Le MANUSCRIT GALLAND
Le « Manuscrit Galland » est un document anonyme, préservé aujourd’hui en collection privée, daté de 1893 à 1897, calligraphié sur 165 pages, recto et verso, comportant une graphie privilégiée et quelques notes marginales mineures au crayon, dont il est très difficile d’identifier formellement le scripteur. Suite à une correspondance reçue de monsieur Dominique Maistre qui nous demande quelques éclaircissements et précisions, nous redonnons volontiers ci-dessous à fin d’études par nos lecteurs, le texte original souhaité qui figure dans le livre Enseignements oraux de M. Philippe de Lyon, publié ce mois-ci aux éditions Arqa.
Voir aussi l’Interview de Gil Alonso-Mier.
Les Chroniques de Mars //
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A l’origine, le « Manuscrit Galland » est un texte reproduit, seulement en partie, avec des erreurs de dates, de nombreuses altérations notables, parfois des contresens, mais aussi quantité de passages volontairement ou involontairement oubliés, par Philippe Encausse, dans son ouvrage Le Maître Philippe, de Lyon. Thaumaturge et “Homme de Dieu”, ses prodiges, ses guérisons, ses enseignements, publié à la Diffusion Scientifique dans les très rares éditions de 1954 et 1955. Au total, sans compter les nombreuses erreurs de tout type, dont certaines importantes sur le sens lui-même à donner aux « Paroles » de Monsieur Philippe, ce ne sont pas moins de vingt-quatre passages de deux à dix lignes qui se trouvent manquants dans l’édition originale de 1954-55 du livre d’Encausse. Cependant, et c’est ce qui fait l’intérêt de notre publication, il nous faut signaler que très peu nombreux sont les spécialistes et les chercheurs possédant l’une et l’autre de cette édition de référence. En substance, et à quelques détails près, la seconde édition de 1955 étant simplement augmentée d’une iconographie supplémentaire, on passe de 223 pages pour l’édition de 1954 à 240 pages pour l’édition augmentée de 1955, (voir cahier iconographique pour la couverture).
L’édition que nous reproduisons ici in extenso, est la seule à ce jour à présenter le texte initial du « manuscrit Galland », préservé dans son intégrité originelle, (voir cahier iconographique pour le document Galland – collection privée). Philippe Encausse expliqua à l’époque qu’une copie du compte rendu de séances en l’hôtel de la rue de la Tête d’Or à Lyon couvrant les périodes d’avril 1893 à mars 1897 se trouvait en possession de l’homme de lettres belge Christian de Miomandre – ceci est précisé dans l’édition de 1954 (page 88), mais n’apparait plus malheureusement dans la version de 1955, (page 113). C’est Christian de Miomandre qui confia le manuscrit original à Philippe Encausse.
L’auteur précise que cette copie avait été faite par le Professeur Emile Bertrand de la Faculté des sciences de l’Université de Liège (1872-1929) sur un exemplaire de M. François Galland, de Nattages (Ain), qui le tenait lui-même de la famille lyonnaise du transcripteur, un « canut » lyonnais ayant assisté personnellement à toutes les séances. Nous avons donc ici décrite rigoureusement, en cinq temps, la véritable chaîne de transmission de ce manuscrit important, de l’année 1893 à l’année 1954, avec tous les personnages de cette chaîne, nommés un par un et ce sans ambigüité aucune, avec la caution finale de Philippe Encausse. Cette édition qui se poursuivra à quatre reprises, entre 1954 et 1955, reproduit en réalité un travail déjà très largement entamé par Philippe Encausse dans : Papus – Sa vie. Son œuvre. Documents inédits sur Philippe de Lyon, maître spirituel de Papus. Opinions et jugements. Portraits et illustrations, aux éditions Pythagore, paru en 1932. L’édition revue et augmentée de 1958 du Maître Philippe de Lyon – Thaumaturge et Homme de Dieu, reprend pour sa part le document Galland incomplet de référence, mais Philippe Encausse a en réalité fusionné plusieurs sources disparates et les « paroles » sont maintenant divisées et classées de façon thématique et par ordre alphabétique – sans dates – sans précisions ni références exactes et avec de nombreuses omissions et ajouts indistincts provenant d’autres sources non citées. Tout ceci dilue complètement au final l’intérêt du manuscrit original dit « Galland » qui était baigné lui, à l’origine, par une chronologie linéaire et une sorte d’aura « magnétique » résultant justement de l’ambiance parfaitement retranscrite par ce canut lyonnais, choisi par Monsieur Philippe pour être sinon le « greffier » privilégié des séances de guérisons prodiguées par le Maître, au moins l’un d’entre eux – et ils furent nombreux.
A partir de 1958, et pour les différentes éditions successives du Maître Philippe de Lyon – Thaumaturge et Homme de Dieu, on constatera des différences notables de transcriptions qui ajoutent encore à la confusion – le classement des citations dressé par Encausse débute avec l’ÂME et finit avec la VOIE. Ce sera la construction finale qui sera conservée plus tardivement dans les éditions ultérieures de 1966 (éditions Traditionnelles), puis 1970 ; pour arriver à la dixième (1980) et onzième édition (1990 et suivantes). La trace originelle du manuscrit du canut lyonnais est alors bel et bien perdue.
Dans son ouvrage intitulé Les carnets de Victoire Philippe – Le Mercure Dauphinois, 2006, page 10, l’auteur Philippe Collin prétend que Philippe Encausse publia intégralement un des trois carnets de Victoire, la fille de monsieur Philippe, dans son édition de 1954 du Maître Philippe de Lyon, mais ce sans en apporter la preuve. Il soutient que la copie du premier de ces carnets a été faite par le professeur Emile Bertrand, de la Faculté des Sciences de l’Université de Liège (1872-1929), mais qu’on l’a attribué par erreur (sic) à un canut lyonnais sans savoir : « qu’il était de la fille du Maître », nous dit Collin. Cette allégation se trouve être sans fondement aucun et n’est étayée par aucune justification matérielle, ni documents d’archives. Aucune transcription conséquente de plus de trois lignes, de la main de Victoire Lalande n’a été produite à ce jour, pour corroborer une telle affirmation relativement à l’édition d’Encausse, d’autant que la graphie de la main de Victoire est bien différente de celle du manuscrit Galland que nous reproduisons et l’équivalence reste donc à démontrer. Le seul fragment de document (seulement quelques mots de la main de Victoire), présenté par Philippe Collin dans son ouvrage se situe en page 12 : « faites le bien, mai] [le saches pas. Si un] [les recouvrit de terr] », correspondrait – après vérification de notre part – à la page 5 du manuscrit Galland en date du 27 avril 1893, c’est cependant – et en l’état des choses – très largement insuffisant pour accorder la paternité globale dudit manuscrit à Victoire Lalande, quand on sait que le document original que nous avons consulté en archives privées fait lui-même dans sa totalité 165 pages et, comme nous l’avons souligné précédemment, il y avait de nombreux scripteurs au cours des séances de guérisons de Monsieur Philippe – beaucoup de compte-rendus de séances de différents écrivants se recoupent en réalité partiellement et forment un corpus de textes qui restent à ce jour à définir concrètement dans leurs chronologie définitive.
En outre, sur le texte de Victoire Lalande proposé par Collin, la correction supposée par l’auteur « de la main du docteur Lalande » est elle aussi hypothétique en l’absence de présentation de documents circonstanciés. Par ailleurs, dans la même veine, ce même auteur pour étayer son propos où Victoire citerait son père, Collin renvoie le lecteur dans sa note 4 (page 10), à l’édition originale d’Encausse de 1954, en citant la phrase suivante : « Papa fait une expérience à l’appui sur les malades qui sont soulagés, pour la petite fille a la grosse tête, puis ensuite pour un homme tuberculeux, encore une autre pour une dame mélancolique qui après va mieux ; vient après un petit enfant paralysé a qui papa fait grand bien… ». Cette phrase intéressante, puisque Victoire cite son père Monsieur Philippe en pleine séance de guérison, citation qui corroborerait effectivement une possible transcription de Victoire Lalande dans un carnet, figure selon Collin en page 88 de l’édition originale d’Encausse, publiée en 1954, comme nous l’avons vu. Le problème est que cette citation, rapportée par Philippe Collin, n’existe absolument pas dans l’édition originale de 1954. Ni à la page 88, ni dans le livre lui-même, et cela est aisément vérifiable par tout chercheur. Pas plus d’ailleurs que dans l’édition augmentée de 1955. Il ne se trouve à la page 88 citée par Philippe Collin rien de commun, si ce n’est la confirmation précise que le texte émane bien effectivement d’un « canut lyonnais », comme nous l’avons écrit plus haut, et ce avec l’appui incontournable du témoignage de Philippe Encausse.
De plus, on ne trouve nulle part aucune référence à la fille de monsieur Philippe et pas la moindre esquisse de citation non plus dans le texte de référence que nous présentons pour la première fois in extenso. Les « carnets de Victoire » présentés par monsieur Collin n’offrent quant à eux aucune date et les paroles sont encore bouleversées – à la manière Encausse – « classées » par mots clefs… Bref, on ne retrouve aucune information semblable dans la transcription Galland et cette façon de faire est d’ailleurs – en soi – à l’inverse du manuscrit original et sans doute même de la pensée de Monsieur Philippe lui-même qui insistait longuement sur la spécificité individuelle de chacune de ses « paroles ». Dans l’attente future de la production par Philippe Collin de tels documents originaux, datés de la main de Victoire, sur une durée de quatre années, nous sommes obligés d’être plus que circonspects sur le bien-fondé de telles affirmations non sourcées. D’autant plus que lorsque la transcription du manuscrit Galland débute – au mois d’avril 1893 – Victoire Lalande, née Philippe, n’a alors que… quatorze ans !
On imagine mal, à ce moment précis, la jeune adolescente assister aux séances de guérisons de son père alors que les bancs publics de la nouvelle école prônée par Jules Ferry l’attendent encore pour ses études. Pour notre part, dans le cadre de nos éditions, l’intérêt de la version inédite que nous proposons aujourd’hui est qu’elle restitue, pas à pas, chronologiquement, l’ambiance fantastique qui régnait alors rue de la Tête d’Or, lors des séances de guérisons orchestrées en public par monsieur Philippe. Nous avons tenus à laisser le texte dans cette ambiance d’époque avec les petits détails, descriptions sommaires, « bruits de couloirs », etc., notés alors consciencieusement dans ce cahier par un simple ouvrier tisserand, annotations qui font véritablement tout « le sel » de cette aventure à nulle autre pareille, qui se déroula à Lyon, à la fin du XIXe siècle…
[LES CHRONIQUES de MARS – Septembre 2013 © ARQA éditions – Enseignements oraux de M. Philippe de Lyon, (extrait).