Description
Le Grand Manuscrit d’Alger tome II – Georges Courts
Georges Courts – Le Grand Manuscrit d’Alger Magie et Franc-Maçonnerie au XVIIIe siècle
Manuscrit de L’Ordre des Élus Coën – Le Cahier vert – Tome II
» Si la fonction sacerdotale est première, elle reste corrélée pour Martinès de Pasqually à la fonction chevaleresque. Les qualités requises pour le combat, en particulier l’éthique chevaleresque, sont indispensables à la pratique du culte. Le corpus martinésiste n’est pas toujours pacifiste. S’il est question de paix, c’est de la paix du Christ, non de celle de l’homme. «
Rémi Boyer – Préface au Grand Manuscrit d’Alger – Tome 2
Dans le cadre des recherches martinésiennes très approfondies menées par Georges Courts depuis tant et tant d’années, une des choses les plus importantes, sinon la plus importante était pour lui – en toute hâte – de prendre son temps pour parachever une œuvre tout à fait considérable entièrement vouée à la connaissance opérative des formes nommées par Martinès de Pasqually. Avec ce tome deuxième, l’auteur nous convie maintenant à considérer avec la plus grande attention que l’entrée de plain-pied dans le palais fermé du Roi – autrement dit dans les infrastructures ignées prônées par Martinès – s’appréhende avec une volonté sans faille et une foi indestructible envers l’œuvre des Élus Coëns.
La connaissance a un coût, le chemin de la réintégration aussi, et pour certains imprudents un peu trop pressés le prix à payer est parfois hors de prix. En termes d’opérativité, le moindre faux-pas amènera sans aucun doute le cherchant indiscipliné dans un val sans retour. Autant dire que les savantes mises en garde de l’auteur de ce second volume sont dès lors à appréhender par le lecteur avec la plus grande lucidité et surtout en pleine connaissance de cause. Il est peu de dire que le Tome I du Grand Manuscrit d’Alger de Georges Courts jeta à sa sortie, en 2009, un lourd pavé bleuté dans le pré carré des petits marquis désireux d’arpenter seuls une aire « spirituelle » qu’il s’agissait pour eux de confondre d’écoles en chapelles et de chapelles en réceptacles à initiations.
Pour nous, ici – enfin – avec éclats, Georges Courts ouvre à tous portes et fenêtres et laisse pénétrer la Lumière indifférenciée pour tout un chacun qui se retrouve à arpenter le Sentier, seul ou accompagné, mais jamais démuni de courage. C’est l’essentiel. 438 pages – ISBN 2-7551-0065-6
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ENTRETIEN avec Georges COURTS // Le Grand Manuscrit d’ALGER – Tome II
Georges COURTS // SOMMAIRE DU LIVRE // Le Grand Manuscrit d’ALGER – Tome II
Rémi BOYER // Le Grand Manuscrit d’ALGER – Tome II
(extrait)
Signes, caractères, hiéroglyphes, noms. Généralités.
Le travail des Élus Coën est indissociable d’un certain nombre de notions particulières, notamment en ce qui concerne le tracé des cercles d’opérations. Ces tracés sont faits à la main par craies de couleur rouge, noire et blanche, ainsi qu’avec des préalables avant même les opérations. Par la suite, ces cercles furent petit à petit remplacés par des tapis opératoires, ou encore des tapis de loges renfermant des symboles et des allégories plus ou moins complexes, en liaison avec le degré ou le grade. Ces notions étaient déjà utilisées à l’époque de Martinès par des loges et chapitres maçonniques nombreux. Les opérations, quant à elles, sont définies selon le résultat à obtenir dans le travail quotidien, dans les travaux particuliers, ou lors des équinoxes et des initiations. Elles sont faites soit d’une manière individuelle dans une chambre particulière, soit d’une manière collective en loge, ou chapitre.
Dans les folios du Manuscrit d’Alger, les plans d’opérations renvoient systématiquement à la notion de signes et de noms. Là se côtoient quelques anges seulement, mais surtout des « esprits » bons ou mauvais, avec leurs caractères, intelligences et hiéroglyphes. Il convient, avant d’envisager toute opération du rite, voire compréhension de ce système théurgique aux références magiques, de reprendre les différentes données que les Maçons Élus Coën devaient sans doute étudier au cours de leur apprentissage, ou encore bien connaître, selon les données de l’époque et selon la magie en usage au Moyen Âge.
Il est de plus en plus certain que Martinès a mis en place un rite spécifique maçonnique, collectif en loge ou chapitre de chevaliers, appuyé par un travail personnel, ou fait d’opérations particulières individuelles en dehors des loges constituées. Ce rite évolua en fonction d’éléments particuliers, peut-être fournis par les données de son père, ou encore de personnes qu’il nomme des Amis de la Vérité et qu’il ne désignera pas nomément, ou des découvertes qu’il fit. Ce travail, il le modifie ou l’améliore, soit par les propres documents qu’il posséde dont – dit-il – il ne se sépare jamais, même dans ses déplacements, soit dans ceux qui lui furent remis et qui lui permirent de faire évoluer le tout, en changeant plusieurs fois les instructions et les rituels, au grand dam de ses émules. C’est ainsi que Willermoz, qui désirait connaître les applications pratiques, fut amené à poser de nombreuses questions dont Louis-Claude de Saint-Martin, peu enclin à une pareille opérativité (il le dira lui-même maintes fois), ne semblait pas connaître les réponses, ni certaines précisions qu’il peut donner ensuite au retour de Martinès de Pasqually. Parlant de l’ordre opératif dans l’Ordre des Élus Coën en 1778 et préférant « ses intelligences », Saint-Martin reconnaîtra lui-même son incompétence : « Je n’étais pas assez avancé dans ce genre, ni dans aucun autre genre actif, pour faire un grand rôle dans cette excellente société, mais on y est si bon qu’on m’y a accablé d’amitiés ». Saint-Martin opposera par la suite clairement « ses intelligences » à l’ordre opératif, à ce genre actif et à l’initiation par les formes des Élus Coën. Pour Saint-Martin, ces initiations « par les manifestations sensibles obtenues aux moyens de cérémonies », de même que les instructions de Don Martinès dont se louait le Puissant Maître de Salzac, tout cela est « trop compliqué et ne peut être qu’inutile et dangereux ». Malgré tout, en 1892, il reconnaîtra que la plupart de ceux qui suivaient Martinès de Pasqually, qui avaient des vertus très actives, « ont retiré des confirmations qui pouvaient être utiles à notre instruction et à notre développement ». Mais pour certains, les idées du Philosophe Inconnu deviendront rébarbatives et contraires aux données de Martinès de Pasqually, créant ainsi la zizanie dans les groupes qu’il visitera. Ainsi, De Salzac répondra en déclarant que les interventions de Saint-Martin avaient eu des résultats malheureux. Saint-Martin avait tout juste réussi à « mettre en méchante posture par des nouveautés » des frères qui travaillaient selon les anciennes instructions de Martinès et que cette « belle besogne » était une malheureuse affaire, ou que les séduisantes propositions de Saint-Martin « n’étaient que les fruits d’un esprit, mieux intentionné que mûri ».
Pour Matter, « la recherche de la voie centrale (interne), la communication de ses intelligences (l’enseignement de Böhme), et le rejet des cérémonies et des manifestations sensibles qui accompagnaient ces cérémonies constituaient les points les plus essentiels de la mission de Saint-Martin ». Pour Saint-Martin, dans cette voie interne mystique, le résultat de ces intelligences est l’expression de l’amour sans forme, de centre profond sans forme physique et de Verbe intime. L’effet du centre interne « se borne à des mouvements intérieurs délicieux et à de bien douces intelligences qui sont parsemées dans mes écrits », ce qui est bien loin et séparé des méthodes du rite des Élus Coën. Pendant ce temps, quelques émules de Martinès continuent cependant de penser que les réunions maçonniques et martinistes, les initiations particulières, les loges et leurs travaux sérieux permettent un travail réel opératif, une théurgie initiatique efficace et une progression qui sera confirmée, voire validée par le regard d’autrui, car bénéficiant aussi de l’énergie, des conseils ou même des critiques, mais surtout des aides entre frères et sœurs sur le même chemin.
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