Quand nous sommes entrés dans la carrière astrologique, dans les années soixante, on nous disait que les astrologues étaient des « uraniens », ce qui voulait dire des individualistes. Nous avons passé des années à démontrer le contraire en organisant une centaine de congrès, de colloques, de guides et pour finir nos sites vidéo sur la vie astrologique, introduisant ainsi un contrepoint que l’on pourrait qualifier de saturnien et parallèlement , sur le plan intellectuel, nous avons toujours milité en faveur d’une astrologie saturnienne contre une astrologie uranienne. Mais finalement, demanderons-nous, est-ce bien pour un astrologue d’être uranien ? Est-ce rassurant et engageant pour ses clients qu’il le soit et/ou pense l’être ?
Reconnaissons que nous n’avons pas une grande estime pour l’uranisme et que nous pensons qu’il serait bon de désuraniser l’astrologie et le milieu astrologique. Ce nom même d’Uranus sonne à nos oreilles désagréablement et n’est pas sans évoquer l’urine et …. l’uranium dont on connait les applications effrayantes. (d’ Hiroshima aux menaces iraniennes).
Quel est le scénario qui conduit quelqu’un à faire appel à Uranus, tel que les astrologues l’ont défini, on ne sait trop comment. Nous avons déjà signalé dans un texte récent qu’Uranus a été découvert et intégré en astrologie à une époque où l’astrologie était assimilée à l’occultisme et où, en France notamment, elle était matinée de tarot (Petit homme rouge des Tuileries de P. Christian).
Certains de nos correspondants, comme Christian Moysan, dont nous avons reproduit les messages, nous expliquent que Saturne a besoin d’Uranus pour accomplir de vrais changements. Qu’est-ce qui les conduit à tenir un tel discours, au nom de quelle philosophie de l’existence ?
Pratiquer l’astrologie s’apparenterait selon certains à une activité artistique. La différence, c’est que l’astrologue a une responsabilité sociale, il est le gardien d’un certain ordre des choses et s’il ne respecte pas cette mission, il est logique qu’il soit déconsidéré, ce qui est probablement ce qui a généré le déclin social de l’astrologie. Mais même un musicien est tenu de respecter certaines règles jugées intangibles et dont il ne s’éloigne que pour mieux y revenir.
Un astrologue qui travaille sous le signe d’Uranus indique par là même qu’il considère que la vie ne fait sens que si l’on y ajoute un peu de piment, que si l’on donne un coup de pouce, comme si sans cela, elle serait bien morne. Ce besoin d’une intervention uranienne qui viendrait sauver la mise ou à l’inverse, chez l’adversaire de préférence, entraver les projets ne nous semble guère «moral » et dénote un esprit quelque peu chimérique. Uranus, c’est le ketchup ou le sel que d’aucuns ajoutent d’office à leur nourriture. De là à théoriser pour nous expliquer que rien d’important ne se fait sans Uranus, il y a quand même quelque distance à franchir !
Donc, nous persistons et nous signons, Saturne n’a pas besoin d’Uranus pour mener à bien son action, la dynamique saturnienne se suffit tout à fait à elle-même. Bien au contraire, il revient à Saturne de s’en protéger car elle risque de tout embrouiller en laissant trop de champ au hasard, à l’opportunité. Certains diront que dans la vie, il faut « saisir sa chance ». C’est là en effet une certaine mentalité « uranienne ». Il est fort possible en effet que des astrologues aient ainsi été marqués par une occasion qui s’est offerte à eux et qui a changé leur vie. Mais sont-ils si sûrs que cette « occasion » ne s’inscrivait pas dans une logique cyclique saturnienne ? Encore eut-il fallu qu’ils maîtrisassent parfaitement la problématique saturnienne, tant au niveau du calcul que de l’interprétation. Or, le Saturne de l’ABR n’est pas le Saturne de l’astrologie traditionnelle. Donc avant de discuter sur Saturne et Uranus, il faudrait commencer par s’assurer que l’on parle de la même chose et que l’on ne met pas la charrue avant les bœufs. Avant de rajouter la sauce uranienne, ou neptunienne ou plutonienne ou chironienne, il serait bon de s’assurer que nous maitrisons déjà bien les fondamentaux à commencer par Saturne. Cela nous fait songer à un apprenti cuisinier qui ne saurait faire rôtir ses viandes et qui compenserait par toutes sortes d’additions pleines de saveurs. Certaines cuisines régionales se sont ainsi construites sur la prédominance et la multiplicité des adjuvants aux dépens de produits de base, de médiocre qualité et souvent mal cuits…
Quand l’astrologue entend conseiller des gens, s’il est trop marqué par Uranus, dans son esprit (on ne parle pas ici de son thème), il risque fort de basculer dans le divinatoire et encore dans un divinatoire de mauvais aloi puisque exploré paradoxalement par l’étude de cycles, ce qui est un contradiction dans les termes.
La démarche saturnienne est celle de la continuité, mais d’une continuité qui a intégré ses temps forts et ses temps faibles. Est-ce que l’on a besoin d’autre chose que le soleil pour rendre compte de l’alternance jour/nuit ? Faudrait-il attendre que la Lune apparaisse pour qu’il fasse nuit ou bien n’est-ce pas plutôt l’inverse ? La Lune est au soleil ce qu’Uranus est à Saturne, c’est-à-dire qu’Uranus ne règne que lorsque Saturne déprime. Or, nous savons qu’astrologiquement, les cycles de Saturne et d’Uranus ne sont pas emboités l’un dans l’autre et qu’Uranus fort peut cohabiter avec un Saturne fort. Ce qui montre bien qu’Uranus n’est pas une planète mais une sorte de Saturne en creux. On a eu tort, à une époque de décadence de l’astrologie, d’attribuer cette valeur en reflet à un astre et d’ailleurs à ce titre là Uranus était déjà présent en astrologie dès que l’on a parlé d’une planète en exil ou en chute.
Quant au thème natal, lui-même, il nous semble appartenir à ce que nous avons appelé l’uranomancie. On dresse un thème pour savoir ce qui pourrait favoriser ou menacer un processus saturnien. Le fait même que le thème soit calculé avec la plus grande précision montre bien le caractère ponctuel de ce qu’il est censé exprimer. Saturne, quant à lui, se situe dans la durée et c’est le cycle et non le thème qui est son vecteur.
Oui, en effet, il semble bien que nombreux soient les astrologues « uraniens », c’est-à-dire qui sont persuadés que l’on peut tout sauver ou tout compromettre définitivement en un quart de seconde. Marqués par une telle expérience existentielle, ils ont besoin de se convaincre que ce qui leur est arrivé si soudainement et de façon si irréversible devait, de toute façon, arriver car cela les déculpabilise et c’est peut être cela le rôle de l’astrologie karmique voire de l’astrologie humaniste que d’aider à accepter les ‘accidents de la vie », comme on dit dans les contrats d’assurance, dont ils n’ont pas su se remettre, ce qui les a fait désespérer de Saturne.
[1] Voir Paul Krugman, in Courrier International n°2056, daté du 27 janvier 2011.