« Pascal sort d’une autre race, en lui le surnaturel palpite, il a la foi. »
Paul Sédir
Afin de ne pas verser dans un mysticisme béat, il nous importe grandement aussi de revenir à l’essence des choses qui concerne la foi, seul et unique moyen d’accéder aux derniers cercles de l’empyrée si parfaitement décrits par le grand Dante Alighieri dans sa Divine comédie. Retrouvons alors, encore une dernière fois avant de nous quitter, cette incroyable nuit de FEU – qui est une « nuit de Dieu » – que va traverser Pascal en ce 23 novembre 1654, pour mieux dissoudre finalement le merveilleux de l’absolu.
Pour Jean de la Croix, le prisonnier de Tolède, compagnon de route de Thérèse d’Avila, qui avait assisté, lui, à de très nombreux prodiges et avait bien connu la transverbération de la réformatrice de l’Ordre du Carmel, il n’est pas opportun de considérer les merveilles du monde, les apparitions mariales, les miracles en tous genres, les baptêmes de feu et autres signes surnaturels, comme autres choses que ce qu’ils sont vraiment c’est-à-dire de “simples“ manifestations de Dieu, du Fils, de la Vierge, de l’Esprit, ou des saints. Cette phénoménologie avérée des manifestations divines n’a pour Jean de la Croix qu’un seul but, celui de renforcer indéfectiblement la foi du croyant pour mieux combattre les forces enténébrées. Pour Jean de la Croix, « la foi est une nuit », c’est elle – et elle seule – qui nous amène progressivement par la connaissance sensible des choses acquises, par les exercices spirituels répétés, par le rosaire renouvelé et par la transsubstantiation, à la rencontre ultime avec Dieu. La même que celle vécue par le philosophe mathématicien. Cette dialectique ontologique s’effectuant exclusivement dans l’abandon forcené de l’intellect comme l’exprime sans égard Pascal dans sa nuit de FEU, citant avec évidence le « Dieu d’Abraham » et non « des philosophes et des savants », rare trait du Mémorial non tiré des Ecritures.
La croyance sans restriction au mystère divin possède une clef intérieure qui est celle de la foi individuelle. Cette foi se noie aujourd’hui dans notre société matérialiste en pleine décadence, un peu plus chaque jour, dans le collectif de nos égos respectifs et c’est bien au sein de cette dualité avérée que se résout le problème de l’incarnation. « Soumission totale à Jésus-Christ » nous dit encore Pascal. Il ne s’agit pas là d’une soumission aveugle et nue mais d’un abandon inconditionnel que la foi individuelle dicte à chacun de nous dans le seul repli de son âme. Il s’agit bien en vérité d’une « renonciation totale et douce » comme l’indique Pascal ou encore pour employer la terminologie de la “petite“ Thérèse de Lisieux d’un « détachement intégral ».
Il faudrait à cet instant de notre discours, et pour donner un éclairage particulier, faire appel aussi à la notion de « grâce » que prônaient si intelligemment les jansénistes de Port-Royal des Champs. Cette « grâce » si difficile à accepter dans sa vision augustinienne par les dominicains et les jésuites, ordres religieux que l’on peut aisément ici associer aux « savants » et aux « philosophes » dont Pascal nous entretient ; une grâce qui nous permet de mieux comprendre ce cheminement dual de l’âme perdue, en errance perpétuelle – de l’ombre à la lumière – vers son Créateur, et de mieux considérer l’aide infinie qu’il octroie à chacun en son absolue miséricorde, tendant de la sorte une main providentielle à sa créature.
« Je m’en suis séparé… », criera encore Pascal avec remords en parlant du divin créateur. Et c’est bien cette séparation volontaire, assumée, qui crée temporairement la rupture du fil de trame qui empêche la nature de l’âme de retrouver son enclos béni. « Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie », nous enseigne la parabole du fils prodigue (Luc XV, 32). Le temps faisant son office, la Divine Providence accueillera toujours avec « joie » l’âme qu’Elle choisit pour ses actions de grâce. Alors, comme René Descartes l’écrivit pour lui-même, nous pourrions dire avec lui que nous sommes tous « un homme seul qui marche dans les ténèbres » – dans « la grandeur de l’âme humaine ».
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« Parce qu’en lui est révélée la justice de Dieu
par la foi et pour la foi, selon qu’il est écrit :
Le juste vivra par la foi. » – Romains I, 17
En dernier recours, après avoir évoqué « la fuite », « la renonciation », « la crucifixion » – et « la séparation » d’avec le Père – Pascal conclut sans appel à la fin de son texte manuscrit par ces quelques mots latins tirés des Psaumes (CXIX, 16) : « Non obliviscar sermones tuos » – (Que je n’oublie pas tes enseignements), encore résumés parfois par : « fais du bien à ton serviteur, pour que je vive et que j’observe ta parole ».
Pour Pascal, la peur de l’oubli et de son dialogue avec Dieu, en cette nuit si énigmatique, devait se concrétiser physiquement par une action particulière – symbolique pour lui – et qui prendra corps avec cet acte occulté de mise en captivité dans la doublure de son pourpoint de ces quelques lignes sacrées écrites dans une urgence telle que seul l’élan du cœur et de l’âme pouvait en expliquer l’événement. Ces derniers mots de conclusion du Mémorial de Pascal : « Que je n’oublie pas tes paroles », font aussi manifestement écho aux derniers mots de Blaise prononcés sur son lit de mort : « puisse Dieu ne jamais m’abandonner », comme si la peur de l’abandon de Dieu déjà estimée par Pascal lors de ce qu’il appela lui-même sa « période mondaine » des années 1648 à 1654, pouvait encore survenir prochainement dans un au-delà qu’il était en train de vivre au moment même où il subissait les affres de l’agonie… Au moment de ce départ si précipité, interrogeons-nous quand même sur le devenir de la puissance impérieuse du génie incontesté de Pascal, de ses découvertes futures, s’il avait seulement vécu vingt ou trente ans de plus, à rajouter à sa trajectoire de feu…
Il est à noter que ces derniers mots latins « Non obliviscar sermones tuos », si essentiels, ne figurent pas dans le document original écrit sur papier, mais seulement dans le manuscrit sur parchemin recopié par la suite par Pascal dans les jours qui ont suivi cette nuit suspendue. Pourquoi ? Pour quelles raisons ? Blaise les a rajoutés avec un autre état d’esprit, à froid, à la lumière d’une bougie dans la réflexion de son bureau, comme pour parachever son manuscrit et (…)
Thierry E. GARNIER – Extrait de : « NUIT DE FEU – Essai sur le Mémorial de Blaise Pascal »
– K2Mars 26 – 2017.
Voir avec les yeux du cœur
Puisse Dieu ne jamais m’abandonner
Pour une eucharistie sans sommeil
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