Avant de conclure j’ai voulu m’interroger sur la part du mouvement théosophique dans un essai de réhabilitation du christianisme primitif.
Il convient à ce sujet de différencier, Théosophie chrétienne et Théosophie moderne – dont la Société Théosophique fondée en 1875 fait partie – (1).
La première, la Théosophie chrétienne est la doctrine des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècle, philosophique, mystique, hermétiste représentée par Paracelse, Weigel, Jacob Boehme, Fludd et bien d’autres comme Martines de Pasqually ou encore Louis Claude de Saint Martin.
Elle se caractérise par une réflexion sur des notions comme :
– l’expérience spirituelle
– l’illumination intérieure
– la chute originelle
– la réintégration
La seconde est la contribution d’H.P. BLAVASTKY et de la Théosophie moderne. Celle-ci fut très courageuse mais il est nécessaire de la replacer dans la pensée générale du moment.
Quel était le contexte de la société occidentale en cette fin XIXème, début XXème ?
Il est vrai que l’opposition entre «science» et «religion» était fortement marquée. On se souvient à ce sujet des débuts du darwinisme et les critiques exacerbées dont ses tenant étaient l’objet. De nos jours, il est vrai que l’Eglise romaine ne remet plus en cause certaines découvertes du monde scientifique et affirme très fort qu’il n’existe aucune incompatibilité entre théorie de l’évolution et catholicisme. Néanmoins à l’époque d’HPB cette pensée était véritablement réactionnaire, certains passages des écritures sacrées, de la Bible étant pris mot pour mot. On croyait fermement par exemple que la création s’était faîte réellement en 7 jours comme décrit sous une forme symbolique dans la genèse. La croyance dans un enfer, comme feu éternel faisait également partie intégrante des dogmes enseignés.
Cependant, bien loin d’être anti-chrétien le travail d’HPB dans un tel contexte fut au contraire de diriger ses principales attaques vers ces formes rigides d’obscurantisme. Il convenait d’agir contre des dogmes en opposition avec la société de son temps et les découvertes récentes de la science.
Ce travail visait donc à s’opposer à l’«Ecclésissianisme» comme elle disait et non à la religion chrétienne. Pour elle, en effet, il y avait nécessité que le christianisme retrouve ses racines. Cette ouverture nouvelle devait permettre au monde occidental d’apprendre ainsi beaucoup de l’orient, de sa culture et de ses différentes philosophies. Il était urgent pour elle de construire un pont entre la sagesse orientale et la sagesse occidentale.
En cette fin du XIXème l’idée que les hébreux avaient adoré le seul vrai dieu avait il est vrai de plus en plus de mal à passer au regard d’une société nouvelle qui découvrait traditions, valeurs et philosophies des autres peuples.
Ainsi la Théosophie moderne, tout en apportant, une plus grande connaissance des religions orientales, telles que l’Hindouisme ou encore le Bouddhisme a permis une approche différente de la pensée chrétienne, dans son aspect le plus pur et le profond. L’enseignement de la Théosophie permet à tout un chacun s’il le désire de se construire en un ensemble ordonné et de parvenir à une sorte de « vision du monde » cohérente.
A la différence de l’hindouisme ou du bouddhisme avec Sankaracharya et Bouddha, le christianisme n’a jamais créé d’écoles de philosophies. Cependant, il convient de noter que la plupart des Pères de l’Eglise furent platoniciens.
Par la suite et notamment à partir du moyen age, l’aspect exotérique au sein de l’église prenant le pas, l’enseignement se scinda en deux branches :
– La théologie Scholastique, qui est la façon d’interpréter les textes par rapport aux dogmes fixés.
– La philosophie
Ces 2 branches sont devenues indépendantes par la suite. C’est à partir de ce moment que la religion chrétienne a perdu une certaine part de ses enseignements premiers, ne lui permettant d’assumer la totalité de ses devoirs de transmission.
Absence, il est vrai je crois à observer dans l’exclusion des principaux courants gnostiques des premiers siècles. Même si certains ont pu apparaître comme des dérives, il n’en demeure pas moins vrai que ceux-ci possédaient d’une certaine façon la fraîcheur du message originel :
La Gnose.
Jean Iozia © pour la LdT No 26 – article inédit (à suivre)
(1) Note de la Rédaction // LdT : Voir à ce sujet le livre de René Guenon, Le Théosophisme, Histoire d’une pseudo religion (1921 ; 2e édition augmentée 1925, 1928, 1973).
Ainsi que pour faire bonne mesure la réponse courageuse de Noël Richard-Nafarre dans « Helena P. Blavatsky ou la réponse du sphinx. » François de Villac ed. 1991.
Livre dans lequel nous extrayons volontiers, non sans humour ni provocation, cette citation p 578 :
« Il faudrait un livre entier pour reprendre toutes les inexactitudes, les présentations tendancieuses des faits, les affirmations gratuites présentées comme des certitudes établies, qui constituent l’ossature de l’ouvrage de R. Guénon.
En conclusion, nous dirons que cet auteur jouit dans certains milieux intellectuels « traditionalistes » d’une réputation d’érudit consciencieux totalement surfaite. Car ce n’est pas seulement sur le terrain de la rigueur anecdotique (nécessaire toutefois à ses démonstrations) qu’il peut être pris en défaut de raconter n’importe quoi.
Dans ses polémiques dirigées contre le « Néospiritualisme », son œuvre philosophique elle-même se montre ornée par davantage d’outrecuidance que de véritable instruction sur la qualité des doctrines qu’il attaque.
Répondre point par point à l’ensemble de son œuvre demanderait de consacrer des centaines de pages identiques à celles qui précèdent à la contradiction des jugements portés par R. Guénon sur ce qu’il ignorait. Ceci serait à nos yeux une coupable perte de temps et d’énergie, deux atouts précieux dont la dilapidation figure parmi les plus significatifs des « signes des Temps » dont l’inventaire fut si cher à l’apôtre du « Traditionalisme ».
(Note de la Rédaction)