Avec la publication du nouveau livre de Franck Daffos et de Didier Hericart de Thury sur le mystère Saunière, cette interview donnée par Franck Daffos à Christian Doumergue et publiée aux éditions Arqa, dans « L’Affaire de Rennes-le-Château », prend un nouveau relief tant les éléments donnés alors à l’époque, de façon inédite et en avant-première, sont toujours de la plus criante actualité. Nous restituons pour notre WebZine, le début de cette inteview.
Le 16 avril 2005, au soir de la première conférence publique de Franck Daffos sur son livre, alors à paraître, « Le Secret dérobé », nous nous étions découvert non seulement un intérêt commun pour « Serpent Rouge », mais des conclusions approchantes sur son interprétation comme sur sa genèse.
C’est cet intérêt commun qui a motivé le présent entretien, dont nous pensons – en laissant bien sûr la responsabilité de ses propos à l’auteur – qu’il recèle plus d’un élément digne d’intérêt sur l’historique de l’étrange « apocryphe ».
Christian Doumergue // – Franck Daffos, vos travaux sur l’affaire de Rennes-le-Château ont fait couler beaucoup d’encre… Pourriez-vous en quelques mots présenter l’histoire que vous avez réussi à reconstituer, celle de la découverte d’une cache dont auraient été extraits des biens matériels par la suite entreposés à Notre-Dame de Marceille ?
Franck Daffos // Il n’est pas très aisé de retracer en quelques lignes l’historique de cette énigme que j’ai tenté de reconstituer sur près de trois siècles. Sachez seulement que je prouve définitivement dans mon livre qu’un fabuleux trésor fut retrouvé par hasard au milieu du XVIIe siècle sur les terres du baron Blaise d’Hautpoul, seigneur de la région des deux Rennes. La découverte de ce dépôt allait bouleverser bien des vies puisque nous allions voir se succéder dans la connaissance de ce secret plusieurs personnages dont le plus emblématique fut sans conteste Nicolas Fouquet, flamboyant surintendant des finances du royaume, qui décida de s’approprier une partie de ce trésor.
Hélas, une utilisation bien peu discrète de cette manne provoqua son arrestation suite aux soupçons d’un Louis XIV irrité de l’enrichissement si subit de son ministre qui, pour sauver sa vie, ne put que révéler (mais de façon parcellaire) l’origine de sa fortune. Le Roi à son tour ne manqua pas dès lors de puiser dans les réserves de N-D de Marceille (sanctuaire marial quasiment millénaire situé tout prés de Limoux), réceptacle secret de la part du trésor de Nicolas Fouquet, et ce du moins jusqu’aux décès successifs des deux gardiens du lieu, Mgrs François Fouquet puis Nicolas Pavillon.
Le sanctuaire de N-D. de Marceille retrouva ensuite la douce langueur des endroits sans histoires, tout au moins jusqu’au début du XIXe siècle où l’aumônier du lieu redécouvrit la crypte au secret. Son successeur mis dans la confidence, et qui avait décelé par des indications laissées sur place au XVIIe siècle que tout ceci n’était que l’émanation d’un trésor bien plus important, consacra le reste de sa vie à la recherche de cette cache initiale qu’il savait être dans la région de Rennes-les-Bains. N’étant pas sur place, et après quelques essais d’approche infructueux avec le clergé local, il décida alors de former son propre successeur, et de lui « acheter » la cure tant recherchée. Ce fut chose faite en 1872 et son élève avait pour nom Henri Boudet.
Ce dernier, dés qu’il fut sur place, poursuivit la quête de son mentor et l’acheva au milieu des années 1880, pénétrant enfin dans le dépôt tant recherché du baron d’Hautpoul. Après avoir confié le secret des deux caches (Marceille et Rennes) de son eldorado aux pages d’un livre crypté par ses soins en 1886, il eut l’idée d’en constituer l’illustration vivante en utilisant comme support l’église de son nouveau collègue de Rennes-le-Château, Bérenger Saunière, dont il finança la restauration en sous-main. Mais la vente judiciaire forcée de N-D de Marceille suite à la mésentente de ses co-propriétaires, obligea en 1891 l’abbé Boudet à révéler à son évêque Mgr Billard les véritables secrets du sanctuaire.
Le prélat, après avoir réussi à racheter très discrètement à titre privé le monument en 1893, “embaucha” le sémillant abbé Saunière pour convoyer discrètement au loin les objets précieux du trésor, le rémunérant par un ingénieux système d’intentions de messes. Ainsi s’explique la soudaine fortune du curé de Rennes-le-Château qui, hélas pour lui, ne dura que du temps de la vie de Monseigneur Billard. À la mort de ce dernier, fin 1901, refusant de revenir à la misère, Saunière eut la malencontreuse idée de reprendre à son compte l’idée des messes qu’il agença vite en réel trafic, ce qui lui attira bientôt les foudres justifiées de sa nouvelle hiérarchie jusqu’à une dispense à divinis qui, en lui faisant perdre sa cure et tout pouvoir sacerdotal, le plaça irrémédiablement dans une fin de vie dominée par les affres de la gêne financière…
Christian Doumergue // Parlons du « Serpent Rouge ». Selon vous, le texte aurait été rédigé par Plantard à partir d’un écrit authentique plus ancien rédigé dans le premier quart du XXe siècle par un proche de Boudet… Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Quels éléments vous ont permis d’arriver à ces conclusions ?
Franck Daffos // Pour comprendre ce qui m’a permis d’en arriver à la conclusion que le « Serpent Rouge » ne pouvait être qu’authentique, il faut remonter dans cette énigme bien des années en arrière, et plus précisément aux alentours des années 1840… En ce temps-là, deux aumôniers successifs de N-D de Marceille, les chanoines Mêche d’abord puis Gasc ensuite gèrent en toute discrétion un important dépôt trésoraire retrouvé par le premier d’entre eux sous leur église.
Or le principal problème qui se pose dans une telle situation est l’écoulement et la vente des pièces anciennes provenant du trésor. Il ne faut surtout pas attirer l’attention, et il est donc impératif de les monnayer le plus loin possible. Mais comment procéder lorsqu’on n’a jamais l’occasion de quitter sa région ? Heureusement le destin veillait, et l’abbé Mêche qui cumulait aussi dans ses années de présence à Limoux l’office d’aumônier de l’hospice de cette ville fit un jour une rencontre inespérée sous les traits d’un brave prêtre du nom de Joseph Chiron, tout droit venu de l’Ardêche, et qui œuvrait à mettre sur pied une Congrégation poursuivant le noble but d’apporter de l’aide aux aliénés mentaux, hélas simplement emprisonnés à l’époque. Mêche sut de suite saisir une telle opportunité et décida de financer discrètement cette Congrégation naissante, à charge pour certains de ses membres de négocier loin de Limoux les objets précieux provenant de la cache sous N-D de Marceille.
Ainsi se trouve expliquée l’extraordinaire et si rapide ascension de la « Congrégation Sainte-Marie de l’Assomption »…
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Christian Doumergue – Extrait de l’interview de Franck Daffos, publiée dans « L’Affaire de Rennes-le-Château » – Les Chroniques de Mars, juillet 2011.