« Si l’abeille disparaît, l’humanité disparaîtra »
Cette phrase bien connue sur l’humanité et les abeilles est attribuée le plus fréquemment à Albert Einstein – Parfois aussi à Maurice Maeterlinck…, ce qui paraîtrait plus vraisemblable… Dans tous les cas, hormis le fait que la citation reste sujette à caution, il n’en demeure pas moins qu’elle offre une prise de conscience qui mériterait que l’on s’attarde quelque peu sur la validité d’une telle information et sur ces conséquences à termes…
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En attendant, cette vidéo mérite elle aussi un petit coup d’œil tant la beauté de la Nature est chose sacrée.
Jean-Marc ROLLAND – Chroniques de MARS, No 10, décembre 2012.
Einstein et les abeilles : sur la piste d’une intox…
Dès qu’il est question d’abeilles, combien de fois n’avons-nous pas eu droit à la fameuse citation d’Albert Einstein selon laquelle « si l’abeille disparaît, l’humanité en a pour quatre ans à vivre » ? Citation bien pratique pour sensibiliser le grand public aux problèmes que rencontrent les abeilles, car elle s’impose aisément comme argument d’autorité. Et quelle autorité ! Celle de celui que les gens considèrent comme le plus grand savant de l’histoire. Sauf… qu’Einstein n’a jamais prononcé cette phrase.
On ne doit pas cette conclusion au travail acharné de nos journalistes d’investigation français, mais au site américain snopes.com, dont la spécialité est de traquer les rumeurs en tous genres. C’est le 21 avril 2007 que ce site explique que, selon ses recherches, Einstein n’a jamais rien dit de tel. Quelques jours plus tard, le magazine américain Gelf confirme cela en interrogeant Roni Grosz, le conservateur des Albert Einstein Archives de l’Université hébraïque de Jérusalem. Celui-ci affirme qu’« il n’y a aucune preuve qu’Einstein ait jamais dit ou écrit cette phrase », précisant qu’« Einstein n’avait pas de compétence particulière ni même d’intérêt pour l’écologie, l’entomologie ou les abeilles ».
Mais alors qui est à l’origine de l’intox ?
Pour snopes.com, la première apparition de cette fausse citation remonte à janvier 1994, dans un communiqué de presse de l’Associated Press rédigé par le journaliste Paul Ames à l’occasion d’une manifestation d’apiculteurs lors d’une réunion des ministres européen de l’Agriculture à Bruxelles. Il a repris cette citation d’un tract distribué à l’occasion par le syndicat d’apiculteurs, l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF). The Guardian couvre aussi l’action des apiculteurs, et explique que l’UNAF a « épluché » les travaux d’Einstein pour sortir cette fameuse citation et montrer que la menace était sérieuse. Quelle menace ? En l’occurrence, il ne s’agissait pas cette fois-là des pesticides mais du risque des importations de miel à bas prix, en particulier en provenance de Chine, d’Argentine et du Mexique. Gelf magazine a contacté en 2007 l’UNAF pour tirer tout cela au clair, mais le syndicat n’a pas daigné répondre à leurs mails… En tout cas, cela concorde à ce que disait très récemment lors d’un chat le scientifique spécialiste des pollinisateurs Bernard Vaissière : « Effectivement, c’est un apiculteur qui a mis cette citation dans la bouche d’Einstein à l’époque où apparaissait la concurrence du miel chinois en France… »
Donc, depuis 1994, cette fausse citation a intoxiqué les médias internationaux, que cela soit le Washington Post, Der Speigel, The Independent ou l’International Herald Tribune. Mais depuis que snope.com et Gelf magazine ont découvert le pot aux roses, en avril 2007, on pourrait s’imaginer que les écologistes ou certains milieux apicoles aient décidé de ne plus utiliser cet hoax. Eh bien non ! Ainsi, le MDRGF et Terre d’Abeille avaient repris cette fausse citation en pleine page de L’Equipe, du Monde et des Echos fin 2007 et début 2008 ! En janvier 2008 est publié un livre intitulé Le Jour où l’abeille disparaîtra… avec comme bandeau « …l’homme n’aura plus que quatre années à vivre (attribué à Albert Einstein) » ! Comme le notait justement le blog Bacterioblog : « C’est assez malin: sur la manchette, en dessous de la « citation », on peut lire « attribué à Albert Einstein », mais en quatrième de couverture, il est écrit que cette phrase lui est attribuée « probablement à tort ». L’auteur reconnaît donc explicitement la non-paternité d’Einstein, mais trouve le moyen 1) de faire son titre de cette fausse citation, et 2) de faire figurer le nom d’Einstein sur la couverture, avec des réserves tout à fait cryptiques. Mauvaise foi ou bonne publicité ? » Visiblement, cette fausse citation a encore de beaux jours devant elle… Enfin, le même blogueur concluait sur cette affaire : « Si un membre de l’UNAF possède une source inédite d’Albert Einstein, il est dans l’intérêt supérieur de l’humanité qu’il la communique. Dans le cas contraire, il faudrait à l’initiateur de ce canular un certain courage pour avouer sa fraude, au risque de desservir les intérêts de toute sa profession et de la cause environnementale. Vous pouvez toujours faire jouer vos contacts, mais je crois qu’on n’en saura jamais plus. » Il n’a sans doute pas tort.
SOURCE // Alerte Environnement