« Lux Lucet in Tenebris »
Le « développement personnel » sorte de tarte à la crème de l’Initiation sert de viatique de la Connaissance, avec un « C » majuscule, à bon nombre, depuis bientôt une trentaine d’années.
Ce mouvement polymorphe -signe des temps- signe, aussi, le Temps, comme exaspération d’un langage où la Parole Perdue, si délicate à percevoir sous la couche d’humus solidifiée par les vieilles lunes, se délite et s’anamorphose en myriades de faux-semblants. S’agirait-il, pour beaucoup, de prendre le miroir magique, pour un miroir aux alouettes ? Le « développement personnel » en tant que courant de pensée actif, solidaire, structuré, attire depuis des années des phalènes venus de tous horizons et de toutes confessions, pourquoi pas, sous le feu de projecteurs que l’on voudrait flambeaux.
Il n’est pas nécessaire, ici, d’étudier sur un plan sociologique voire même initiatique, les ramifications surprenantes d’un tel culte, tant elles sont nombreuses, fantaisistes, pour certaines, ou mieux «antipersonnelles». De la pensée positive à la relaxation, de la PNL au coaching, de l’analyse transactionnelle aux nouvelles thérapies, du cri primal à la bioénergie, etc., la croyance dans le développement spirituel de l’être assisté par un maître, un guru, un thérapeute, sert de gambit à la Mystique et aux voies de la Tradition.
« Connais-toi, toi-même et tu… »
Dans le cadre de cette introduction, on pourrait aisément porter nos critiques, également, sur le mouvement « New Age » qui lyophilise désavantageusement la Tradition au point que nul n’y retrouve sa filiation, son corpus ou toute relation directe. Ainsi, pour donner un seul exemple, le courant venu des USA, comme il se doit, si à la mode actuellement, dit de «La Merkaba», n’a nul rapport avec celui de la Tradition Kabbalistique du IIIe siècle dite du « Char Céleste » de la vision d’Ezechiel. Pourtant c’est du même mot qu’il s’agit et la confusion est entretenue à dessein.
Mais laissons cela.
Pour en revenir au « développement personnel » en tant que mouvement pseudo initiatique, interrogeons-nous un instant sur sa valeur intrinsèque, comme reflet du Vivant, car il semble nécessaire, pourtant, de ne pas dénaturer outrancièrement, ni amputer, ni scier le tronc de cet arbre fantasmagorique ou le Tarot devient celui des anges ou des papillons et le Chamanisme, à la sauce New Age, devient l’attribut nécessaire des cadres supérieurs en quête de sensations fortes.
Il nous faut donc évoquer un instant, à cet égard, les travaux concernant l’étude de la psychologie humaine et notamment ceux du grand initié Carl Gustav Jung (1875-1961) sur la Psyché. Rappelons pour mémoire que Jung mettant en avant l’existence d’ « Archétypes » et théorisant sur «l’Inconscient Collectif», ce qui amènera ensuite, de facto, à la qualification des égrégores, se verra mis à l’index par Freud, malgré leur longue amitié, à cause de cela.
« Ce n’est pas en regardant la lumière que l’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire. » Carl G. Jung
Dans l’étude de la Psychanalyse, ce que Freud nomme le « Ça » et Jung appelle « l’Alter Ego » ou le « Soi réprimé » autrement dit « la part d’ombre » a sur le plan initiatique, une valeur d’importance, qu’il s’agit de prendre en compte, d’étudier et de commenter afin de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, si l’on ose dire.
Cette « ombre » encore qualifiée de « Soi aliéné » en psychiatrie, pour Jung « l’ombre » c’est la totalité de l’inconscient, va se retrouver dans la Tradition du vivant selon plusieurs appellations, dont la plus connue concerne « la mort du vieil homme » et qui fait appel au mythe du démembrement, on pense bien sûr au mythe osirien entre autres.
Cette facette inévitable de l’évolution égotique est à considérer, tant sur le plan initiatique pur, que sur le plan du développement personnel et nous amène à lâcher, singulièrement, animus et anima confondus, la proie pour l’ombre justement, car le processus de rectification demande, à l’évidence, un parcours à rebours.
Au sein du saint des saints…
C’est le fameux VITRIOL ou la visite à l’intérieur du Soi afin d’y (re)trouver la pierre cachée.
Pierre brute, pierre taillée, pierre cubique à pointe, philosophale enfin.
Jung pensait que la réincrudation de la part d’ombre au sein du Soi, processus – initiatique – (c’est nous qui soulignons) réalisé en conscience, dans l’unité et la profondeur de la Persona, était le problème moral par excellence, ce en quoi la Tradition ne peut qu’acquiescer. Nous voilà donc au cœur d’une problématique rarement évoquée et qui concerne le « métissage », dirons nous, des voies de la Connaissance.
C’est donc par cette quête, qui beaucoup plus qu’une quête est en réalité une conquête, celle de sa vérité intérieure, inaliénable Imago Dei, nous amène, chacun pour soi et en soi, sur l’authentique sentier, de la lumière aux ténèbres et des ténèbres à la lumière, ronces et roses entremêlés du parfum d’Ispahan, vibrations du sacré, rythmes ondulatoires des éléments concrets, mauves, éclairés de toute éternité au sein de l’Amphithéâtre de nos incarnations, par la Sagesse Eternelle.
Transmutation des contraires, au cœur de la matière, en éclats de lumière pure.
Thierry E Garnier – Arcadia © – La lettre de Thot – février 2004.
Nous retrouverons notre «part d’ombre» avec Jean Monbourquette et comment l’apprivoiser, un à suivre donc.
Qui est Carl Gustav Jung ?
Celui qui a découvert l’inconscient aux côtés de Sigmund Freud ?
L’homme qui a dressé la première cartographie de notre monde intérieur, à l’image des premiers géographes ?
Celui qui a éclairé les grands événements de notre histoire en les reliant à notre vécu d’aujourd’hui ?
Celui qui a donné à l’homme les clefs pour que celui-ci retrouve le sens de sa vie ?
Voici quelques éléments de réponse …
Fils de pasteur, Carl Gustav Jung est né le 26 juillet 1875 à Kesswil, au bord du lac de Constance en Suisse. Ses années au collège de Bâle l’ont conduit à s’intéresser aux sciences naturelles, à la philosophie, à la religion. Son père meurt en 1896, il se retrouve seul avec sa mère et sa sœur et se pose pour lui la question de la poursuite de ses études. Il connaît une période de grande pauvreté, mais finalement réussit à entreprendre des études de médecine. Son intérêt pour les données biologiques et les données spirituelles le conduit à choisir la psychiatrie.
En 1900, il devient assistant à la clinique psychiatrique de l’université de Zurich (le Burghölzli). Ses années d’apprentissage lui permettent de mieux comprendre l’univers des malades mentaux. C’est à ce moment là qu’il découvre les travaux publiés par Sigmund Freud. Les recherches faites par Freud au niveau de l’hypnose et du rêve aident Jung à aborder l’univers étrange des hôpitaux psychiatriques. La première rencontre entre les deux hommes a lieu en février 1907. Très vite des divergences apparaissent, elles se confirment en 1909, date à laquelle ils firent un voyage commun aux Etats-Unis, invités par la Clark University (Worcester, Mass.). Au début des années dix, les deux hommes se séparent. Jung traverse alors un période de profonde solitude, confronté à son propre inconscient. Il sort de cette crise en 1918 et alors commence pour lui toute une série d’études et de publications, autant de jalons pour baliser les territoires inconnus qu’il vient de découvrir.
Il se marie en 1903 avec Emma Rauschenbach, a cinq enfants et construit une maison où il s’installe définitivement dès 1909 à Kusnacht (à quelques kilomètres de Zurich, sur le bord du lac de Zurich). En 1923 Jung achète un terrain sur la commune de Bollingen, à une trentaine de kilomètres de son domicile (au bord du lac également). Il y construit une simple tour, lieu de refuge, de méditation, qui après plusieurs modifications, finit au fil des ans par devenir un véritable lieu de vie à l’écart et à l’abri du monde extérieur (en particulier de son travail journalier auprès de ses patients).
Ses découvertes l’obligent à s’intéresser à nos racines occidentales, à tous les courants de pensée. Il réhabilite le monde chrétien, l’alchimie, il étudie de très près le monde oriental. Sa culture est immense. Il entreprend toute une série de voyages, il découvre des hommes peu touchés par la civilisation, vivant entre deux mondes (Inde, Afrique du Nord, tribus du Kenya, Indiens en Arizona, au nouveau Mexique).
Dès 1936, il décrit dans l’un de ses livres le danger que fait courir l’Allemagne avec une foule de détails malheureusement prophétiques, reliant l’histoire de ce pays aux mythes sous-jacents qui l’animent. Son œuvre est condamnée par les Allemands, il ne peut rien faire pour éviter le conflit mondial et il doit sa survie au seul fait d’habiter en Suisse.
En 1944, il est victime d’un infarctus, c’est là qu’il fait l’expérience du passage de la vie vers la mort dans sa première phase. Une force invisible l’oblige à « revenir sur terre ». Il publie alors toute une série d’ouvrages qualifiés de majeurs. En 1945, il fonde la société Suisse de Psychologie pratique et en 1948 l’Institut qui porte son nom (à Zurich).
Sa femme meurt en 1955, c’est une grande épreuve pour lui. Il écrit jusqu’à la fin de sa vie, témoin de l’homme, des difficultés de son temps.
Il meurt le 6 juin 1961 à Kusnacht.
Jean-Pierre Laxague
sur le très beau site internet consacré à l’homme de science : http://www.cgjung.net/qui.htm