« Nous tournons en rond dans la nuit
et nous sommes dévorés par le feu. »
Guy Debord
« La société du spectacle »
C’est un fameux trois mâts fin comme un oiseau, Hisse et ho, Santianooooô…
– Nom de Dieu… Maître Panisse !
Mais qu’allaient donc-t-ils faire dans cette putaing de barquasse tous ces passagers du Costa Concordia, en tongues et en bermudas, en plein mois de février ?
Véritable Pitalugue sur pattes, avec plus de 4 229 personnes à bord ! Un accident maritime comme on en fait plus, en forme de sketch à la Benny Hill et qui prêterait au fendage de gueule s’il n’avait fait 32 morts dont 15 disparus… « – Le capitaine et l’équipage étaient plus paniqués que nous tous… » signala un des rescapés à la presse mondiale médusée devant une telle scène de délire… Sacrée galère pour une époque épique, que n’eut pas désavouée un Richard Wagner azimuté composant son Vaisseau fantôme accoudé à son bar préféré de Bayreuth, sirotant un DSK (Daiquiri, Suze, Kiwi), tout en jouant de la cornemuse.
E la nave va… pour fêter sans doute le centième anniversaire du naufrage du Titanic, dans le merveilleux monde enchanté du triple A – (celui qui nous mène chaque jour qui passe un peu plus en bateau et que nous avons eu l’occasion de décrire en substance dans notre dernier éditorial…) – la fameuse ville flottante donc, affrétée par la compagnie américaine Carnival et sa filiale Costa Cruise Lines, filant à toute vapeur à la pleine lune dans la nuit noire étoilée – tout droit sans s’arrêter – tel un navire démâté venant s’échouer sur les rivages embrumés du pays des Étrusques, offre à une Toscane ébahie devant tant de naïveté un symbole grandiose et pathétique de ce que la poésie lyrique est capable de provoquer de plus pittoresque lorsqu’un repas festif très fortement arrosé à la vodka débouche non pas sur une vraie gueule de bois mais bien plutôt sur des côtes rocheuses à faible tirant d’eau… La métaphore est balourde mais dénote une certaine lucidité.
Il faut bien reconnaître aussi que la recapitalisation de nos sociétés marchandes a ôté définitivement à notre pouvoir de rêver tout capacité à s’envoler libre dans les limbes opalescents des cercles concentriques décrits par Dante dans son Paradis… En Russie, Poutine sourit aux enfants sages. La Grèce de Socrate et Platon, coryphée de nos démocraties tutélaires, assiste impuissante aux premiers dépeçages en règle. D’autres carcasses suivront. Les voies d’eau béantes de la finance mondialisée ne sont plus écopées. Le Bilderberg n’est définitivement pas le nom d’un chocolat suisse. Et la Société des Nations, prostrée dans sa chaise longue sur le pont du navire tel un imbécile heureux déplore comme à son habitude, inconséquente, le martyre de la Syrie.
Bon…, en attendant le retour dans la petite lucarne du « double A » qui, lui, ne saurait tarder, et sachant qu’à partir de 2013 la France pour acquitter sa dette devra emprunter plus de 200 milliards d’euros sur l’année en cours (soit quand même un milliard d’euros par jour ouvrable…), pour pouvoir combler son déficit – refermons pour finir les écoutilles.
La société du spectacle prophétisée en 1967 par le situationniste révolutionnaire et membre de l’International lettriste Guy Debord, n’a pas permis, faute de temps, au philosophe français d’analyser toute la portée de la dérive mortifère qu’offre la marchandisation du capital dans nos sociétés contemporaines lorsque celle-ci est pleinement associée aux masses multimédias, à la TV et Internet. La décadence de l’empire romain, son pain et ses jeux, semble effectivement une broutille de bas étage à côté de ce qu’est devenu la réalité informationnelle en strass et paillettes, stade ultime de toutes les dérives éthiques et morales, sous couvert de libéralisme déliquescent. Une réalité extrême qui offre la possibilité, à tous, consciemment ou inconsciemment, de ne plus distinguer une tuerie ignoble dans un jeu vidéo débile pour adolescent attardé à une tuerie ignoble filmée comme un jeu vidéo qui a pour victimes des enfants et des hommes libres, assimilés à leurs seuls postures religieuses ou militaires. Atmosphère cannibaliste des temps modernes, dont on ne sait plus qui mange qui, ambiance indécente aussitôt redirigée par le Net puis digérée, sans défécation, par les grands groupes TV internationaux qui officieront chacun à leur sauce à la grand messe médiatique du village mondialisé. Ce qui choque le plus en la matière, à vrai dire, ce n’est pas le spectaculaire de l’information, c’est juste l’évidente provocation de sa banalisation et surtout son caractère fondamentalement exponentiel.
Le Titanic des temps nouveaux est en marche. Et ce n’est sans doute pas seulement le nom d’un bateau… – fut-il fin comme un oiseau.
Hisse et ho, Santianooooô…
>Le Flash de Thot – No 28, avril 2012]
SOMMAIRE – CHRONIQUES de MARS No 8
Entretien avec Bernard Chauvière // « La Voie de L’Antimoine »
Entretien avec Patrick BERLIER // La Société Angélique # 1
Entretien avec Françoise GASC // 2 tableaux inédits de Nicolas Poussin
Frédéric GARNIER – L’ASTÉRISME – Une énigmatique société secrète alchimique au XVIIe siècle
Rémi BOYER – Martinisme et Modernité # 2
M. M. – La Queste de la Toison d’OR
Jacques Halbronn – La question du point vernal
Roger BOURGUIGNON – Daniel DUPUY (1930-1975)
Patrick BERLIER – La Société Angélique – Documents inédits #2
Patrick BERLIER – La Société Angélique – Documents inédits #3
DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #1
DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #2
DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #3
Michel MOUTET – La Bête du Haut-Var
Yves BOSSON – Le quatrain I-35 des Prophéties de Nostradamus.
MADMACS – « BIG Brother is watching you »
Emmanuel Rivière – Louis Rota, un génie méconnu
Christian DOUMERGUE – « L’Affaire de Rennes-le-Château » – Seconde édition.
[La Lettre de THOT // Mise à jour
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