MICHEL MOUTET (8 novembre 1949 – 26 décembre 2020)

« Y aurait-il un rapport entre le monde extérieur et le monde intérieur ? La qualité de notre environnement terrestre extérieur serait-elle en relation avec la qualité de notre vie intérieure, instinctive, que les alchimistes appelaient «notre terre intérieure», dont l’autre nom encore est l’inconscient ? – Notre terre extérieure serait-elle malade parce que notre terre intérieure serait maltraitée ? » Michel Moutet

 

*   *   *

« Adieu l’ami… », écrivions-nous à propos de Michel Moutet, le 26 décembre dernier – date de sa disparition terrestre. Nous avions alors consacré un fort beau numéro spécial, ou plus exactement un « numéro spatial »…, pour que puisse, à travers ses amis, survivre en quelques sortes des bribes éparses de nos mémoires vives, agrégées en étoiles, à l’amour que nous portions à Michel – chacun à sa manière.

Dans le cadre de cet hommage, nous avions contacté à l’époque, également, un de ses amis proches, l’écrivain Michel Granger, Docteur en Physique Chimie et, entre autres, grand spécialiste des phénomènes paranormaux. Pour Michel Granger, la douleur était encore vive et il ne s’était pas senti alors « le courage d’écrire sur le coup juste après son décès », m’écrivait-il encore récemment. Un an après, Michel Granger nous livre ce témoignage émouvant, en cette date anniversaire, sur ses échanges réguliers avec Michel Moutet.

Qu’il soit ici remercié pour cette heureuse initiative qui nous touche grandement.

Thierry E. Garnier – Les Chroniques de Mars – décembre 2021


 

Hommage à Michel Moutet (1949-2020) – Un an déjà !

 

En décembre dernier, Michel Moutet, mon ami, décédait après deux années de combat contre une insuffisance respiratoire sévère. Nous nous appelions au téléphone tous les lundis à 17 h. Me reste encore dans l’oreille cette petite voix qui était la sienne pour répondre à ma sempiternelle question : « Allo Michel, comment vas-tu ? ». Et c’était toujours pour m’entendre dire que ça allait un petit peu mieux qu’hier mais sans plus ou alors le contraire.

Nous pensions pendant longtemps qu’une greffe de poumons pourrait le sauver, c’était un moteur pour se projeter dans de nouveaux projets éditoriaux.

Il s’est éteint le 26 décembre 2020, lendemain de Noël, après une énième infection des poumons, celle de trop…  J’ai été bouleversé par la mort de Michel au terme de ce que je peux qualifier d’un vrai calvaire respiratoire.

A chacun de nos coups de fil, après la question d’usage concernant sa santé, nous discutions une demi-heure de tout et de rien. Les points d’actualité ne nous occupaient guère, aussi, souvent revenions-nous à ce qui nous avait toujours rapproché : l’ufologie. Je connaissais Michel depuis 44 ans et pour autant nous ne nous étions jamais rencontrés physiquement ! Je voudrais témoigner ici en quelles circonstances nous nous sommes connus et vanter une de ses grandes qualités : son respect d’autrui…

Une occasion de rencontre ratée en 1976 quand j’habitais Grenoble, une autre un peu plus tard, et puis nous n’y avions plus songé nous contentant de nous apprécier vocalement à distance par téléphone ou en nous écrivant sporadiquement. J’ai une grosse boîte à archives où je garde précieusement toutes ses lettres. Les échanges plus ou moins réguliers que nous avons eus durant ces quatre décennies ont bien mieux valu plus qu’une rencontre physique sujette souvent à l’aléatoire. Et ils me restent comme un trésor.

Tout a commencé quand, nouvellement éditeur des « Cahiers du Réalisme Fantastique » (CRF), lancés en 1971 par un petit groupe de la Maison des Jeunes et de la Culture Magnan de Nice, mon adresse lui a été transmise par la secrétaire de l’association, Mme Denise Bonjour, avec laquelle j’étais en relation depuis 1973.

Dans le n°2 nouvelle formule, nouveau format, du 1er trimestre 1977 des CRF, il se disait « à la recherche de témoignages de phénomènes mystérieux, fantastiques, inexpliqués, aberrants absurdes… »

Il faut croire qu’il avait été intrigué par ce pseudo-Canadien qui avait publié plusieurs livres dans la collection Les Chemins de l’Impossible d’Albin Michel, dont les CRF étaient sur la liste du service de presse et a voulu en savoir plus sur cet auteur énigmatique porté par des livres exploitant la thèse extraterrestre à des fins diverses et variées. A l’époque, j’avais 34 ans et, nanti d’un doctorat en chimie physique délivré par l’université de Montréal obtenu en 1972, je travaillais au Centre Cryogénique de la société Air Liquide à Sassenage près de Grenoble en tant qu’ingénieur de recherche.

L’idée farfelue de faire appel aux extraterrestres pour décrypter l’alchimie nous était venue à un ami et à moi alors que nous préparions notre thèse dans un laboratoire empli de vapeurs d’ozone (sujet de nos manips). Après un succès inespéré avec L’Achimie, superscience extraterrestre (1972) qui nous valut une volée de bois vert tout à fait justifiée de la part des spécialistes de l’art spagyrique auquel nous ne connaissions rien (Michel m’avait même permis de rédiger une autocritique de ce livre qui parut dans un numéro spécial des CRF en décembre 2002, 30 ans après) mais qui se vendit comme des petits pains, j’avais décidé de poursuivre l’aventure en solo en surfant sur ma lancée concernant les pouvoirs psychiques humains ; ayant atteint à une relative consécration, je fus même admis à entrer en livre de poche dans la collection mythique de J’ai Lu : « L’aventure Mystérieuse » en 1977.

C’est par une lettre datée du 13 décembre 1976 à en-tête imprimée en violet que j’ai appris l’existence de Monsieur Michel Moutet éditeur. Je ne recevais pas les CRF et ne savais donc pas que Michel ou un autre avait déjà présenté mes livres reçus en service de presse par la MJC dans une rubrique intitulée la bibliothèque du RF (novembre 1972) pour l’Alchimie et novembre 1973 pour Terriens ou ET ? En tout cas, il les avait lus.

En effet, il m’écrivait : Ayant su apprécier à leur juste valeur les deux ouvrages que vous avez publiés chez AM et préparant un bimestriel de moyenne diffusion, appelé à devenir mensuel, intitulé « La Revue des Soucoupes volantes », je serais heureux de pouvoir compter sur des articles de votre main. Et il m’indiquait ses tarifs ! Pour la première fois de ma vie, on offrait de me payer pour écrire quelque chose avant que ce soit fait ! Si bien qu’avant les fêtes de Noël, et en lui présentant mes vœux (ce qui devint une tradition), je lui envoyai un texte intitulé : « L’alchimie science fossile… »

Entre parenthèse dans la phrase citée plus haut, Michel avait glissé cette insertion : même si les ufologues que j’ai rencontrés, à Grenoble entre autres, vous classent parmi les auteurs peu sérieux. Ainsi Michel me confrontait d’emblée au monde impitoyable de l’ufologie, un monde parfaitement inconnu de moi qui venait du monde scientifique (mais qui dit extraterrestres dit soucoupes volantes et ovnis, n’est-ce pas ? ce qui m’avait totalement échappé, mes deux premiers livres ne touchant pas à ce sujet). L’ufologie n’est-elle pas le seul domaine avec la politique où n’importe qui peut se targuer d’être un expert sans la moindre formation académique ni le moindre diplôme sur la question ? Il est vrai que l’ufologie n’a jamais été une science. Ainsi, les ufologues patentés voyaient d’un mauvais œil que je vienne inconsciemment piétiner leur pré carré. Pardonne-moi Michel de dire ici que, plus tard, tu me révélas les noms de ces ufologues prestigieux qui portaient ce jugement sur mon incompétence dans ces matières comme tu aimais à dire (CRF, version Moutet, janvier-mars 1977). Ces grands spécialistes ont fait, d’ailleurs, une carrière ufologique plutôt en demi-teinte.

Ainsi, mon premier article ufologique si peu sérieux parut-il dans le n°1 de « La Revue des Soucoupes Volantes » de juin-juillet 1977, inséré après le texte d’un adamskiste en phase de repentance et le second intitulé « Nous sommes tous d’essence extraterrestre » dans le n°2 avant celui d’un futur abductionniste pur et dur ! Quel honneur immérité Michel m’avait fait là, moi qui, plus tard, avec une certaine ingratitude, me défendit toujours d’être un ufologue ! Mais déjà, dans une lettre du 13 mars 1977, il m’écrivait : Est-il bien raisonnable entre universitaire (pour information, j’ai un DEA d’Histoire)* de parler de « force occulte ». Toujours est-il que… je vous passerai l’impressionnant détail des ennuis qui ont plu depuis un mois sur la revue. J’espère que ma modeste contribution n’avait pas aggravé les choses…

Il est vrai que Michel n’affichait pas une opinion péremptoire sur la question de l’origine des ovnis, ces « mystérieux objets célestes », selon l’expression d’Aimé Michel. Mais ce n’était pas par je ne sais quelle machiavélique perversion consistant à adapter son propos aux idées de son interlocuteur qu’il évitait ainsi de se prononcer mais, selon moi, par un trait de caractère rarissime dans le milieu de l’ufologie : le respect de l’autre et une recherche constante d’une vérité qui nous échappe toujours. Michel était fasciné par les théories explicatives d’où qu’elles viennent et ne nourrissait aucune animosité pour ceux qui ne pensaient pas comme lui. Une qualité quasi unique en ufologie où, au milieu de la cacophonie qui y règne, chacun cherche à imposer ses idées, quelles qu’elles soient depuis l’authentique soucoupiste (duquel je me sens si proche) jusqu’au rigide et dogmatique sceptique qui nie le phénomène tout en cherchant à en exploiter le filon. Michel avait cette exceptionnelle aptitude humaine à écouter les autres et ne cherchait pas à les convaincre quand il n’adhérait pas à leur thèse. Pour cette ouverture d’esprit inégalable mêlée de tolérance, il sera irremplaçable.

L’exemple le plus emblématique est venu lorsqu’il a fourni un travail décisif dans la réédition de l’entièreté de la revue Phénomènes Spatiaux réalisant le rêve ultime de Francine Fouéré (une amie commune), une des dernières ufologues soucoupistes de la belle époque dont il ne partageait pas forcément toutes les vues, du moins, je le suppose.

Cher Michel, toi qui as toujours joué franc jeu envers moi, sans détour, sans la moindre équivoque, un grand respect mutuel nous animant l’un pour l’autre, je te rends ici un hommage sincère et amical. Ta présence me manque chaque jour. Reprenant la formule si bien choisie par ton compère Yves Bosson, tu m’as fait vraiment prendre conscience de ce qu’est une amitié indéfectible, qui peut même se perpétuer au-delà de la mort…

Michel GRANGER – Hommage à Michel Moutet (1949-2020) – Un an déjà ! – Chroniques de Mars – Décembre 2021.

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* En fait il avait obtenu un D.E.A. à implications économiques, juridiques et sociologiques (mention Très Bien) en 1976 à Nice, U.E.R. Civilisations.


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Michel MOUTET // Les hommages de ses amis

 

Thierry E. GARNIER – Michel MOUTET – In mémoriam

Yves BOSSON – Michel Moutet, éditeur

Marc HALLET – Hommage à Michel Moutet

Pierre BÉNY – Une vue de Michel

Richard BUADÈS – Michel Moutet – Au-delà du miroir

Thierry E. GARNIER – Michel Moutet – Le numéro spatial

Pierre BÉNY – Michel Moutet chez Rob Jullien – Une photographie inédite

• Serge MADIE-BAMZARIS – Michel Moutet « Les années de jeunesse »

Mais qui était donc Michel MOUTET ? //

Une interview inédite pour les Chroniques de Mars

 

• Chroniques de Mars Une interview de Michel Moutet – « De Mondo non sunt » # 1

• Chroniques de Mars – Une interview de Michel Moutet – « De Mondo non sunt » # 2

 

Les écrits de Michel MOUTET pour les « Chroniques de Mars » // 2010-2020

 

Michel MOUTET – Le fantôme de l’escalier

Michel MOUTET – Le château hanté de Lady Gaga

Michel MOUTET – Mutilations animales – La Bête du Haut-Var

Michel MOUTET – Le meilleur des loups

Michel MOUTET – Humeur cryptique

Michel MOUTET – Les meurtres rituels de la place d’Aligre

Michel MOUTET – La Bête des cabinets

Michel MOUTET – Le bassin maudit

Michel MOUTET – Le Mont Saint-Michel

Michel MOUTET – Je ne sais rien sur Jules Verne