I – Dans l’œil du cyclone.

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« Eyes Wide Shut est un film presque aussi cosmique que 2001, l’Odyssée de l’espace. »

Laurent Vachaud

Le mois dernier Gino Sandri avec son étude sur le « Grand Lunaire », société secrète alchimico-érotico-satanique de la fin du XIXe siècle, à laquelle participèrent des personnalités aussi controversées et sulfureuses que Maria de Naglowska, Jean-Julien Champagne, René Aor Schwaller de Lubicz, Gaston Rouhier ou encore Jean Marques Rivière…, personnages tous aussi équivoques les uns que les autres, Gino Sandri posait donc par ricochet dans son livre la question très pertinente de savoir « à quoi servent » ce type de sociétés nauséeuses susceptibles de véhiculer une contre-initiation patente sous couvert d’initiation « luciférienne ». Pseudo-initiation qui tombait bien vite dans la caricature grandguignolesque et la perdition extrême. L’Adepte Fulcanelli ne se trompa d’ailleurs pas, puisqu’il exclut aussitôt informé de son cercle privilégié le pauvre déshérité Julien Champagne, mort par la suite de la pire des manières dans les atroces souffrances de la gangrène, ce qui symboliquement en dit beaucoup sur le personnage sulfureux qu’il était. Sandri de son côté concluait savamment son ouvrage en laissant entendre que ce type de sociétés occultes avait encore cours de nos jours, sans entrer dans plus de détails…

II – Des yeux ouverts et les paupières closes.

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« I don’t think you realize what kind of trouble you were in last night. Who do you think those people were? Those were not just ordinary people there. If I told you their names – I’m not gonna tell you their names – but if I did, I don’t think you’d sleep so well. »

 

Eyes Wide Shut

C’est pourtant, à sa manière, ce que fera Stanley Kubrick dans son dernier film « Eyes Wide Shut » (Les yeux grand fermés), sorti en 1999, en réactualisant de façon plus au moins romanesque , mais aussi largement cryptée, ce type de société occulte. Soulignons au passage que le film est basé sur le roman « Traumnovelle » d’Arthur Schnitzler publié en 1926. Stanley Kubrick dans cette œuvre fort complexe et en réalité bien dérangeante, sous couvert en apparence d’un vernis érotique de pacotille – l’œuvre surprit somme toute la critique à sa sortie – parlait à demi-voix de façon sous-jacente, entre autres, de la Scientologie et surtout de sa propre fille, aux prises avec cette association, qualifiée tout autant de « religion » par les uns que de « secte » par les autres. Le choix de Tom Cruise dans le film par Kubrick découle d’ailleurs de là… Certains critiques américains à la sortie du film tentèrent bien de démontrer que celui-ci s’apparentait dans son expression baroque à une forme de déroulement de rituel de magie sexuelle tantrique de type crowleyienne, mais l’on sentait bien que cela n’était pas suffisant.
A la suite récemment, en 2013, faisant un travail d’analyse critique remarquable, Laurent Vachaud dans un article subtil et un documentaire de qualité expertise avec minutie le film du cinéaste américain en réussissant à décoder des pans entiers du voile d’Isis qui masquaient parfaitement cette aventure d’un « couple moderne » naviguant avec insouciance entre les obscurs quartiers oniriques d’un N-Y nocturne et une richissime demeure en forme de « crypte » de la banlieue américaine… Les caves du feu de l’Enfer, en somme, revisitées à la mode bling-bling.

III – Un troisième œil.

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« Saul se releva de terre, et, quoique ses yeux fussent ouverts, il ne voyait rien ; on le prit par la main, et on le conduisit à Damas. »

Actes IX-8.

L’auteur et scénariste Laurent Vachaud dans ce remarquable article publié en janvier 2013, dans la revue « Positif », article intitulé « Le Secret de la Pyramide » donne selon nous des clefs plus qu’essentielles à la bonne compréhension du fonctionnement de ces sociétés occultes et secrètes. Cet auteur, avec toute sa science, en tant que scénariste, participera ensuite à un documentaire de 29 minutes absolument étonnant de synthèse et d’analyses intitulé : « Kubrick & The Illuminati », réalisé par la société Gasface, avec la participation notable de Michel Ciment.

Sans nous laisser piéger par le terme « d’illuminati » à la sauce Dan Brown, terme un peu facile et trop à la mode qui recoupe beaucoup de sens mal compris, il faut selon nous prendre absolument connaissance de ce documentaire. Il ouvre en effet, véritablement, pour le cherchant des portes induites, et pour celui qui saura également comprendre les différents sens et symboles disposés en strates, tirer certains fils invisibles non évoqués dans le documentaire et que l’on ne peut discerner vraiment que si l’on revoit à nouveau ce film noir de Kubrick, à la démarche lugubre et encombrante comme une œuvre testamentaire, grâce à la nouvelle grille de lecture que nous propose Laurent Vachaud.

Comme pour l’artiste visionnaire, le devoir du cinéaste, n’est-il pas d’avoir un œil ouvert et un œil fermé derrière l’objectif d’une caméra, pour donner à voir dans le filtre de son univers parallèle sa propre réalité, fut-elle inquiétante au possible… ?

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« Kubrick & The Illuminati » scénario Laurent Vachaud

1 – Le film que nous présentions ici en 2013 a été censuré par Youtube et ne s’y trouve plus…

2 – En 2021, nos recherches sur le web nous permettent de remettre à nouveau un lien qui vous permettra de revoir ce documentaire exceptionnel, passionnant et si riche en révélations de toutes sortes, tant au plan cinématographique que symbolique…



Jacques ERLICH – Novembre 2013 // pour les Chroniques de Mars © No 13.

LIRE aussi // Eyes Wide Shut est-il un requiem pour la fille disparue de Stanley Kubrick ?

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