1984 en 2012
Certes, Georges Orwell nous avait prévenus. Il nous avait décrit dans son célèbre et terrifiant roman « 1984 » comment la police de la pensée utiliserait leurs opinions pour condamner les citoyens et non plus leurs actes. Qui aurait pu croire que subrepticement une forme moderne de délit d’opinion pourrait voir le jour et être de plus en plus pratiquée au nom du maintien de la sécurité publique et du principe de précaution…
Un jeune homme a été condamné il y a quelques semaines à deux ans de prison ferme pour avoir détenu la recette de fabrication d’une bombe artisanale trouvée sur internet. Notez bien un fait important : il détenait cette recette depuis plus de deux ans mais n’en avait jamais fait usage. Il n’a jamais construit de bombe, ni menacé personne d’en construire une, il a juste téléchargé la recette, ne l’a peut-être même pas lue jusqu’au bout et n’a en tout cas pas acheté les ingrédients décrits. Deux ans et demi de prison ferme, pour détention d’un document que n’importe qui peut trouver sur internet.
Par ailleurs, si je trouve concevable d’édicter des lois mémorielles sur la négation du génocide des juifs juste après la deuxième guerre mondiale, alors que le traumatisme d’un tel événement était encore dans toutes les mémoires et dans beaucoup de corps. Mais en 2012, édicter une loi interdisant de nier ou de minimiser le génocide arménien de 1917, me semble dénoter que la dérive s’accélère… Alors qu’est-ce qui suivra ?
Des lois réprimant la négation des causes humaines du changement climatique ?
Voire même la négation de ce même changement sera-t-elle peut-être bientôt illégale ?
Ou bien on interdira la détention de photos montrant des hommes politiques en galante compagnie ?
1984 n’est peut-être plus si loin…
Au pays de Marilyn.
La police de la pensée commence à pointer le bout de son nez, certes, mais un fait récent prouve à mon avis, que son congénère Big Brother n’est pas loin de faire son apparition non plus. C’est ce qu’ont découvert à leurs dépends deux sujets de sa gracieuse Majesté britannique.
Un jeune couple anglais avait en effet décidé d’aller faire un tour en Californie histoire de découvrir Hollywood, de faire la fête à la mode de Los Angeles et de se griller ce qui leur restait de neurones (vous allez voir qu’il ne leur en restait pas beaucoup) avec diverses boisons fortement alcoolisées. Afin que tout leur « réseau social » soit au courant, ils avaient envoyé quelques semaines avant leur départ plusieurs « tweets » pour annoncer que la fiesta serait tellement intense qu’ils allaient « détruire l’Amérique » et même « faire sortir Marilyn Monroe de terre »… Il leur fut répondu par des quolibets et des railleries du même tonneau.
Mais quelle ne fut pas leur surprise à l’arrivée dans le pays du libre et la maison du courageux, au sortir de leur avion de se voir interpeler par la TSA (équivalent de notre Police de l’Air et des Frontières), interroger comme on le voit dans les films avec lampe dans la figure, siège hautement inconfortable et harcèlement verbal pendant plusieurs heures d’affilée afin qu’ils révèlent leurs plans sur la façon dont ils comptaient « détruire l’Amérique » et comment ils pensaient faire pour « déterrer Marilyn ».
Il est même dit qu’on les fouilla au corps comme seuls de vrais policiers savent le faire et qu’on chercha dans leurs bagages si, en plus d’explosifs ou autres éléments de l’attirail de terroriste, ils n’auraient pas des pelles car semble-t-il, il vaut mieux déterrer Marilyn avec des pelles britanniques plutôt que des pelles californiennes, de moins bonne qualité peut-être. Puis on les enferma dans des cellules de quelques mètres carrés en compagnie de la lie de tout ce qui peut essayer de traverser la frontière illégalement, donc en l’occurrence des trafiquants de drogue mexicains à la mine patibulaire et autres bandits de grands chemins. Quand ils eurent passé douze heures à macérer dans ces conditions pour le moins insatisfaisantes, ils furent embarqués de force dans le premier avion à destination de Londres et renvoyés d’où ils venaient. Fin du voyage.
Où l’on voit que quand on croit écrire un billet de mauvais humour à la seule destination de ses amis, s’il comporte quelques mots clés bien choisis, il risque de tomber sous d’autres yeux beaucoup moins bienveillants, où l’on constate que l’Once Sam est en phase paranoïaque aigüe alors que ce cher Barack semblait pourtant un homme plutôt posé et réfléchi, que si vous voulez détruire l’Amérique, il vaut mieux ne pas l’annoncer sur Tweeter (en tout cas pas en clair) et enfin, que si vous voulez déterrer Marilyn, n’apportez pas vos pelles mais achetez-en sur place, au pays de la ruée vers l’or, elles ont fait leurs preuves depuis pas mal d’années.
A bon entendeur, salut.
Madmacs – Les Chroniques de Mars, numéro 8 – avril 2012.