Parution cette semaine d’un livre intitulé « Jacques Bergier. Une légende… un mythe », aux éditions de l’Harmattan… Cet hommage collectif à Jacques BERGIER réunit les témoignages de vingt auteurs d’horizons différents. Dirigé par Claudine Brelet (anthropologue HDR, ancien membre du personnel de l’OMS, Senior Expert consultante auprès de l’UNESCO), ce livre paraît à l’occasion du 70ème anniversaire de l’entrée de Jacques Bergier dans la Résistance, du 60ème anniversaire de la création de l’Association des Écrivains Scientifiques de France (soutenue par l’UNESCO) avec ses amis François Le Lionnais et Louis de Broglie et du 50ème anniversaire de la parution du Matin des Magiciens, manifeste du réalisme fantastique d’où naquit la revue Planète en 1961 qui, traduite en une douzaine de langues, devint un véritable phénomène éditorial.

Jacques Bergier, né le 8 août 1912 à Odessa (Ukraine) et mort le 23 novembre 1978 à Paris d’une hémorragie cérébrale, est un ingénieur chimiste, alchimiste, espion, journaliste et écrivain de nationalité française et polonaise. Sa mémoire eidétique lui permit de maîtriser 14 langues modernes et anciennes, dont l’araméen, et de lire jusqu’à dix livres par jour. Sur sa carte de visite, il se présentait comme « Amateur d’insolite et scribe de miracles ». Il joua le rôle de L’Incollable dans un jeu télévisé de RTL. Ami de l’astronaute Edgar Mitchel (Mission Apollon 14 sur la Lune), Hergé l’immortalisa dans le personnage de Mik Ezdanitoff dans l’album de Tintin « Vol 714 ».

Salué dans la francophonie pour la grande diversité de ses connaissances et ses nombreux ouvrages, Jacques Bergier a largement contribué à la promotion, en France, de phénomènes ou de faits négligés par la science, notamment avec son livre Le Matin des magiciens, écrit en collaboration avec Louis Pauwels. . Après ses études à l’Ecole Supérieure de Chimie de Paris, Jacques Bergier découvre en 1936, avec le physicien atomiste André Helbronner, l’utilisation de l’eau lourde (que les nazis tenteront de s’approprier à l’état naturel en Norvège pour construire la bombe atomique – d’où la célèbre « bataille de lourde » conduite par les Alliés pour en détruire l’usine) pour le freinage des électrons et réalise la première synthèse d’un élément radioactif naturel, le polonium, à partir de bismuth et d’hydrogène lourd en volatilisant un filament de tungstène. Très vite, il développe un penchant pour l’alchimie (soutenu par la rencontre qu’il aurait eue avec Fulcanelli en juin 1937), et affirme au début des années 1950 avoir obtenu par transmutation alchimique du béryllium à partir de sodium.

Dès la signature de l’armistice en 1940 par Pétain pendant la Seconde Guerre Mondiale, Jacques Bergier entre dans la résistance (ses actions héroïques ont déjà commencé lors de ses voyages d’affaires dans l’Allemagne de 1935 où il distribue des tracts anti-nazi à la sortie de théâtres) au sein du « trio des ingénieurs », puis du Réseau Marco Polo mieux structuré à compter de décembre 1942 (faisant ainsi, en 1941, la connaissance de son futur grand ami François Le Lionnais -membre d’un autre groupe). Grâce à des renseignements fournis par un ingénieur russe travaillant sur place et transmis à Londres, son réseau est à l’origine du bombardement de la base d’expérimentation des V2 construits à Peenemünde. Le 18 août 1943 est lancée l’Opération Hydra: 598 bombardiers lourds détruisent l’usine de Peenemünde.

Le Ministère de l’Air britannique centralise ensuite les renseignements de divers réseaux français dont Marco-Polo, et l’Air Chief Marshall Sir Roderic Hill, commandant de la défense aérienne de Grande Bretagne et commandant en chef du Fighter Command de la RAF, procède le 5 décembre 1943 aux premiers bombardements de 21 sites de V1 sur le sol français, en détruisant 12 entièrement et 9 partiellement grâce au 8e Air Force. Bergier est alors – entre autres – chargé de gérer les rares postes émetteurs de Marco-Polo sur Lyon. Il y est arrêté le 23 novembre 1943 par la Gestapo et soumis à la torture à 44 reprises. Il est enfermé dans les camps nazis de Neue Bremme, puis Mauthausen, de mars 1944 à février 1945. Ce passé de résistance lui permet ultérieurement certains contacts directs avec Charles de Gaulle.

Un film réalisé en RDA, Et l’Angleterre sera détruite (titre original : L’homme qui arrêta la foudre), évoquant l’action de Jacques Bergier grâce à qui fut détruite la base secrète de Peenemünde, fut présenté en 1969 au Festival de Cannes par le Lieutenant-colonel Rémy.

Après la guerre, Jacques Bergier aurait été capitaine de la DGER (Direction générale des études et recherches), au sein de laquelle il aurait dirigé la branche française du CIOS (Centre interarmée de contre-espionnage alliés). Il participe ainsi pendant la seconde moitié de 1945 à la MIST (Mission d’information scientifique et technique), dirigée par le capitaine Albert Mirlesse (ingénieur en mécanique, père fondateur du Normandie-Niemen) chef du 2e bureau de l’État-Major Général de l’Air -EMGA-, et rattachée au CIOS, pour des missions secrètes en Allemagne afin d’interroger des savants atomistes, et de trouver des armes secrètes dérivées de l’eau lourde.

En 1953, Jacques Bergier abandonne ses activités d’ingénieur-conseil chasseur de têtes scientifique pour se lancer dans l’écriture. Il compte déjà plusieurs écrivains parmi ses amis, dont Jean Bruce, Arthur C. Clarke et Ian Flemming. Ses nombreux ouvrages mêlent des éléments authentiquement scientifiques à d’autres relevant de la science-fiction et du fantastique. Il co-dirige plusieurs collection de Science-Fiction chez Albin Michel. On lui doit d’avoir fait connaître et traduit Lovecraft en France. Son œuvre compte près d’un cinquantaine d’ouvrages et d’innombrables articles dont « Applications des satellites : laboratoires de l’espace » et « Colonisation de la lune » parus en 1960 dans le numéro spécial de Science et Vie sur « L’Homme dans l’espace ».

Jacques Bergier pensait que des civilisations disparues auraient pu exister avant la préhistoire et que des civilisations extra-terrestres, techniquement très avancées ou non, existaient dans l’univers. Les hypothèses des théories astrophysiques actuelles semblent le confirmer.

Deux phrases de Jacques Bergier résument bien sa philosophie :

« L’impossible, c’est ce qui n’a pas encore été fait » et : « Nous devons voir les choses anciennes avec des yeux neufs ».

Le héros de la Seconde Guerre mondiale reste pour ceux qui ont apprécié son intelligence, son courage et sa grande bonté, « un éveilleur de conscience », comme le désigne l’éditeur Jean-Pierre de Monza.

>[Edition de l’Harmattan]