La pratique astrologique actuelle peut être, selon nous, qualifiée d’astrologie du discontinu, du chaotique. On passe constamment du coq à l’âne, d’un cycle à un autre, avec toutes sortes d’interférences. Est-ce vraiment là le véritable esprit de l’astrologie ? On peut en douter.
Nous préconisons, tout au contraire, une astrologie du continu, de la progression cyclique. Il importe d’apprendre à suivre un cycle d’un bout à l’autre avec ses contradictions internes et non pas l’intervention externes correspondant à l’intrusion d’autres cycles. Pour baliser les stades d’un cycle, il n’est nullement besoin de faire appel à des paramètres différents, tout cycle comportant sa propre dynamique, avec des phases antagonistes qui lui sont inhérentes et qui se manifestent dans le cours du temps plus que selon un espace.
On ne peut s’empêcher de penser que chacun a l’astrologie qu’il mérite : ceux qui sont persuadés que ce sont les autres qui le font avancer seront demandeur d’interférences en tant que mal nécessaire. En revanche, ceux qui sont d’abord à l’écoute d’eux-mêmes n’ont que faire de la pris en compte d’autres cycles.
Un événement isolé n’est pas intéressant, ce qui importe c’est une suite, une série de situations allant dans le même sens et donc qui convergent car animés de la même énergie. Pour l’astrologie telle que nous la concevons, il convient de montrer à quel point des données diverses relèvent d’une seule et même dynamique. Non pas qu’il n’y ait de tournant, de revirement, mais cela ne se produit qu’à des intervalles assez longs et offrant une même régularité. Si discontinuité il y a, elle correspond au passage de ce que nous appelons, en astrologie conjonctionnelle, la phase « droite » à la phase « gauche » et répétons le, ce passage ne doit rien à l’intervention de telle ou telle planète autre que celle qui forme le vecteur du cycle considéré. Il y a un élan initial et le reste suit sur sa lancée.
Nous percevons trois niveaux d’astrologie qui constituent une sorte de tour (de Babel) :
Le niveau des phases de 6/7 heures, sur une journée, le niveau des semaines de 7 jours sur un mois (28 jours), le niveau des phases de 7 ans sur une révolution de 28 ans.
Reprenons ces trois niveaux.
Le niveau le plus rapide correspond au cycle circadien. (Sur un jour, en latin). Nous pensons que le découpage en 24 heures devait être initialement en 28 sur le modèle lunaire et la division en 6 faits pendant à la division en 7. Selon nous, Gauquelin a montré la viabilité d’un tel modèle, non pas uniquement pour le jour de naissance mais pour tous les jours de l’année. On notera que cette addition du 1 au 6- ce qui donne 7 – est manifeste dans le récit de la Genèse. Six jours de travail et un jour de repos.
.Le niveau intermédiaire est celui du mois lunaire sidéral et le niveau supérieur celui du cycle de Saturne/ La division en 4 étant récurrente. On a conservé les « livres d’heures » pour les temps de la journée et les almanachs pour les temps du mois, scandés par la nouvelle lune, la pleine lune et les lunes intermédiaires (demi-lunes). Les Très Riches Heures du Duc de Berry présentent à la fois la série des heures et des mois.
On a donc trois mesures astrologiques du temps :
-Le dispositif de l’ascendant et des maisons astrologiques correspond à une astrologie de la journée. Cela permettait de déterminer les moments forts du jour, et le moment de la naissance n était qu’un cas parmi d’autres. Cela renvoie à une astrologie « horaire » à très court terme/.
-Le dispositif des 12 signes zodiacaux (cf. aussi le découpage en 28 astérismes de l’astrologie hindoue) servait à suivre la Lune au cours de son parcours mensuel, la Lune restant environ 2 jours et demi dans chaque signe.
-Enfin, le dispositif des 4 étoiles fixes royales permettait de baliser le cycle de Saturne en 4 périodes de 7 ans et peut correspondre aux constellations zodiacales.
Qu’entendons-nous ici par «astrologie du continu » ? La règle du jeu dont dépend le crédit de l’astrologie veut que chaque phase offre une certaine unité, une homogénéité suffisamment palpable. On peut parler d’une temporalité unitaire constituée d’un grand nombre de données convergentes et cumulatives.
Force donc est de constater que l’astrologie actuelle est encombrée d’une masse d’informations inutiles. Comme on l’a dit plus haut, une telle addition de facteurs ne peut se justifier que par une volonté de prévoir les interférences. Mais on bascule alors dans le champ divinatoire quand on cherche à prévoir l’imprévisible, c’est-à-dire ce qui n’obéit à aucun modèle cohérent. L’astrologie ne doit prévoir que le prévisible, c’est-à-dire un processus de développement modélisable.
Comme on l’a expliqué dans de précédents textes, les dieux mythologiques ont d’abord servi à désigner des stades successifs, selon une échelle qui est celle des vitesses de révolution. Cependant, les résultats Gauquelin montrent que le cycle diurne était marqué par le passage de la Lune, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne (cf. nos récents textes à ce sujet). Cette astrologie au rythme très bref peut ainsi être qualifiée de spatiale, dès lors que le temps est aussi court. La seule astrologie qui s’articule sur l’heure et le lieu de naissance est celle de la journée, du fait même de la brièveté du processus. Les autres astrologies n’ont pas besoin de cette information puisqu’elles disposent d’un continuum qui dépasse l’heure et même le jour pour l’une (Lune), le mois et même l’année pour l’autre. (Saturne).
Pour en revenir à l’astrologie conjonctionnelle (Saturne-étoiles fixes royales), chaque période de 7 ans comporte deux temps, l’un « initial » -(droit), l’autre « terminal » (gauche).. Nous sommes actuellement en phase « gauche » de Saturne et ce qui s’est passé ces dernières semaines en Italie est tout à fait emblématique de la « gauchisation » des esprits : d’une part l’inimaginable démission d’un pape, de l’autre l’émergence d’un mouvement organisé autour d’un personnage que l’on rapproche de Coluche et qui vient sérieusement brouiller les cartes, comme une sorte de pied de nez à la classe politique. Ce qui nous intéresse, au regard de l’astrologie, c’est que cette tendance se confirme, se prolonge et non qu’elle soit perturbée par d’autres logiques, ce qui ne manquerait pas de se produire si l’on tenait compte des transsaturniennes, notamment.
L’astrologie a beaucoup plus intérêt à parier sur la continuité que sur le changement, une fois qu’une phase a commencé. Certes, l’astrologue doit-il être en mesure d’annoncer un revirement mais, paradoxalement, c’est plus la reproduction d’un même type de situation qui devrait permettre à l’astrologie de demain de marquer des points. Ce n’est pas tant le changement qui frappe les esprits car par certains côtés, le monde apparait comme chaotique mais bien la confirmation d’une seule et même tendance sur une certaine durée de temps. Nous prônons donc une astrologie de la durée plutôt qu’une astrologie (uranienne) du changement, ce qui exige un modèle d’une grande simplicité. On a trop longtemps parié, chez les astrologues, sur le désordre du monde. Il est temps de s’intéresser aux lignes de force. Cela dit, à l’échelle d’une journée, comme l’a montré, à sa façon, Roger Héquet (cf notre interview pour teleprovidence, à propos de la Bourse), subsite une certaine effervescence discontinue, à une toute petite échelle, celle de la vie privée par opposition à la vie publique. La condition humaine est en effet écartelée entre les contraintes et les incertitudes immédiates et les engagements et programmes qui assurent la continuité de l’Etat.
Jacques Halbronn