ROGER CORRÉARD (1931-2020) – In Memoriam
Sur les traces des Nibelungen
« Je dois cependant faire une mise au point en préalable, la seule et unique archive existante sur Théopolis n’est autre que la Pierre écrite. » Roger Corréard
Suite au départ de notre ami Roger Corréard vers l’Orient Éternel et vers les Plaines diaphanes et enchantées du val de Chardavon, les « Chroniques de Mars » publient ce mois-ci un Numéro Spécial consacré à THÉOPOLIS, la fameuse « Cité de Dieu » telle que la décrivait saint Augustin dans ses écrits et telle qu’eut envie de la réaliser concrètement sur cette Terre le Préfet des Gaules Dardanus. Nos abonnés trouveront également un Dossier entièrement consacré à notre ami Roger Corréard qui accorda, lui, sa vie entière à localiser précisément la mythique Cité de Provence. Par delà l’espace et le temps, tous ses amis lui adressent ici aujourd’hui un dernier adieu prompt à lui faire chevaucher avec amour les nuages.
K2Mars – Dossier préparé par Thierry E. Garnier, Patrick Berlier, Guy Tarade & Alain Le Kern. – Mai 2020.
« – Je te garderai toujours une place dans mon cœur »
Notre ami Roger Corréard vient de nous quitter, dans sa 90e année. Il est né le 5 mars 1931 au Poët, une commune des environs de Sisteron. C’est dans l’église de ce petit village que, lors des offices dominicaux, il se retrouvait invariablement devant un grand tableau représentant saint Joseph tenant un rameau de lys.
Mais son auteur inconnu avait eu l’idée de peindre en arrière-plan un paysage bien réel, précisément celui que l’on découvre depuis le village. Au fond à gauche Roger reconnaissait le Rocher de Hongrie, une colline au profil caractéristique, et les falaises de Gache. Mais à droite l’artiste avait représenté une ville de l’ancien temps entourée de remparts… Or il n’y a aucune ville dans cette direction. Un jour Roger posa la question à son grand-père, lequel lui répondit que ce qui était représenté c’était le souvenir d’une ville romaine, détruite pendant les guerres de religion, et située derrière les falaises de Gache. Quelque temps plus tard, en feuilletant un guide touristique, Roger apprit le nom de cette ville disparue : « Théopolis », « la Cité de Dieu » en grec, tout un programme…
La seconde guerre mondiale arriva très vite. La famille de Roger préféra quitter la région de Sisteron et la Provence « d’en haut » pour aller s’installer dans la Provence « d’en bas », à Eyguières dans les Bouches-du-Rhône. C’est là que, dans les années d’après-guerre, Roger fit la connaissance de sa future épouse Solange. Mais le jeune homme rêvait d’aventures. Malgré la guerre d’Indochine qui venait de commencer, il s’engagea dans la Marine Nationale. Roger fit le tour du monde, servant sur des navires prestigieux, avant de finir sa carrière militaire dans l’aéronautique navale sur la base de Nîmes-Garons. Entre temps il avait épousé Solange, qui lui avait donné quatre enfants. Lorsqu’en 1978 l’heure de la retraite sonna, il emmena sa petite famille sur les terres de son enfance, et retourna vivre à Sisteron.
Roger Corréard se souvint alors de ce tableau de l’église de son village natal, et des lectures qui avaient suivi. Il entreprit une correspondance avec Guy Tarade, dont il avait apprécié le livre Les dossiers de l’Étrange, paru quelques années auparavant. Guy Tarade lui conseilla la lecture de L’île des Veilleurs, le livre d’Alfred Weysen qui connaissait un certain succès, fabuleux récit narrant la recherche d’une cité disparue dans les gorges du Verdon. C’est ainsi que Roger se mit en tête de retrouver sa cité disparue à lui, la ville de Théopolis. Durant des années, il arpenta les terres arides du plateau de Saint-Geniez, au pied de l’imposant Rocher du Dromon, sur lequel il grimpait encore prestement il n’y a pas si longtemps. Il rassembla des textes, des documents, des images, si bien qu’il finit par se décerner le titre « d’archiviste auto-proclamé de Théopolis ». Il commença également à rédiger des notes, racontant ses souvenirs, ses recherches. Cet épais dossier finit par devenir un beau livre, Théopolis – Gîte secret du Lion, publié en 2008 par les éditions Arqa. L’œuvre de sa vie en quelque sorte, dont j’ai eu le plaisir de signer la préface. C’est dans les années 1990 que j’avais entamé une correspondance avec Roger, puis au cours de mes vacances en Provence j’ai eu très souvent l’occasion de le rencontrer.
Roger se passionnait aussi pour le phénomène ovni. Il a enquêté sur de nombreuses apparitions de ces objets célestes, et surtout il en est devenu un témoin privilégié. Près d’Eyguières Roger et Solange possédaient un petit lopin de terre, dont à force de travail ils avaient fait un jardin-verger, véritable petit paradis niché au creux du Vallon des Glauges, non loin du site archéologique d’Aquaria, les ruines d’une importante villa gallo-romaine. C’est là, dans cette ravine perdue, qu’ils firent à de multiples reprises des rencontres – au sens ufologique du terme – pour le moins extraordinaires. J’ai souvent passé des heures délicieuses dans ce jardin, en compagnie de Roger et Solange. Avec leur gentillesse habituelle, ils m’invitaient pour la cueillette des cerises, ou des abricots, auxquels ils ajoutaient toujours un panier de légumes. Mais jamais je n’ai eu la chance d’apercevoir la moindre lueur, le moindre éclat, de l’un de ces objets venus d’ailleurs. Même pas leur ombre. À peine avais-je quitté Roger et Solange, que les phénomènes aériens revenaient se montrer – rien que pour eux semble-t-il, et ce n’est pas là le moins étrange. Je me souviens de l’une des dernières lettres que m’adressa Roger, racontant comment Solange et lui avaient vu passer dans le ciel provençal une « tour Eiffel volante » toute illuminée. J’avais toujours pensé que les ovnis choisissaient les personnes à qui ils se manifestaient, et j’en avais là une nouvelle démonstration.
Roger Corréard était aussi l’homme des paradoxes, puisque ignorant tout des subtilités d’Internet – ne possédant même pas d’ordinateur – il est devenu l’une des vedettes de la grande toile d’araignée mondiale. Il suffit de taper son nom sur n’importe quel moteur de recherche pour voir défiler articles les plus divers, photos, vidéos, etc. Homme d’un autre temps, aujourd’hui il a rejoint ce monde que l’on dit meilleur, et qu’il ne redoutait pas, persuadé que la vie n’est qu’un passage. « Celui qui pénétrera le Mystère de l’Anneau des Nibelungen accédera de son vivant dans l’Éternité », écrivait-il dans l’introduction de son livre. Son corps nous a quittés, mais pas son âme. Rien ne meurt jamais vraiment. Il nous restera de toi, Roger, ton délicieux accent de méridional, tes bons mots, tes histoires inénarrables, tes écrits, et encore ce film réalisé par Jimmy Guieu en 1994, ce documentaire sur Théopolis commercialisé sous forme de cassette VHS.
Eh bien Roger, tu es comme cette vieille cassette que je ne peux plus visionner – le temps des magnétoscopes étant bien révolu – mais qui traîne pourtant encore dans un fond de rayon de ma bibliothèque : je ne te verrai plus jamais, mais je te garderai toujours une place dans mon cœur…
Patrick BERLIER // « Les Chroniques de Mars » © – mai 2020 – Numéro spécial Théopolis.
THÉOPOLIS – NUMÉRO SPÉCIAL – MAI 2020
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