Rennes-le-Château est à l’honneur ce mois-ci aux éditions Arqa. Après les tomes 1 et 2 publiés en 2015, deux rééditions très attendues ce mois-ci sur le site des éditions, avec deux nouveaux livres de Franck Daffos, les tomes 3 et 4 des « Chroniques de Rennes-le-Château ».
Tout d’abord « L’Affaire des carnets – Réponse à Octonovo », présenté avec une nouvelle préface de Franck Daffos (un extrait est à découvrir ci-dessous). Ce livre qui fut un véritable bestseller lors de sa sortie – il y a huit ans déjà – et qui permit alors de remettre « l’église » au centre du petit village audois…, Laurent Buchholtzer alias… « Octonovo » qui avait alors réalisé – pour lui-même – la fiche de lecture de ce magnifique livre s’en souvient encore…
Et puis, autre tome en réédition, « L’Or de Rennes… », ouvrage coécrit avec Didier Hericart de Thury, publié en juillet 2011, livre qui eut l’honneur, en son temps, de faire le journal de 20 heures de TF1, en cet été 2011.
Ces deux livres de combat, fort appréciés des connaisseurs, méritaient grandement une nouvelle édition qui confirme, si besoin était, l’immense travail d’études et de recherches mené depuis deux décennies par ce chercheur hors pair qu’est Franck Daffos. Deux livres à retrouver sur le site des éditions et des extraits sur notre WebZine dès aujourd’hui… !
EXTRAIT DU LIVRE
(…)
Pour revenir au tableau de Teniers, nous laissons aux fins observateurs le plaisir de l’ausculter à loisir. Ils y trouveront bien d’autres choses encore : entre autres une église qui n’est pas sans signifier comment devait être celle de Rennes-le-Château à la fin du XVIIe siècle, et dans l’arrière plan une montagne bien connue de la région …
Ce tableau, nous venons de le voir, est en partie basé sur des visuels facilement compréhensibles en français, langue qui pourtant n’était pas celle de David Teniers le jeune. Son concepteur ne put donc être qu’un français dont il est facile de retrouver la trace, sachant que le tableau est daté de la deuxième partie des années 1670…
Tous ceux qui se sont intéressés à l’histoire du Razès durant le XVIIe siècle n’ont pu que constater l’affrontement latent sur plusieurs décennies entre le Roi de France, Louis XIV, et Mgr Nicolas Pavillon, évêque d’Alet. On le sait, ce dernier ne plia jamais l’échine, et que ce soit sur fonds de querelle janséniste ou de chicaneries administratives à propos de la régale , Louis XIV caressa toujours l’espoir secret de se débarrasser de ce trop encombrant prélat auréolé d’une extraordinaire réputation de sainteté.
En 1675 pourtant, le sort sembla enfin sourire au monarque. Pavillon, très gravement malade est donné pour mort : ses jours sont comptés assure-t-on ! Pourtant, les semaines et les mois passent et miracle, l’homme se remet. Exaspéré, le Roi, ne pouvant s’en prendre directement à lui, s’en remit à la mesquinerie de totalement l’isoler dans son diocèse en le privant de ses deux principaux collaborateurs. Par lettres de cachet dès juin 1676, le fidèle Vincent Ragot, chanoine et promoteur du diocèse d’Alet, défenseur de monseigneur lors de tous ses procès, est relégué à Brive sans espoir de retour. Un peu plus tard c’est au tour de Louis du Vaucel de quitter à jamais le Razès.
La vie de Louis-Paul du Vaucel, malgré quelques zones d’ombre, nous est assez bien connue : fils d’un conseiller influent d’Evreux et né en 1641 à la paroisse Saint Thomas de cette ville, il fit de solides études de théologie, de belles lettres et de droit (il maîtrisait le latin, le grec et l’hébreu) qui l’amenèrent logiquement à la carrière d’avocat . À 25 ans, malgré son jeune âge, il est pressenti pour devenir l’intendant de la maison du puissant duc de Roannés, mais sous l’impulsion d’un de ses amis prêtre, l’abbé Charles Feydeau, qui juge qu’il se gâcherait dans une vie civile, il rejoint avec lui le diocèse d’Alet où il rencontre Nicolas Pavillon le jour de la Sainte Catherine 1666. L’évêque ne le laissera pas repartir et scellera définitivement son destin en le prenant d’abord dans son séminaire d’Alet au simple poste de portier, puis en en faisant bien vite un prêtre qu’il ordonna lui-même, avant que de l’envoyer faire ses classes comme théologal à la collégiale de St Paul de Fenouillet, à l’époque dépendant de son diocèse. Brève parenthèse qui le revit rapidement revenir à Alet en tant que chanoine et théologal de la cathédrale, chargé de la direction du séminaire. À ce poste, il devint le secrétaire et l’un des principaux hommes de confiance de Pavillon. À tel point que l’évêque tint à en faire, avec son ami Feydeau et Simon Pélissier, archiprêtre d’Alet, l’un des 3 exécuteurs de ses toutes dernières volontés dans son testament en date du 9 octobre 1676 .
Ascension très rapide, certainement peu étrangère à son amitié avec Antoine Arnauld (1612-1694), propre frère d’Angélique et Agnès Arnauld, les deux charismatiques mères supérieures successives de Port Royal des Champs. Antoine Arnauld , mathématicien , grand théologien, figure emblématique de la rhétorique et de la lutte janséniste, fut aussi très proche de Blaise Pascal et de la duchesse de Longueville qui le cacha un temps dans son hôtel particulier de Paris.
Si la date de la lettre de cachet concernant Louis du Vaucel qui le reléguait en principe à Saint-Pourçain en Auvergne est difficile à préciser, la plupart des rares biographes qui se sont intéressés à lui s’accordent pour lui faire quitter Alet le 5 août 1677, emportant avec lui la majorité des archives de Pavillon. Il semblerait alors que, sans attaches, il ait un temps parcouru les Flandres Espagnoles d’adresses de sympathisants jansénistes à celles d’opposants à Louis XIV.
Sa présence est ensuite attestée en 1681, à Delft, en compagnie d’ Antoine Arnauld, dit le grand Arnauld, le théologien de Port Royal, qui passa 14 mois avec lui , et qui finit par l’envoyer défendre en octobre 1682 la cause janséniste auprès du Pape qui le reçut à plusieurs reprises . Cette vie d’ambassade secrète au Vatican, sous plusieurs identités d’emprunt , aurait duré, suivant les auteurs, de 10 à 20 ans. Mais victime de son zèle et de quelque complot de cour, il fut obligé par le Pape Clément IX à se retirer de Rome et de l’état ecclésiastique. D’abord réfugié à Padoue, il se vit définitivement expulsé d’Italie, pour revenir incognito à Paris, puis à Liège ensuite, puis de nouveau à Bruxelles et enfin en Hollande où il mourut d’apoplexie à Maastricht le 22 juillet 1715. Peu de temps avant, il y avait appris la mort de son ami Vincent Ragot qu’il n’avait jamais revu.
Durant son exil, Louis du Vaucel s’attacha à classifier, ordonner et mettre en forme tout ce qu’il avait emporté d’Alet : un important amas d’archives se présentant sous la forme d’une extraordinaire compilation de tout ce qui touchait à Pavillon depuis le début de son épiscopat. Les moindres courriers reçus par l’évêque et tous ses brouillons avaient été pieusement gardés, archivés, répertoriés, et commentés. Ce véritable travail de bénédictin permit, en grande partie du moins, la rédaction d’un ouvrage de référence, « La vie imprimée de M. D’Alet » dont découlèrent ensuite toutes les biographies de Nicolas Pavillon. Il fut aussi l’auteur, toujours anonyme, d’une quantité d’ouvrages et de traités théologiques.
C’est donc à Bruxelles, où David Teniers le jeune avait déménagé son atelier depuis 1651, et entre 1677 et 1679, que Louis du Vaucel passa commande du Saint Antoine Ermite et les 7 péchés capitaux qui nous intéresse. Comme il fallait impérativement que ce tableau ne s’altère pas, il imposa sa réalisation sur cuivre, pour une meilleure tenue dans le temps.
David Teniers II dit le jeune (Anvers 1610 – Bruxelles 1690) fut l’une des figures marquantes de la peinture du XVIIe siècle. Formé à l’atelier de son père David Teniers I, il fut un artiste prolixe et de très grand talent mais hélas trop souvent guidé par une vénalité avérée. On dit même qu’il épousa sa première femme, Anne, fille de l’immense peintre Jan Bruegel l’Ancien dit de velours, uniquement pour récupérer les clients de son beau-père et parce qu’elle était la pupille du célèbre maître Pierre-Paul Rubens. Il est de fait que toute sa vie, Teniers le jeune courut après l’argent et les honneurs, tentant même à deux reprises de se faire anoblir . Il faillit y réussir une première fois, mais en retour il aurait dû renoncer à son métier de peintre et de marchand de tableaux pour ne plus travailler conformément au code de la noblesse. Il ne put se résoudre à sacrifier la source d’autant de revenus.
D’autant qu’exécutant brillant et extrêmement rapide, Teniers le jeune pouvait faire un tableau en un seul jour : l’argent coulait à flot…
Certainement très intrigant, il sut se rendre indispensable aux puissants du royaume. C’est ainsi qu’en plus des revenus de son atelier, il bénéficia longtemps de (…).