Dans le présent texte, nous inviterons les astrologues à une certaine prise de conscience consistant à ne pas confondre les habits de l’astrologie, qui ont pu varier au cours des âges et son essence. Certains qui ont voulu changer ses habits, n’y sont pas parvenus complètement, s’arrêtant en chemin, l’habit étant devenu habitude et habitat.
Nous avons rejeté dans de précédents textes l’utilisation que l’astrologie fait des planètes en dehors de Saturne, nous voudrions expliquer comment on a pu en arriver là.
Rappelons d’abord certaines observations :
– Il existait, dans l’Antiquité, plus de dieux que de planètes. Ce n’est que récemment que l’on aura fini par épuiser la liste des dieux, si l’on tient compte des astéroïdes.
– L’idée, chez certains astrologues, qu’il y aurait 12 planètes pour 12 signes confirme le caractère « zodiacal » de l’astrologie. La série des 12 planètes serait une sorte de zodiaque, marquant une progression, une évolution.
– Il nous faut aussi rappeler à quel point l’astrologie est et a été victime de processus syncrétiques visant à considérer que tout ce qui est d’ordre astrologique est forcément compatible et que par conséquent, tout ce qui associe des significations à des astres et à leur parcours serait bon à prendre pour l’Astrologie, terme qui finit par ne plus désigner qu’une sorte de « valise » dans laquelle on entasserait les choses les plus diverses mais toutes relatives, à un titre ou à un autre, au Ciel. C’est ainsi que cela ne fait qu’un siècle qu’en France les astrologues s’intéressent à l’ère du verseau mais c’est là une astrologie bien différente de celle généralement pratiquée au XVIIe siècle en Occident.
– enfin la théorie des Ages montre qu’il y a une progression psychique en passant d’un âge planétaire au suivant. On passerait de l’âge de Mars à celui de Jupiter et ainsi de suite. Mais cette théorie prônée par Jean-Pierre Nicola nous semble calquée sur une autre, qui correspond à ce qu’on appelle le voyage des âmes. Sans faire de mauvais jeu de mots, l’on peur se demander s’il ne faudrait pas plutôt parler de la théorie des Anges et si nous devons pas l’attribution de dieux aux planètes à une certaine forme d’astrosophie, dont le développement était initialement parallèle à celui de l’astrologie.
Autrement dit, quand on est parvenu à détecter l’existence de planètes, cela aura donné naissance à plusieurs écoles. L’une aura abouti à une astrologie monocyclique – Saturno-stellaire -qui a été profondément intégré par l’Humanité et dont on peut observer les effets au niveau du cours des événements, jusqu’à ce jour, le présent éclairant ainsi le passé. L’autre école aura conféré aux sphères successives des significations liées à tel ou tel dieu et marquant le parcours des âmes. Franz Cumont (Les religions orientales dans le paganisme romain, 1905, Geuthner, 1963, p. 164-165) rappelle : que « selon une doctrine chaldéo-persique, une amère nécessité contraint les âmes, dont la multitude peuple les hauteurs célestes, à descendre ici-bas pour y animer les corps qui les tiennent captives. En s’abaissant vers la terre, elles traversent les sphères des planètes et y reçoivent de chacun de ces astres errants, suivant sa position, quelques-unes de leurs qualités. Inversement, lorsque, après la mort, elles s’échappent de leur prison charnelle, elles remontent à leur première demeure, du moins si elles ont vécu pieusement, et, à mesure qu’elles passent par les portes des cieux superposés, elles se dépouillent des passions et des penchants qu’elles avaient acquis durant leur premier voyage, pour s’élever enfin, pures essences, jusqu’au séjour lumineux des dieux. Elles y vivent au milieu des astres éternels, soustraits à la domination des destins et aux limitations mêmes du temps » On retrouve un écho de cette doctrine chez Platon . Dans le « Phèdre », est exposé le mythe de descente et de remontée de l’âme.
Autrement dit, le fait que chaque planète ait reçu un dieu n’aurait rien à voir avec l’astrologie. Comme pour la théorie des âges, on marque ainsi simplement l’évolution et l’involution des âmes, en descendant et en remontant – ce que l’on trouve notamment présent dans les doubles domiciles des planètes, (« Tétrabible », IIe siècle de notre ère).avec le mouvement de Mercure vers Saturne, puis le retour de Saturne vers Mercure. La série des dieux marque une progression, à l’instar du zodiaque ou des maisons astrologique mais ce sont autant de processus comparables et interchangeables et qu’il ne faut donc pas prendre à la lettre. Quand on emprunte une source, c’est toujours un emprunt partiel et non global. L’emprunt au zodiaque soli-lunaire pour diviser les étoiles en constellations ne signifie aucunement que l’on s’en tienne à un quelconque tropicalisme. Les critiques de ce type, notamment du fait de la précession des équinoxes, ne sont pas fondées.
L’astrologie contemporaine doit se dégager de cette astro-théosophie liée au voyage des âmes à travers les sphères planétaires associées à des divinités.
Il serait préférable d’ailleurs qu’elle renonçât carrément au symbolisme zodiacal et mythologique ainsi qu’aux significations des maisons astrologiques en les remplaçant par une simple idée d’évolution et d’involution, le basculement se produisant à mi parcours. Là encore, ce n’est pas parce qu’un certain langage a pu être utilisé qu’il ne faut pas le rendre par des formulations plus modernes et plus abstraites et somme toute plus scientifiques, avec toutes les passerelles qui peuvent ainsi s’établir avec d’autres domaines. Le désenclavement de l’astrologie est à ce prix. Que l’astronomie conserve la mémoire de tout ce qui s’est greffé sur les astres est son problème. Celui de l’astrologie se situe bien au-delà d’un simple musée. Le problème des rénovateurs de l’astrologie, comme Jean-Pierre Nicola aura été de s’en tenir au contenu, c’est à dire à un renouvellement de la terminologie astrologique et de ne pas en évacuer, par la même occasion, les contenants que sont les 12 signes, les 12 maisons astrologiques et les planètes. Mais comme nous avons dit, il ne faut pas être esclave des sources. Il ne fallait retenir que le principe de cyclicité et de réversibilité. Or, paradoxalement, le respect de la lettre aura le plus souvent correspondu à la perte de l’esprit. En effet, avec le temps, la cohérence même des correspondances proposées est devenue de moins en moins transparente. Qui, de nos jours, peut encore relier les 12 signes à l’iconographie des 12 mois du calendrier, telle qu’on la trouve dans les almanachs de la Renaissance ? Il y a pire, avec les planètes, puisque l’on a cru bon de tenir compte de planètes dont on ignorait l’existence dans l’Antiquité et de les adjoindre au système des domiciles, cassant par là même le processus en aller-retour. D’aucuns traitent de « ringard » le refus de recourir aux planètes transsaturniennes, en oubliant qu’il ne s’agissait au départ que d’une image, d’un exemple. L’astrologie ne saurait rester enchaînée aux représentations en quelque sorte pédagogiques qui ont pu servir à certaines époques.