» Eugène Canseliet : philosophe hermétique « , ce titre, sujet de la maîtrise soutenue par Cédric Mannu, à Paris IV la Sorbonne, représente un travail important qui aura exigé maintes recherches et rencontres. Travail de longue haleine, méticuleux, réclamant application et ténacité. Il fallait, assurément, que cet ouvrage parût.

 » Très Sainte Philosophie !  » Combien de fois aurais-je entendu cette affirmation énoncée, tel un constat, à l’endroit de cette Philosophie hermétique très sainte et très pure. Cet état de conscience dont parlait mon père, cette pureté de l’esprit, du corps et de l’âme, cette élévation, cette assomption vers le Créateur, cette communion entre Amour et Connaissance, qui conduit à la perfection de l’être, fut la voie constante de l’unique disciple de Fulcanelli.
Comme il m’est aisé et agréable de parler de ce père si viscéralement lié à ses enfants. Que de doux souvenirs de l’enfance, de l’adolescence, et plus tard jeune femme, auprès de ce père si profondément paternel.

J’appris à lire, guidée par le cher homme dans le conte philosophique de Gustave Flaubert : La légende de saint Julien l’Hospitalier, merveilleuse évocation vers le divin. Quelques très belles eaux-fortes illustraient le récit et malgré mon jeune âge, je me détachais, à regret, de la lecture et des gravures impressionnantes de réalisme. Quelle émotion, quand il m’arrive, parfois, d’ouvrir l’ouvrage broché, rangé dans l’une des deux grandes armoires normandes qui me servent de bibliothèques !

Ce n’est pas l’apanage, selon les préceptes traditionnels du philosophe que de vouloir être inaccessible. Cependant, une nécessité absolue réclame la discrétion, qualité première, qui sera impérativement observée. Eugène Canseliet savait doser ces deux attitudes et conseiller généreusement les étudiants qui le pressaient de questions. à l’écoute de l’autre avec cette bienveillance qui lui était propre, en dehors de toute malhonnêteté et du manquement à la parole donnée.

Lors des deux dernières années préparatoires aux études musicales à Paris, auxquelles je me destinais, ce cher père aura, quotidiennement, et à dose massive, supporté le son du piano. Ravie et positivement collée au clavier, je répétais, inlassablement, des heures durant, gammes, Bach, Czerny, Schubert, Beethoven, etc., sans qu’il ne manifestât quelconque impa tience.
Je m’interroge et cherche à comprendre où trouvait-il les ressources nécessaires pour accomplir ce travail de rédaction que réclamaient, à cette époque, entre autres choses, les secondes préfaces des deux œuvres maîtresses de Fulcanelli aux éditions de l’Omnium Littéraire.

Il m’exhortait à l’étude en me répétant souvent avec douceur :  » Travaille avec amour !  » et de me faire constater, non sans humour, que nous avions chacun notre clavier, et que le silence de la maison se mélangeait, harmonieusement, aux accents musicaux de mon instrument.

Même les veillées nocturnes, en période propice aux expériences de laboratoire, écourtant le repos salutaire, n’entachaient en rien son infatigable patience.

canseliet_333.jpg

Merci, cher père, de nous avoir inculqué cet intérêt et ce respect pour les bêtes. Ne sont-elles pas, elles aussi, des créatures de Dieu ? Amoureux des chats, il nous aura transmis cette passion à l’endroit de ce félin domestique, ainsi qu’à ma fille, laquelle s’occupe, avec grande énergie, de la sortie prochaine du second volume des études de son vénéré grand-père. Aucun vaccin ne nous immunisera et nous demeurerons ainsi, avec bonheur, dans la lignée, telle une descendance des Louis Nucéra, Docteur Wailly et Fulcanelli.
Souvent, un récipient de fruits pose sur le rebord de la fenêtre du bureau de mon père, était offert aux habitants ailés du jardin : merles, pies, sansonnets, et plus rare, par le nombre, aux rouges-gorges. Pour ces derniers, Eugène Canseliet, avec une attention toute particulière, présentait le fruit aux creux de sa main, et l’oiseau, à la gorge rubescente, venait y picorer. Les chats savaient ne pas avoir droit d’agresser ces gentils volatiles. Alors, ostensiblement, ils détournaient la tête et s’éloignaient dans la plus parfaite indifférence.
 » Quels trésors ces Demeures Philosophales ! C’est une vraie jouissance de s’y approfondir de nouveau. Les pages 207-209 que je relis encore sont si pleines de lumière que l’on y voit clairement la lumière métallique interne irradier à l’extérieur avec une clarté éblouissante.

Avec le vif espoir de vous revoir ici bientôt et mes sentiments de fraternelle et profonde affection, votre bien dévoué.  »

M. Mohtar

Cet extrait d’une courte lettre fut adressé à Eugène Canseliet par l’officier diplomate turc Mahmoud Mohtar Pacha. Mon père lui portait une grande estime confortée par une amitié dont la force n’avait d’égale que l’importante réciprocité de leurs sentiments et de leur philosophie. Deux aristocrates dont l’un, malheureusement, parti trop tôt en 1935 au large de Marseille, sur le bateau qui l’amenait en France.

Au début de l’année 1931, Jacques Cherest écrivait à mon père après avoir lu Le Mystère des Cathédrales et Les Demeures Philosophales. La lecture de ces deux ouvrages l’avait vivement impressionné et réconforté. Il venait de perdre son fils aîné, Philippe, emporté par une fièvre typhoïde à l’âge de quinze ans. C’est par son intermédiaire que Canseliet rencontra la doctoresse Brosse dont Le Mystère des Cathédrales fit, sur elle, un profond et heureux effet.

À l’hôpital Broussais, où exerçait cette jeune femme médecin, mon père traita certains cas graves avec l’onguent qu’il avait mis au point. Remède de merveilleuse efficacité dans les affections externes purulences et microbiennes. Il sauva, entre autres, la main d’un poissonnier qui devait être amputé. Un traitement, sous forme de solution, apportait un soulagement à certains grands malades atteints de tuberculose pulmonaire.

Jacques Cherest offrit, généreusement, à mon père, la jouissance d’une chambre mansardée, au sixième étage, d’un immeuble qui lui appartenait, situé quai des Célestins.

Cette chambre, dont le vasistas vitré s’ouvrait sur la Seine, possédait une belle cheminée propice aux travaux de laboratoire. Mon père y réalisa maintes expériences, notamment, en présence de Mahmoud Mohtar Pacha. Le second fils de Jacques Cherest, Bernard, docteur en médecine, respecta le désir de son père et laissa l’usage de cette chambre au mien jusqu’en 1974, après l’infarctus qui lui interdisait l’ascension qu’imposaient les étages. Vint le temps crucial où il lui fallut quitter ce monde. Je ne pouvais me résigner à la rupture terrestre et repoussais cette éventualité avec la dernière énergie. En dépit du désarroi extrême, implorant la cessation de ce douloureux moment, je refusais de douter de la bonté du Seigneur et m’écarter de sa sagesse en ne gardant que le déchirement de la séparation.

La mort qui survient lorsque l’âme quitte le corps n’est pas celle qui consiste dans la rupture d’avec Dieu par le péché mortel et la perte de l’état de grâce permanente. Pour les élus, c’est l’entrée triomphale dans un Présent éternel qui suspend le temps.

En me sollicitant pour préfacer sa maîtrise, que j’ai lue attentivement avant de m’engager, Cédric Mannu, nous livre une réflexion étudiée et approfondie. Il nous épargne les opinions hâtives et fausses précédemment proposées par divers auteurs en quête de sensations toutes aussi saugrenues. Son analyse ne cherche pas, systématiquement, à étiqueter ce Grand Mystère.

Il me plait de répéter après lui : Eugène Canseliet : philosophe hermétique, et de poursuivre… imprégné de noblesse et d’une prodigieuse érudition.

Béatrix Canseliet Chatagnier,
ce 5 août 2010.

Les Chroniques de Mars & éditions Arqa ©
Cédric Mannu

Eugène Canseliet – Philosophe Hermétique (1899-1982).


777jingle-2.jpg

THESAVRVS // Adam – Adepte – Aigles – Alchimie – Alchimiste – Argyropée – Assation – Athanor – Chrysopée – Coupellation – Cyliani – Élixir- Élixir de longue vie – Eugène Canseliet – Philalèthe – Fulcanelli – Gnose – Grand Œuvre – Lavures – Macrocosme – Magnum Opus – Mercure – Microcosme – Nicolas Flamel – Œuvre au noir – Œuvre au blanc – Œuvre au rouge – Or – Panacée – Paracelse – Philosophie Hermétique – Pierre Philosophale – Poudre de projection – Régule – Rémore – Soufre – Sublimations – Table d’Emeraude – Teinture – Terre adamique – Transmutation – Unobtainium – Vitriol – voie de l’Antimoine – voie du Cinabre //