Les Chroniques de Mars // Daniel Nappo bonjour, et merci d’avoir bien voulu répondre à nos questions pour la sortie de ton livre « Dans le secret des Loges – De la Franc-Maçonnerie oubliée à la Tradition Primordiale », publié chez Arqa. C’est un sujet que tu connais très bien pour y avoir consacré de nombreuses années d’écriture… Avant de débuter cet entretien, cher Daniel, peux-tu te présenter d’abord à nos lecteurs et nous parler un peu de ton parcours personnel et de tes différents centres d’intérêts concernant la Tradition ?
Daniel NAPPO // Se retourner sur 70 années d’une vie bien remplie, tant professionnellement parlant que sur le plan familial, questionne sur le sens des événements qui composent le passé de chacun, car c’est ce qui nous rend singuliers. Ce sont bien les étapes propres à nos êtres, à nos existences, qui déterminent les différences, plus que le fait d’avoir appartenu au « baby-boom », à la classe moyenne, sinon à tel ou tel autre milieu socio-professionnel ou culturel. Plus que jamais à l’heure de la Covid 19, louons les avancées de la médecine, le progrès social, la recherche… et tout ce qui concourt à l’allongement de la durée de la vie ; dans des conditions meilleures que celles de nos aînés. Pour le reste, nos choix libres, parfois forcés, nos réussites, nos échecs, ne sont qu’autant de segments posés sur la courbe de Gauss actant, le début, la fin, l’apogée, du temps qui nous est imparti.
Le détail de ce que nous en avons fait appartiendra pour la plupart d’entre nous à la postérité des statistiques de masse, c’est-à-dire à l’oubli le plus total. Vouloir être Napoléon, Chateaubriand ou Victor Hugo n’est pas à la portée de tout le monde. J’ai donc décidé, sans égoïsme ni fausse modestie, d’être utile à moi-même, aux miens, à mes proches et aux amis qui ont bien voulu m’accorder leur confiance. J’ai donc commencé, abandonnant le lycée avant le baccalauréat, par une vie d’ouvrier. Né à Marseille, devançant l’appel du Service militaire, il fut facile à 20 ans, l’armée accomplie, de travailler au port dans la Réparation Navale durant quatre années, en effectuant un métier de chaudronnier sur les supertankers. Tout y était gigantesque, hors-normes, colossal. Tout comme le danger des travaux au fond des bassins de radoubs, à la coque, sur les échafaudages, dans la salle des pompes, les chaudières ou le haut des mâts. Le risque d’accident grave, la mort brutale, étaient le quotidien des équipes. On y apprend donc la vraie vie, celle qui a un prix : le prix de demeurer en vie. Car marié et rapidement père de famille, seul le courage de devoir rapporter un salaire suffisant et honnêtement gagné, m’obligeait à ne pas me poser trop de questions sur les risques encourus.
A l’époque, plus que certains je pris rapidement conscience de la précarité de cette existence bien payée mais risquée, cela dans un contexte de crise pétrolière annoncée. Quelques économies, l’Examen Spécial d’Entrée en Université en poche me permirent de démissionner, reprendre les études et/ou d’échapper au pire. Trois années plus tard j’étais licencié, mes anciens camarades ouvriers eux aussi, mais pas comme moi à l’Université en Histoire-Géographie, eux étaient licenciés par leur Employeur (la Société Provençale des Ateliers Terrin « SPAT » à Marseille). 1945-1975, il en était fini en France des trente glorieuses ! Le choc pétrolier signait la fin d’un modèle économique sans pour autant marquer la fin du pétrole lui-même.
Dès lors, l’Université fut pour moi une providence. Professeur, puis proviseur, et enfin retraité… mon regard de la vie n’a cependant jamais cessé de se faire par le prisme de ce vécu particulier d’ex-ouvrier de l’Industrie, transposant dans l’intellectualité acquise, cette expérience du travail manuel difficile. Certes, il ne s’agissait plus de devoir sauver sa peau tout en accomplissant sa besogne, mais simplement de demeurer dans le vrai, l’utile, le respect de la tâche effectuée en groupe, tel que l’imposait le chantier dans la réparation navale. Entrée en franc-maçonnerie (GLNF) à 43 ans, j’ai davantage apprécié l’importance de mon passé de labeur et de remise en question permanente, de travail sur soi. Et d’autres concepts ont alors pénétré en moi : rassembler ce qui épars, discerner l’essentiel du superflu, l’important de ce que qui l’est moins, apprécier la nature contextuelle des choses, des gens, des situations… En un mot : rechercher, puiser jusqu’au fond du fond de sa propre limite, l’impalpable ; inlassablement, avec une attention constante, un peu à la manière dont l’archéologue recherche, gratte le sable grain après grain, pour retirer un fragment d’artéfact, afin de reconstituer l’objet pour en déterminer, sa facture, son âge, l’origine de sa production, celle de la civilisation, pourtant invisible à ses yeux, que la fouille découvre et renseigne.
Dans cette quête maçonnique, j’ai imaginé que la dimension industrielle des colosses des mers, transporteurs de fret ou de containers, géants d’acier toujours plus volumineux, plus modernes, était à l’égal des réseaux informatiques, toujours plus rapides, à la fois plus efficaces et mondialisés.
Que paradoxalement les deux en représentaient les mêmes dangers :
gigantisme/déshumanisation,surproduction/surinformation, …
pollutions/désinformations, dépendances/addictions, épuisement/volatilité…
Mais que l’un, le transport maritime du pétrole brut, ses lieux de production ou de transformation, constituaient dans nos avancées modernistes, un pavé noir sur l’échiquier mosaïque et qu’il ne pouvait en être autrement au vu non seulement de la couleur du produit d’origine, mais aussi des enjeux internationaux et des nations productrices dominantes et polluantes, tandis que l’ère du numérique s’apparentait elle, au pavé blanc, en sa qualité possible de distribution planétaire ubiquiste, accessible à tous, vertueuse et libératrice, si telle était notre volonté.
A l’ère du « tout-pétrole » succédera vraisemblablement celle du « tout-numérique ». A l’heure où la capacité des gisements énergétiques fossiles s’épuise, celle des ressources d’informations devient exponentielle et prépondérante dans le quotidien de nos vies. La dématérialisation s’opère à grands pas.
L’ère du Kali-Yuga (cycle d’une humanité décadente, âge sombre, mis en évidence par René Guénon), serait-elle en train de se produire ? Nos sociétés modernes de consommations héritières du siècle des Lumières, arriveraient-elles au terme de leur évolution ?
Par définition, l’humain-numérique en devient moins matérialiste, face à son clavier d’ordinateur c’est le monde entier et sa globalité virtuelle qui s’offre à lui et lui donne à penser, comprendre, expliquer ses actes, sachant qu’il peut y avoir là, le germe d’une spiritualité et d’un surcroît d’humanisme.
Mais pour accéder à la Sagesse divine, un apprentissage est nécessaire, il y aura des échecs, des supercheries, toutefois le besoin légitime de voir l’Humanité sortir enfin de l’ « ère de fer », du cycle des affrontements mortifères, des injustices, inégalités, prédations, escroqueries en tous genres, est urgent et patent. Progressivement la tendance à retrouver du sens, le sens de nos vies, l’échange fécond, s’imposent partout où le numérique progresse. Le secret n’a pas encore dépassé la porte de nos loges maçonniques, mais l’âge d’or de la Tradition (l’ère du Satya-Yuga) est à notre portée. Reste à faire la démonstration que dans cette « poubelle internet », déversoir de nos peurs, de nos envies, de nos images familières, le bon grain se distinguera aisément de l’ivraie, pour que nous puissions (re)trouver le chemin des vérités oubliées, fussent-elles des personnes, des structures, des institutions, des textes, des symboles, des projets, ignorés, osons écrire, volontairement cachés car bien trop vertueux et inutiles dans un monde inégalitaire en perdition. On dit que la vérité est au fond d’un puits, alors qu’enfin grâce au tout-numérique, ce soit elle qui jaillisse au grand jour et non plus cet « or noir » dont depuis plus d’un siècle, les (al)chimistes modernes qui en tirent du pétrole, ont fait leurs richesses à coup de guerres, de pétrodollars, de pollutions dévastatrices, engendrant des territoires disparates, où le risque d’explosion spatiale est latent, tant l’hyper-richesse économique y jouxte l’hyper-misère.
Les Chroniques de Mars // Daniel, ton livre possède plusieurs chapitres très différents dans les thématiques abordées, – (nous laisserons le soin à nos lecteurs de se reporter au sommaire pour voir de quoi il en retourne…) – Cependant un chapitre particulier sort vraiment du lot, tant tes recherches personnelles sur le sujet sont éminentes. Le terme « dans le secret des Loges » fait bien sûr référence à la notion de secret, ou tout au moins à la discrétion élémentaire dispensée dans les Loges, mais la « Franc-maçonnerie oubliée » est un sujet peu banal qui fait au premier chef référence à un personnage bien méconnu, je veux parler de George Payne, peux-tu nous dire qui était ce personnage d’exception… et en quoi il est le pivot de ta démonstration ?
@ suivre…
Entretien avec Daniel NAPPO # 1 // Les Chroniques de Mars » © – juillet 2021.
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