L’apparition formelle des trois Manifestes de la Rose-Croix, en 1614, 1615 et 1616, marque trois dates mémorielles dans l’Histoire de l’Hermétisme occidental. Passé quatre siècles, elles marquent aussi un anniversaire en forme de pierre blanche posée sur la ligne du temps, en signe sacramentel. Un signe des temps mais aussi un sceau de cire rouge orné d’une rose pourpre, en relief, pour signifier à chacun, au passant, au questeur, à quel point les écrits de l’Ancien Ordre mystique sont fondamentaux pour toute quête initiatique authentique.
Les éditions Arqa se devaient de saluer à leur manière ce moment si important, en cette date anniversaire, pour commémorer les quatre-cents ans de la Fama, de la Confessio et des Noces, et pour ainsi faire œuvre utile en présentant de nombreux documents inédits sur ces « Frères invisibles ».
Bien qu’il existe de nombreux ouvrages qui exposent la philosophie et la doctrine, a contrario de ce qu’ils étalent comme formules, matériaux et manipulations, une des principales énigmes concernant l’alchimie réside dans ce qu’ils ont désigné comme le « Parergon »…
Il semble bien que toute réalisation possible soit ici intimement connectée et dépendante d’une autre relecture du monde ; à un vécu intense du mythe, une poésie, un rêve, une métalinguistique et une façon unique de conceptualiser et de renommer différemment les choses d’ici et de l’au-delà. J’entends une nette et première distinction entre ce qu’est un objet et ce qu’est le genre ; entre le particulier et l’universel et l’utilisation d’un langage plus fluide et riche en symboles, avec lequel on puisse à la fois se formuler les choses à soi-même et interroger différemment l’univers ; un langage qui connecte aux archétypes et à l’universel et qui aimante comme une magnésie. Les textes sont tissés de jeux de mots et avec les mots, de rébus, de charades, d’axiomes, de calembours, de contes et de comptines, de devinettes et d’une immense iconographie mettant en jeux des mythes, des dieux, des gnomes et des fées, des Anges, des cimetières et des nuages…
On joue ici avec les différentes langues naturelles, actuelles ou anciennes en les comparant, et avec les phonèmes en supposant bien évidemment que l’on connaisse le moyen de « tourner » ces différentes langues. On aurait donc tort de penser que les langues sont délivrées ici comme de simples outils d’analyse, et que les alchimistes, comme je le dis précédemment, s’en sont servi pour faire avancer un éventuel lecteur. La majeure partie de ces comptes rendus relèvent donc du jeu et ils n’ont quasiment en rien pour finalité l’information, telle que l’on entend communément la chose. C’est un autre langage pour lequel la fonction ludique – parmi les diverses fonctions des langues – paraît centrale. Il induit à dissoudre et à déconstruire le monde, en le rêvant à nouveau, et laisse ainsi supposer que son ultime, pragmatique et solide réalité est coagulée et dissimulée au sein de la fiction.
En Alchimie, il n’y a donc quasiment rien à apprendre et quasiment tout à revoir ou à oublier. J’entends ici, tout ce qui concerne l’observateur, et la nature ou les instruments de son observation. Ce côté, disons philosophique, moins secret selon toute apparence, voire généralement négligé, est cependant bien plus difficile à énoncer et à mettre en pratique que les secrets – forts simples au demeurant – concernant l’officine. De leur temps, à ces époques de Foi ou Dieu, les Anges et les miracles allaient de soi, les alchimistes occidentaux ont souvent précédé leurs relations sur le Grand Œuvre par cinq mots. « Prends au Nom de Dieu….. ». Cela paraît clair, net et définitif ; ils se référaient ainsi à l’Absolu et très certainement, pour la plupart d’entre eux, bien que je ne sache pas ce qui se formulait dans d’autres régions du monde, ils tentaient d’accorder leur vie au plus près avec les universels préceptes d’amour et de charitable distribution des richesses, « reçues par Don » comme le dit Rabelais, et qu’enseignent en principe toutes les grandes révélations. Pour le moins, ils présentaient que le fruit de cette rarissime conjonction de la Grâce et de leur labeur, « la Grande Cire Rouge », ne leur avait été que confiée et que l’immense tâche consistant à conformer désormais leurs vies à ce miracle restait à faire, à dire et à taire, comme le précise l’incontournable devise (…)
François TROJANI (extrait de L’Héritage de Christian Rosencreutz) – Les Chroniques de Mars, numéro 22 – novembre – décembre 2016.
1614-1615-1616 – 2014-2015-2016
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // L’héritage de Christian Rosencreutz
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // Préface de la « FAMA » de 1615 – Édition de Dantzig
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // Table des Matières
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // Index nominum
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // Cahier iconographique – De quelques documents inédits
Gil ALONSO-MIER // Christian Rosencreutz, une incroyable gravure
Gil ALONSO-MIER // L’Auberge du Cœur blanc – La Loge Rosicrucienne de Saint-Albans
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Gil ALONSO-MIER // La « Fraternitas Thesauri Lucis » ou la Fraternité du Trésor de la Lumière
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Thierry E. GARNIER // « La Rose numérique » – Un document Rose-Croix inédit – De Simon Studion à Jacques Breyer
François TROJANI // De l’antique mystique des Rose-Croix du XVIIe siècle à l’Alchimie contemporaine
François TROJANI // ERGON et PARERGON
François TROJANI // L’Esprit et l’Être
François TROJANI // Les Rose-Croix et l’Alchimie
RAFAL T. PRINKE // Une copie manuscrite du D.O.M.A
RAFAL T. PRINKE // « Lampado Trado » – De la Fama Fraternitatis à la Golden Dawn
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