L’apparition formelle des trois Manifestes de la Rose-Croix, en 1614, 1615 et 1616, marque trois dates mémorielles dans l’Histoire de l’Hermétisme occidental. Passé quatre siècles, elles marquent aussi un anniversaire en forme de pierre blanche posée sur la ligne du temps, en signe sacramentel. Un signe des temps mais aussi un sceau de cire rouge orné d’une rose pourpre, en relief, pour signifier à chacun, au passant, au questeur, à quel point les écrits de l’Ancien Ordre mystique sont fondamentaux pour toute quête initiatique authentique.
Les éditions Arqa se devaient de saluer à leur manière ce moment si important, en cette date anniversaire, pour commémorer les quatre-cents ans de la Fama, de la Confessio et des Noces, et pour ainsi faire œuvre utile en présentant de nombreux documents inédits sur ces « Frères invisibles ».
L’idée d’un nouveau calendrier était donc dans l’air depuis plusieurs décennies. En cette fin de XVIe siècle, le calendrier en usage était encore le calendrier julien, établi par Jules César en 45 avant Jésus-Christ, d’après les connaissances de l’époque…
On pensait alors que le soleil tournait autour de la terre, en se décalant très légèrement de jour en jour, de sorte qu’il fallait 365 jours pour que le soleil revienne au même point de l’horizon. Mais comme au bout de quatre ans il y avait un jour de décalage, on en avait déduit que l’année solaire était de 365 jours et 6 heures. Pour rattraper ce quart de jour le calendrier julien rajoutait donc un jour à l’année tous les quatre ans, les fameuses années bissextiles. Mais en réalité l’année solaire dure onze minutes de moins. Au fil du temps, ces minutes s’étaient transformées en jours, ce qui provoquait un décalage dans les saisons. Pour remédier à ce problème, il fallait d’une part gommer le retard accumulé en supprimant une dizaine de jours, d’autre part veiller à ce que cela ne se reproduise plus à l’avenir en supprimant trois bissextiles par période de quatre siècles, soit toutes les années centenaires non multiples de 400 (c’est ainsi que l’année 2100 ne sera pas bissextile).
Il était nécessaire qu’une autorité supérieure aux nations, habilitée de plus à déplacer les dates des fêtes religieuses, prît la décision de réformer le calendrier. À l’époque, seul le pape pouvait remplir cet office. C’était aussi une manière d’affirmer la supériorité de l’Église catholique et romaine, alors que la religion réformée montait en puissance. Il revient au pape Grégoire XIII d’avoir pris la décision officielle, par la bulle Inter gravissimas délivrée le 24 février 1582, d’adopter ce nouveau calendrier, dit « grégorien ».
Pour la fin du calendrier julien, la bulle prévoyait la date du 4 octobre 1582 : le lendemain on passerait directement au 15 octobre, et le calendrier grégorien entrerait en vigueur. Cela laissait le temps à l’ensemble du monde chrétien de se mettre au diapason. Mais pourquoi le 4 octobre ? On aurait pu en effet passer du 30 septembre au 11 octobre. Mais supprimer dix jours c’était supprimer dix fêtes, et le 4 octobre on honorait saint François d’Assise, objet de grandes dévotions en Italie. C’était donc une date à ne surtout pas supprimer, raison pour laquelle le changement ne devait se faire que le lendemain, et pas le 1er octobre. Bulle et nouveau calendrier furent diffusés dans tous les pays d’Europe, des émissaires ayant la charge de les présenter aux souverains. En France, c’est au nonce Giovanni Batista Castelli que fut confié l’honneur d’exposer au roi Henri III les bienfaits du nouveau calendrier. En juin 1582, le nonce chercha vainement, à plusieurs reprises, à rencontrer le roi. Mais Henri III fuyait les ambassadeurs comme la peste et changeait fréquemment de résidence pour les éviter. De guerre lasse, c’est à Pierre de Gondi, évêque de Paris, que le 23 juin Castelli confia le soin de présenter le calendrier au roi, ce qu’il fit le jour même. Le lendemain, Henri III fit savoir à Castelli, par l’intermédiaire du même évêque, qu’il accueillait favorablement ce nouveau calendrier, et qu’il ne manquerait pas de le faire appliquer.
Mais dans le même temps, Henri III avait fort à faire. Depuis vingt ans, sept guerres de religion avaient déjà endeuillé la France, et si la paix était d’actualité elle était bien fragile, surtout avec les Guise qui briguaient le pouvoir. De plus Henri III était préoccupé par sa succession. Sans fils ni neveu, il allait être le dernier des Valois, et dans ces conditions la couronne de France reviendrait à son cousin Henri de Bourbon, roi de Navarre, dont le principal défaut était d’être protestant. Un huguenot sur le trône de France, l’idée même était inacceptable pour la cour, pour les Guise en particulier, qui n’allaient pas tarder à ranimer la Ligue. Une huitième guerre de religion se profilait à l’horizon. En conséquence, alors qu’à Rome le 15 octobre venait de succéder au 4, en France on était toujours le 5 octobre.
Malgré cela, un bréviaire, respectant le nouveau calendrier, avait été imprimé à Paris par les soins du célèbre imprimeur et libraire
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Patrick BERLIER (extrait de L’Héritage de Christian Rosencreutz) – Les Chroniques de Mars, numéro 22 – novembre – décembre 2016.
1614-1615-1616 – 2014-2015-2016
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