Dans l’escalier retors en colimaçon ouvragé de pierres moyenâgeuses, Jean-Pierre s’appuyait sur moi, avec peine, la démarche hésitante et, souriant, il me confiait amusé : « Moi qui ai tant écrit sur le compagnonnage, me voilà maintenant doté d’une drôle de canne ! » C’était les débuts de notre amitié, sous des auspices marqués d’un sceau particulier. S’ensuivit une abondante correspondance faites d’échanges épistolaires, de cartes postales, et de mails aussi, ces dernières années seulement. J’en avais été touché et surpris, mais jamais il n’avait été hostile aux nouvelles technologies qu’il avait apprivoisées comme on apprivoise un animal réfractaire aux caresses amies. L’estime entre nous était réciproque, et l’admiration pour son œuvre était grande de ma part. À chacune de nos conversations, un leitmotiv, toujours le même… « Et la peinture…, me disait-il, quand reprends-tu ? » Il adorait les beaux-arts, et lui qui avait tant écrit sur tous les sujets, se tenait au courant de tout ce qui concernait les arts plastiques, il avait chroniqué en son temps les meilleures expositions de peinture où se côtoyait le Tout Paris. Nos premiers projets d’édition avec Jean-Pierre furent un article sur l’Art du Trait, pour la revue Arcadia en 1999, puis en 2006 un ouvrage que nous avions envisagé depuis longtemps pour les éditions Arqa, sur la Pensée Hermétique de Gérard de Nerval. Il avait travaillé toute sa vie sur l’auteur fou qu’il connaissait par cœur et qu’il chérissait au plus haut point. Son étude sur le Voyage en Orient et sur le grade de Maître avait été pour lui une immersion profonde dans ce qu’il avait de plus cher : l’Art, la Littérature et l’Initiation. Nous avions échangé quelques mots. Fatigué, à bout de souffle je l’avais eu au téléphone en février dernier, dans sa chambre d’hôpital à Angers, quelques jours seulement avant son départ vers les carrières d’éternité, là ou les tailleurs de pierres gravent des couchers de soleil à la manière de Turner – nous avions encore des projets. Il en avait plein la tête et plein le cœur des livres Jean-Pierre. Il nous laisse aujourd’hui une bibliothèque amie, une belle bibliographie de plus de cinquante ouvrages, emplie de textes initiatiques et symboliques, tous aussi chatoyant, tous fendant la pierre comme on pénètre la Lumière, en totale innocence, la main sur le cœur.
Que ceux qui l’apprécièrent, lui ou son œuvre, trouvent ici un juste témoignage d’amitié et de fraternité, que ceux qui ne l’ont pas compris, ils sont quelques uns, apprennent seulement à le relire.
à toi mon cher Jean-Pierre,
Le Grand Salut de Lure !
Thierry E Garnier – 8 mars 2008
Biographie
Jean-Pierre Bayard est né le 7 février 1920 à Asnières (Seine).
Jean-Pierre Bayard est le pseudonyme de Jean Bajard, ingénieur, écrivain. Il est le fils d’Edmond Bajard, ingénieur, et de madame, née Louise Régnier. Jean-Pierre Bayard fait ses études à l’école communale d’Argenteuil puis au lycée Jules Ferry de Versailles et à la Faculté de lettres de Rennes. Il est Docteur ès lettres, Ingénieur de l’Ecole Supérieure des travaux publics, Diplômé de l’Ecole supérieure du pétrole. Ingénieur des travaux publics (1942-1980), Ingénieur militaire, Expert auprès des Cours d’appel de Paris et de Versailles (depuis l954), Membre du Conseil d’administration de la Société des ingénieurs des travaux publics (depuis 1948), écrivain (depuis 1945), Chroniqueur et Critique d’art (depuis 1945) dans un grand nombre de journaux et de revues, notamment les nouvelles littéraires, Arts, Opéra, Mercure de France, Membre du Syndicat de la presse artistique française (depuis 1950), Sociétaire de la Société des Gens de lettres (depuis 1954), Président du cercle Scarron (depuis 1959), Directeur des collections Horizons ésotériques aux éditions Dangles (depuis 1970) et Voies traditionnelles aux éditions Guy Trédaniel (depuis 1987). Vice-président de l’Institut Eurafricain pour le développement du Sahel (depuis 1976), Président de l’Association des journalistes, écrivains et éditeurs (depuis 1979), Directeur littéraire des Editions philosophiques (1981-83), Membre de l’Association internationale des critiques littéraires, du prix Voltaire, des Bourses Adolphe Lafont. Jean-Pierre Bayard est l’auteur de plus de cinquante ouvrages dont : – Soleils des Pôles – (Louis-Jean. ed 1954) ; La Symbolique du feu – (Flammarion, ed 1958) prix Taylor 1960 de la Société des Gens de Lettres ; Trédaniel, 1986, couronné par l’Institut de France, Académie des beaux-arts, 1987 ; Les Francs-Juges de la Sainte-Vehme – de la Vehme médiévale aux attentats de l’Allemagne hitlérienne, Albin-Michel, 1971, prix Constellation 1971 ; La Spiritualité de la franc-maçonnerie – (Dangles ed 1982) ; Le cabinet de réflexion – (Edimaf, ed 1984) ; La symbolique du monde souterrain et de la caverne – (Trédaniel, ed 1994), etc.
Thierry E Garnier – La LDT