L’apparition formelle des trois Manifestes de la Rose-Croix, en 1614, 1615 et 1616, marque trois dates mémorielles dans l’Histoire de l’Hermétisme occidental. Passé quatre siècles, elles marquent aussi un anniversaire en forme de pierre blanche posée sur la ligne du temps, en signe sacramentel. Un signe des temps mais aussi un sceau de cire rouge orné d’une rose pourpre, en relief, pour signifier à chacun, au passant, au questeur, à quel point les écrits de l’Ancien Ordre mystique sont fondamentaux pour toute quête initiatique authentique.
Les éditions Arqa se devaient de saluer à leur manière ce moment si important, en cette date anniversaire, pour commémorer les quatre-cents ans de la Fama, de la Confessio et des Noces, et pour ainsi faire œuvre utile en présentant de nombreux documents inédits sur ces « Frères invisibles ».
(…) Ce Jacques Kerver n’est pas un inconnu pour les amateurs de Tradition hermétique. C’est lui en effet qui presque quarante ans plus tôt, en 1546, avait imprimé la version française du Songe de Poliphile, ouvrage culte qui contiendrait entre autres, mais sous une forme cryptée, toute l’organisation des sociétés discrètes de l’époque. Parmi les érudits qui se penchèrent sur ce livre, on peut citer plus particulièrement Claude-Sosthène Grasset d’Orcet, qui à la fin du XIXe siècle publia une multitude d’articles sur l’histoire secrète de l’Europe et sur les langages secrets des humanistes. Selon lui, Le songe de Poliphile, ouvrage célèbre aussi pour ses gravures, était l’œuvre des Gilpins, Saingiles ou Saint-Gilpins, très puissante corporation de graveurs organisée en société fermée, pour ne pas dire secrète, noyautant aussi bien l’Ordre des Gouliards que l’Ordre des Forestiers et Charbonniers, autrement dit les deux fondements occultes de l’Ancien Régime.
Ce sont les Gilpins qui, dans l’ombre, furent aussi à l’origine de la Société Angélique, cénacle discret né à Lyon au XVIe siècle, et dont le fondateur visible était le magistrat Nicolas de Lange. Parmi les écrits de Grasset d’Orcet on trouve en particulier cette phrase sibylline : « un chef d’ange (che angel) est l’hiérogramme le plus fréquent des saingiles ou saint-gilpins, que le vulgaire nommait rose-croix. » Pour cet érudit, il était clair que les Gilpins et les Gouliards ne furent pas étrangers non plus à la fondation de la Rose-Croix…
En France, le mois d’octobre 1582 se poursuivait comme si de rien n’était. Le 9, qui aurait dû être en fait le 19, le nonce Castelli se vit dans l’obligation d’écrire à Rome pour annoncer que la France ne respectait pas ses engagements. Dans sa réponse, le souverain pontife se montrait évidemment très mécontent. C’est alors qu’intervint dans notre histoire un certain Paul de Foix (1528-1584), archevêque de Toulouse et ambassadeur du roi de France auprès du pape. C’est un personnage qui fut à plusieurs reprises suspecté de bienveillance, pour ne pas dire plus, envers la religion réformée. Protégé par la reine mère Catherine de Médicis, il avait été lavé de tout soupçon. Cependant Grégoire XIII s’était un peu fait prier, pour les mêmes raisons, avant de l’agréer comme ambassadeur, en 1579. Dans les lettres que Paul de Foix adressait régulièrement à Henri III – lettres publiées à titre posthume en 1628 – la question du calendrier revenait depuis déjà quelques mois. Tout se précipita lorsque le 24 octobre (date française selon le calendrier julien) le pape reçut l’ambassadeur en audience. Dès le lendemain, Paul de Foix adressa un courrier au roi.
Ce courrier est essentiel, c’est lui qui réussit à convaincre Henri III d’adopter enfin le nouveau calendrier. Très diplomate, Paul de Foix sut faire
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Patrick BERLIER (extraits de L’Héritage de Christian Rosencreutz) – Les Chroniques de Mars, numéro 22 – novembre – décembre 2016.
1614-1615-1616 – 2014-2015-2016
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // L’héritage de Christian Rosencreutz
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // Préface de la « FAMA » de 1615 – Édition de Dantzig
400e ANNIVERSAIRE de la ROSE-CROIX // Table des Matières
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