fondateur William Sainclair (1404-1484) qui fut Grand Amiral d’Écosse, démontrent, pour qui veut bien le voir et le croire, des origines très anciennes et par là même «templières et scolastiques» de ce qui deviendra notre franc-maçonnerie actuelle. Nous voici donc au cœur de la question liée aux origines de la franc-maçonnerie habituellement connue surtout par ses rites (modernes), ceux du XVIIIe siècle, dont certains sont encore pratiqués de nos jours.

Rien n’épuise l’imaginaire lorsqu’à la manière d’un jeune enfant, curieux et tenace, on se questionne sans cesse : « mais il y avait quoi avant ça ? », jusqu’à être satisfait d’avoir pu identifier une source potentielle, un point de départ plausible et concrêt. Ce fut mon cas lorsqu’on me parla de « Kilwinning ». La magie, disons éclairante, du nom qui fait penser à l’anglais To Kill (tuer) et To Win (gagner), m’incita à en rechercher le lieu et son histoire. Il demeure en Écosse, près de Glasgow et du mont Greenan anciennement appelé mont Hérédom ! Plus encore, on trouve à Kilwinning les vestiges d’une Abbaye templière datant de 1140 et la présence d’une loge maçonnique encore en fonction en 2021 : la Mother-Lodge Kilwinning, au initiale MK-0. Oui la Mère-Loge Zéro !

Après avoir longtemps cru que Mary’s Chapel était la toute première loge, il fallut tenir compte des revendications très bien renseignées de Kilwinning en sa qualité de Mère des Loges remontant à l’époque des Templiers. On ne pouvait faire autrement que lui attriuer l’antériorité à 1, avec le chiffre 0. Ainsi, Rossling attestée en 1446, la création de la Grande Loge de Londres et de Westminster datée de 1717, les Constitutions d’Anderson de 1723, ne sont guère plus que des étapes, des moments (certes forts et importants), de l’évolution et des mutations d’une doctrine antérieure franco-écossaise. Le nier, équivaudrait à perdre le sens des origines de la franc-maçonnerie spéculative. René Guénon voyait dans le Moyen-âge, un âge d’or sur le plan spirituel et initiatique, celui de la seule pratique véritable des rituels sacrés dont l’Occident a progressivement perdu la référence (contrairement à l’Orient). Les recherches relativement récentes des historiens médiévistes vont dans le sens de ce qu’il convient d’appeler la première « Renaissance médiévale » qui fait suite à l’an mil’. Nous aurons l’occasion de le rappeler au sujet du Nominalisme…

MK-0, la fille aînée de toutes les loges maçonniques ? Why not ? Ce serait pour une Écosse anglophobe, sous tutelle britannique, une juste reconnaissance des valeurs et des vertus templières chères à notre de France ! Sans oublier de devoir reconsidérer l’importance de quelques faits chronologiques : 1305 l’éxécution de William Wallace (Braveheart), 1306 Robert Bruce roi d’Écosse, mars 1314 l’exécution de Jacques de Molay, juin 1314 Bannockburn, 1371 l’avénement des Stuart, 1587 l’éxécution de Marie Stuart, 1688 la Glorieuse Révolution… qui balisent le chemin vers l’Écosse soumise et la fin de sa supprématie maçonnique catholique, confisquée par les Orangistes Anglicans. Nous avons signalé comment l’Auld Alliance (1295-1560) fut un marqueur de Paix et d’Universalisme maçonnique à l’époque où la nation écossaise s’inquiétait de l’égémonie anglaise. N’oublions jamais que les Écossais vinrent en nombre combattre aux côtés de Jeanne d’Arc en 1429 (Guerre de Cent ans) afin de lever le siège d’Orléans.

Pour conclure sur ce sujet espérons que Kilwinning permette aux francs-maçons une meilleure compréhension du particularisme écossais, c’est l’un des objectifs de notre livre, certains parlent d’Écossisme, bien que ce mot soit surtout lié à la maçonnerie des hauts-grades, celle d’Hérédom, imagée par les « 3 C » : Croix-Chardon-Chevalier. (Mais on ne saurait en dire plus, sans briser le secret maçonnique…).

@ suivre…

Entretien avec Daniel NAPPO # 4 // Les Chroniques de Mars » © – janvier 2022.


888-47.jpg

THESAVRVS // Agneau – Air – Alpha – Alphabet grec – Alphabet romain – Âne – Ange – Année solaire – Anthropologie – Apocalypse – Argent – Art poétique – Astronomie – Berger – Bible – Boaz – Bœuf – Carl-Gustav Jung – Carré – Cartographie céleste – Cène – Cercle – Chiffres – Christ – Cœur – Couleurs – Coupe Coutumes – Croix – Cromlech – Cycle lunaire – Désert – Divinations – Dolmen – Dragon – Eau – Etrusques – Feu – Figures – Formes – Gestes – Graal – Hébreux – Histoire – Jakin – Lion – Mains – Mégalithes – Menhir – Mère – Miel – Montagne – Myrrhe – Mythes – Mythes fondateurs – Nature des symboles – Nombres – Nombres – Omega – Or – Pain – Paradis – Phénicien – Poissons – Pythagore – Pythagorisme – Religions – Rêves – Runes – Sang – Sel – Serpent – Signes – Soleil – Souffle – Sumbolon – Symboles – Symboles chrétiens primitifs – Symboles dans la Bible – Symbolisme – Taureau – Temple – Terre – Tradition – Triangle – Veilleur – Vin – Zoé //

chroniques_de_mars-2.jpg